L'importance de la futilité
Entretien avec Philippe Mallein, socio-économiste
Rien n'agace plus ce chercheur en sciences humaines, partenaire scientifique du laboratoire des usages Minatec, dédié aux nanotechnologies, que d'entendre parler de l'utilité intrinsèque d'un produit ou d'un service. Son idée ?
' Si on ne veut faire que des services toujours utiles, on passe à côté du besoin de futilité. ' Et c'est dommage. Pour le sociologue, en effet, les utilisateurs adorent intégrer dans leur vie
professionnelle des dimensions de soi, des expressions d'eux-mêmes. Dans le domaine des services mobiles proactifs, par exemple, il est important de laisser une place aux usages divergents, qui donnent à chacun la possibilité de partir à la
découverte. Il faut donc penser les produits techniques comme de réels services d'accompagnement. Le service compagnon, qui ne connaît que les envies déclarées de son maître, est certes très performant. Mais il n'autorise pas la découverte. Ce ne
sera qu'un ' service bobonne ', sans surprise ni séduction. Faire vivre d'extraordinaire. C'est donc ce que propose Philippe Mallein avec des services adaptés à la fois ' à ce que
je suis et à ce que je pourrais être '. C'est pourquoi, dans le monde des objets communicants, les gagnants seront, selon le sociologue des usages, les industriels en mesure d'offrir ces services ' à la
fois utiles et futiles, à la fois efficaces et non performants '. Mais ils ne sont pas simples à fabriquer, surtout chez nous. ' Je ne vois pas la même chose en Finlande, poursuit Philippe Mallein. En
France, nous sommes marqués par une relation à l'objet de maître à esclave. Avec le risque que cette relation se renverse. Dans notre pays, le rapport à l'objet technique est toujours angoissant. La panne, c'est le refus d'obéir, la révolte de la
machine. ' Exemple : un dispositif qui prend une décision à notre place, comme le recalage d'un rendez-vous, est insupportable pour la majorité des Français. Les Finlandais, au contraire, lenvisagent plutôt comme un
moyen de se dégager des tâches ennuyeuses.a.muller@01informatique.presse.fr
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