Les trois conditions d'un Saas pérenne pour l'entreprise

Prometteuses, les solutions Saas (Software as a Service) s’installeront durablement dans les entreprises si ces dernières apprennent à gérer correctement le changement et si les DSI accompagnent le choix et l’utilisation des outils. Les fournisseurs de solutions vont aussi devoir travailler à l’interopérabilité de leur solution.

Le Saas (Software as a service), parfait pour expérimenter, n'est pas toujours perçu par les entreprises comme une approche sur laquelle investir. Est-ce une question de temps, ou cela repose-t-il sur des limites intrinsèques au modèle ?
Les différents visages du Saas
Le Saas correspond à une offre clés en main, disponible sur internet avec un coût proportionnel à l'usage. Les éditeurs valorisent leur business en s'appuyant sur la récurrence des revenus et l'augmentation du chiffre d’affaires par client. Ajoutez à cela un très faible taux de déperdition de clients, et on obtient la solution miracle. Mais la réalité n’est pas aussi rose dans tous les domaines, notamment dans le collaboratif et les réseaux sociaux d'entreprise, secteurs où le Saas serait le plus mature selon le Cigref.
Du point de vue des entreprises et non plus des éditeurs, le Saas est perçu différemment par les métiers et les DSI. Il est vu :
- D’une part, comme une opportunité pour les métiers d'accéder facilement à une offre logicielle rapide à déployer et en mesure d'accompagner leur mutation ;
- D’autre part, comme une offre informatique concurrente pour les DSI, bien que ne répondant pas aux contraintes de maîtrise et de sécurité de l'entreprise.
Le Saas entre par la petite porte dans les entreprises, souvent en outillant une expérimentation, créant ainsi une entente autour du moyen pour faire mûrir les besoins avant une intégration plus forte avec le SI (Système d'information). Le modèle qui assure récurrence et fidélité à l'éditeur est donc apprécié pour son caractère « non engageant » par les clients.
Les métiers en premier ligne avec le Saas
D'un côté, le Saas confronte les métiers à la réalité de leur projet et à la difficulté de faire évoluer leurs usages. Fini le temps où les projets essoufflés par une trop longue mise en œuvre, et plombés par des dégradations fonctionnelles, réalisaient un accompagnement a minima et faisaient porter le poids des difficultés d'adhésion à l'outil. Avec le Saas, à peine choisie, la solution est opérationnelle et la phase principale du projet démarre : le déploiement avec l'accompagnement au développement des usages. L'outil ne peut plus faire office de bouc émissaire et fait apparaître la réalité des enjeux d'un projet.
De l'autre, le Saas confronte la DSI à une évolution de son métier et de son rôle au sein de l'entreprise : les problématiques technologiques sont relayées au second plan, le choix des solutions est plus simple, l'investissement financier est très faible, offrant la possibilité de s'y prendre à plusieurs fois. Tous ces éléments permettent aujourd'hui au métier d'acheter directement ses solutions Saas sans que quiconque, DSI compris, n'ait son mot à dire. Et ce d’autant plus que « 83 % des DSI perçoivent très bien le potentiel d’innovation que les applications Saas procurent, mais ne sont pas encore prêts à les déployer au sein du SI », selon l'étude du Cigref Le Saas dans le SI de l'entreprise parue en octobre 2011.
Intégrer les applications Saas au SI
Si l'entreprise prend goût à cette agilité dans l'emploi de services à la demande (Saas), est-il raisonnable d'envisager un retour de ces applications informatiques dans le SI ? Je pense que le choix d'internaliser ou non se fera alors sur d'autres critères que les usages, et que la consommation de services en ligne ira de manière croissante. Dans ce cas, le compromis consenti autour d'un Saas comme solution temporaire ne tiendrait plus et l'entreprise devra évoluer pour accepter un emploi récurrent et pérenne de ces services à la demande. La pérennisation du Saas tient pour ces raisons à trois conditions :
1. Les entreprises doivent apprendre à (mieux) gérer le changement.
Si le but recherché est bien d'ajuster facilement ses outils à ses besoins et de conserver des solutions performantes, l'entreprise n'est pas à l'aise avec ces changements constants. Le modèle de l'entreprise agile a besoin du Saas, et le Saas fonctionne avec des organisations qui se réinventent et qui sont capables de développer de nouveaux usages.
Le changement n'est pas uniquement le fruit d'une entreprise qui souhaite progresser et qui peut ralentir ou accélérer à sa guise. Il est de plus en plus provoqué par les collaborateurs eux-mêmes, désireux d'améliorer leur efficacité. Ces leaders dans les pratiques créent et portent ainsi les mouvements d'adoption vers de nouveaux usages.
Mais le changement est surtout intrinsèque au Saas : le produit, identique pour tous, évolue constamment dans un souci d'amélioration et il faut, du coup, gérer le changement auprès des utilisateurs.
Les usages vivent, perdurent ou meurent en fonction de l'adhésion qu'ils suscitent. Si l'approche autoritaire ne fonctionne plus, l'entreprise doit encourager l'émergence d'une culture du changement, la reconnaissance du leadership et l'investissement de certains sur ces sujets, la valorisation de la prise de risque, le management par itération et la valorisation des réussites d'où qu'elles viennent.
2. Les DSI doivent assister la sélection, interfacer et assurer la mise en place de règles de gouvernance
Tôt ou tard, l'utilisateur a besoin d'articuler ces services en ligne avec ses outils métiers. Une question sur laquelle l'entreprise se penchera en fonction du nombre d'utilisateurs effectifs de la plate-forme. Il s'agira de faciliter l'authentification (Single Sign On) ou de créer des liens avec des référentiels métier, tout dépend de l'usage de la solution. Les technologies et les architectures deviennent distribuées sur le web et nécessitent une montée en compétence. Bien sur, la fluidité des applications en ligne nécessite le renforcement de l'infrastructure réseau.
L'achat de services en ligne est plus complexe qu'il n'y paraît, et la DSI a un rôle légitime à jouer dans ce processus. Elle doit apprendre à sélectionner les offres sur des critères juridiques : conditions d'abonnement (coût de possession en fonction de scénario), conditions de désengagement et réversibilité, qualité de services, sécurité, protection des données personnelles.
Mais pas uniquement. L'accès depuis internet à ces applications, donc au SI, nécessite d'accroître la vigilance des utilisateurs dans leur comportement pour éviter des négligences aux conséquences lourdes. Elle doit dans ce sens intervenir en interne pour mettre en place des règles de gouvernance de l'information et de gestion des accès. Ou encore renforcer l'infrastructure réseau pour supporter un flux d'échange plus important.
3. Les acteurs du marché doivent travailler à l'interopérabilité de leur solution
Les éditeurs, s'ils ne veulent pas rester des solutions temporaires pour leurs clients, devront également évoluer pour faciliter l'articulation de leur service avec le SI de leur client. A long terme, les critères d'achats devraient évoluer vers plus d'exigences de la part des entreprises. Les éditeurs doivent offrir un système économique (écosystème) avec des sociétés de services d'intégration et de conseil en mesure de concrétiser les projets. Pour cela, il faut aller au-delà de la mise à disposition d'API et leur permettre de créer de la valeur. Une difficulté lorsqu'on prétend offrir une solution clés en mains, plug & play et auto-appropriable.
Quelle est la propension des éditeurs à être des solutions pérennes dans ces conditions ? Les API sont encore assez limitées et conçues pour répondre à une architecture dans laquelle l'éditeur est au centre. Plus globalement, les plus petits éditeurs laissent les entreprises sans solution simple d'intégration au sein de leur SI et les grands ont créé des offres Saas pour disposer d'un produit d'appel à leur offre distribuée traditionnellement. Pour maîtriser son investissement dans une solution, l'entreprise attend un univers économique dans lequel évoluer ; c'est pour elle un gage de performance, de liberté et de pérennité.
Le Saas est en apparence une manière de consommer simplement de l'informatique, mais cela cache une évolution plus conséquente des entreprises.
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