L'expérience international est réservée aux meilleurs
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Les doubles diplômes avec l'étranger se multiplient. Mais aujourd'hui, ils tentent surtout de mieux s'insérer dans les cursus. Retour sur les conditions de réussite de ces filières de prestige.
Doubler sa formation d'un diplôme du prestigieux Imperial College de Londres, d'un Master obtenu dans les laboratoires du Massachusetts Institut of Technology (MIT) de Boston, ou dans les amphithéâtres de la renommée Chalmers
University de Göteborg, en Suède... En quelques années, les doubles diplômes sont devenus l'une des voies les plus prisées des élèves en école d'ingénieurs. Eux qui, faute d'opportunités, s'aventuraient rarement dans des cycles d'études à
l'étranger s'y bousculent désormais. Ils leur permettent de substituer à leur dernière année de spécialisation un séjour dans une université étrangère. Et, du même coup, de décrocher un Master étranger en plus de leur titre de l'école d'origine.
Pendant l'année scolaire 2003-2004, 2 000 élèves ingénieurs ont tenté l'aventure, selon la Conférence des grandes écoles. Ce succès a vite fait de transformer ces filières en cheval de bataille de l'ouverture à l'international des
écoles.Toutes échafaudent ou multiplient à travers le monde des partenariats, devenus des produits phares pour attirer les meilleurs élèves. La Conférence des grandes écoles en référence ainsi plus de 300 sur son site dans les seules
écoles généralistes ou spécialisées en informatique. On part y étudier les technologies de sécurité ou l'intelligence artificielle sur des campus américains, dans des universités brésiliennes, scandinaves, ou indiennes. Mondialisation oblige, les
destinations ne cessent d'ailleurs de se diversifier. Des établissements comme les écoles Centrale ou Supélec en proposent plus d'une cinquantaine, de Singapour au Chili.
Attention aux mauvaises surprises !
Cette course aux doubles diplômes a souvent occulté le véritable enjeu de ces filières d'excellence : leur bonne intégration, à la fois dans le cursus des élèves et dans les programmes des universités étrangères. En effet,
derrière les titres prestigieux et les programmes alléchants, les choses sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît. Certes, la globalisation facilite les échanges en standardisant les diplômes et les notations. Mais les mauvaises surprises sont
vite arrivées : dans des universités chinoises, où les cours en mandarin restent la règle ; à Barcelone, où les professeurs peuvent enseigner en catalan si bon leur chante. Sans oublier les fameux campus américains, où les projets de fin
d'études sont menés pour l'essentiel en laboratoire, alors que, chez nous, ils se déroulent en entreprise. Plutôt que de négocier au coup par coup une harmonisation délicate, les écoles cherchent à instaurer des cadres globaux de partenariats plus
sécurisés. A chacun sa politique en la matière : de l'Insa de Lyon, qui limite les cursus et n'envoie ses élèves que dans des universités déjà partenaires, à Centrale Paris ou Supaéro, qui appartiennent à des réseaux internationaux
d'universités comme Time (Top Industrial Managers for Europe), avec des troncs communs d'enseignements prédéfinis pour les échanges. D'autres, comme l'Efrei, se concentrent sur les pays et les campus les plus cosmopolites. Six partenariats ont ainsi
déjà été signés avec des facultés scandinaves. ' Elles ont une vraie culture d'accueil, et une bonne partie des cours est dispensée en anglais, confirme Christine Michel, responsable des relations internationales.
Le professeur responsable d'une option en danois ou en suédois choisie par l'un de nos élèves, la faire passer en langue anglaise si plusieurs étudiants étrangers s'y inscrivent. 'Le suivi sur place n'est pas simple non plus. Officiellement, la Commission des titres d'ingénieur recommande au moins une visite annuelle de la direction de l'école. Ce que, en réalité, la plupart n'ont ni le temps ni les
moyens de faire. Résultat ? Un interlocuteur unique, qui se résume souvent à l'administration de l'université d'accueil... Plusieurs écoles tentent néanmoins de mettre en place des suivis à distance. A Centrale Paris, les élèves à
l'étranger doivent envoyer des rapports réguliers sur leur séjour. A Supélec, chacun est supervisé par un enseignant tuteur, qui le contacte au moins tous les deux mois. ' Cela rassure les étudiants. Et nous pouvons ainsi
corriger le tir si besoin ', explique Olivier Friedel, directeur des études de l'établissement.
Une immersion linguistique totale
La mise en place de ces doubles diplômes modifie les perspectives des élèves au sein des écoles. En effet, longtemps taxées de chauvinisme, celles-ci ont, en quelques années, multiplié les programmes à l'international sans vrai
souci de cohérence. Les doubles diplômes y côtoient des étudiants en années de césure - autorisant à partir deux semestres sur un campus étranger sans obtenir de diplôme -, des séjours courts d'un semestre sur un campus, et divers stages hors des
frontières. Difficile de s'y retrouver dans cette offre de mobilité, et de cibler la formule la mieux adaptée à ses besoins. Filières d'excellence du genre, les doubles cursus font l'objet d'une sélection drastique sur dossier ou à l'aide de jurys,
qui en limitent généralement l'accès aux élites des promotions. On ne compte qu'un seul sélectionné en moyenne pour deux postulants. Au-delà même des compétences requises, les écoles insistent de plus en plus sur les motivations et les perspectives
de carrière mises en avant par les candidats. Il faut dire que ces cursus sont loin de s'apparenter aux balades exotiques de ' l'Auberge espagnole ', souvent imaginées. Les élèves signent pour une
période de deux à quatre semestres - en général, trois -, au lieu de deux semestres dans les options classiques. L'immersion linguistique y est totale, et la pédagogie privilégie le travail individuel aux heures de cours. Elle requiert une solide
autonomie. Dès la deuxième année de cursus, les directions organisent de plus en plus de présentations de ces exigences en s'appuyant sur la collaboration et les témoignages d'anciens diplômés ayant vécu cette expérience. Certaines imposent même des
entretiens individuels avec des responsables pédagogiques pour évaluer le désir, mais aussi les capacités réelles de chacun à partir à l'étranger.
Un enseignement adapté dans l'école d'origine
L'intégration dans les cursus ne concerne pas la seule orientation des élèves. Elle passe aussi de plus en plus par l'adaptation même des cursus proposés. Longtemps présentés comme des options de dernière année au contenu assez
généraliste, les doubles diplômes essaient désormais de se spécialiser pour répondre au mieux aux besoins des élèves. L'Enst de Bretagne lance ainsi un double diplôme MBA avec l'université d'Aston, en Grande-Bretagne. ' Depuis
quelque temps, nous étions submergés de demandes d'élèves désireux de suivre une spécialisation business en dernière année, raconte Ian Simpson, responsable des relations internationales. Ne la proposant pas dans nos catalogues,
nous sommes allés la chercher à l'étranger. ' De son côté, l'Epita prépare un double diplôme en PHD orienté recherche avec une université américaine. Signe de l'essor de ces filières, qui offrent le dépaysement, et surtout
une véritable excellence.