L'innovation au naturel
Théorisé il y a une dizaine d'années par Michael porter, professeur à Harvard, le concept des “ grappes économiques ”, ou “ business cluster ”, se généralise un peu partout. La France s'affiche d'ailleurs comme un élève particulièrement enthousiaste, avec ses nombreux pôles de compétitivité mis en place depuis 2005. Mais l'exemple du cluster idéal demeure encore et toujours dans la Silicon Valley. Les crises passent et le dynamisme perdure dans cette région du monde, où, en quelques kilomètres, de Palo Alto à San José, en passant par Mountain View, Sunnyvale, Santa Clara, San Mateo et Cupertino, on croise une dizaine des marques informatiques parmi les plus mythiques. Ces professionnels évoluent au sein d'un microcosme où chacun se guette et se fréquente, en colportant rumeurs et bon plans. Universités, entreprises et investisseurs y forment une masse critique attirant les talents et engendrant la créativité. “ Facile de savoir quelle est l'entreprise la plus innovante : c'est celle où tout le monde veut aller travailler ”, m'explique un manager. Souvent, les projets innovants se construisent en réaction à l'immobilisme de mastodontes, jadis à la pointe de la technologie, mais devenus trop gros pour se remettre en question. Création, fusion, scission, rachat : là, tout semble se passer de manière extrêmement naturelle. Quel contraste avec nos pôles de compétitivité ! Car, comparée au modèle américain, l'innovation en France paraît bien formelle, avec son dogme de la collaboration public-privé, ses cycles d'appels à projets, ses prospectives gouvernementales, etc. Une équation complexe qui incite à multiplier les programmes et les guichets. On retrouve, là, deux traits de la culture française, les esprits cartésien et jacobin qui encouragent à toujours tout contrôler. Mais cette obsession pourra-t-elle jamais créer des ruptures technologiques ?