L'innovation en Île-de-France trouve un nouveau souffle
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Bien que très présente dans la région, la R&D en informatique et en télécoms souffre d'un manque de visibilité. La création de pôles de compétitivité devrait combler cette lacune et favoriser l'emploi.
L'Ile-de-France est la première région économique d'Europe. Pour la recherche, elle n'est pas en reste. Elle représente la plus forte concentration de chercheurs du Vieux Continent 68 000 environ. Et elle occupe la cinquième place à l'international. Sur l'Hexagone, l'Ile-de-France règne sans partage. Plus de quatre chercheurs français sur dix, secteurs public et privé confondus, y travaillent. Parmi les activités leaders de cette R&D, la fabrication d'équipements de communication, les services informatiques et l'édition de logiciels figurent en bonne place, aux côtés de l'automobile ou de l'industrie pharmaceutique.
Une carence en petites entreprises innovantes
La région francilienne propose un bassin d'emploi important et un enseignement de haut niveau. Elle offre aussi un accueil de qualité aux laboratoires publics et privés et à de nombreux groupes internationaux. Et pourtant, elle souffre d'un handicap : son manque de visibilité à l'étranger. On associe Toulouse à l'aéronautique et au spatial, Grenoble aux micro et nanotechnologies. A l'Ile-de-France, rien. ' La richesse de la région en termes de R&D nuit à la visibilité d'ensemble. Bonne partout, elle n'a aucune spécialisation forte qui ressorte ', souligne Alexandre Borotra, chargé de mission à Paris Ile-de-France capitale économique, association en charge de promouvoir la région à l'international.Autre problème, le faible nombre de PME innovantes, issues des découvertes effectuées dans les laboratoires de recherche. Si l'on appliquait les ratios de la Silicon Valley au plateau de Saclay, qui concentre 12 000 chercheurs, pas moins de 50 à 100 entreprises high-tech devraient voir le jour chaque année sur la zone. Or, seules une dizaine sont créées dans les années prospères.' Cette carence en petites entreprises innovantes pénalise fortement la compétitivité de la région. En effet, sans ces dernières, trop de grandes découvertes réalisées sur le territoire francilien sont valorisées ailleurs dans le monde ', regrette Paris Ile-de-France capitale économique dans une enquête menée mi-2004(*). En cause, des freins culturels importants les chercheurs français n'ont pas forcément une âme d'entrepreneur. Mais aussi des difficultés pour accéder à des financements. Cela malgré la présence sur le terrain des grandes banques d'affaires, des business angels et autres investisseurs.Dommage ! La région se prive là d'un réservoir d'emplois non négligeable. Si les PME innovantes sont souvent de taille modeste, elles présentent aussi un fort dynamisme. Ainsi les entreprises membres de l'association Silicon Sentier, dévolue aux TIC et qui emploie douze salariés en moyenne, ont-elles augmenté leurs effectifs d'un quart en 2004. Et cette année, 80 % d'entre elles prévoient de recruter, dont 55 % pour au moins deux embauches, selon Marie-Vorgan Le Barzic, sa secrétaire générale.
L'émergence de deux pôles de compétitivité
Pour résoudre ces problèmes, les autorités tentent d'améliorer les structures d'accueil pour les jeunes entreprises et de resserrer les liens entre sociétés et laboratoires d'un même secteur, via la création de pôles de compétitivité. Peu à peu, des incubateurs ou des pépinières spécialisés dans les TIC apparaissent. Ainsi, depuis 2001, la ville de Paris favorise le développement du concept de technopôle, qui existe depuis plus de quinze ans à Sophia-Antipolis ou Grenoble.La capitale dispose d'une soixantaine de places pour les entreprises des TIC au sein d'Agoranov, de Télécom Paris et de Paris Innovation, et de 30 à 35 places dans la pépinière Cyber Village, estime Philippe Le Cam, directeur de Paris Développement, en charge des pépinières et incubateurs. Cette agence a pour mission de favoriser l'essor économique de la capitale. Depuis 1998, elle a soutenu plus de 130 entreprises, soit 800 nouveaux emplois, dont les deux tiers dans les technologies numériques et l'informatique.En vue d'aider la création d'entreprises innovantes dans des secteurs économiques ciblés, le gouvernement a lancé, à l'automne, un appel à candidatures pour développer des pôles de compétitivité. Ces pôles doivent rassembler sur un même territoire des entreprises, des centres de formation et des unités de recherches prêts à collaborer ensemble. Ils devraient être labellisés à la fin du printemps 2005. En Ile-de-France, deux pôles sont candidats dans les TIC. L'un se nomme ' Logiciel et systèmes complexes ', et l'autre ' Image, multimédia et vie numérique '.Le premier pôle a pour périmètre l'ingénierie de conception, les infrastructures distribuées, les interactions homme-machine et les systèmes embarqués. Il vise des marchés tels que l'automobile et les transports, la sécurité, les télécoms, ou la conception et le développement numérique. Les ressources de ce pôle sont principalement réparties sur Paris, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, et l'Essonne.' Dans la région Ile-de-France, la recherche dans le secteur des TIC pèse pour 75 % des dépôts de brevets sur le territoire français. Et elle représente un effectif en R&D de 10 000 à 12 000 personnes ', affirme Sylvain Dorschner, directeur stratégique d'Opticsvalley, en charge de la coordination des réponses à l'appel à candidatures de ce pôle. Plus de 160 entreprises Motorola, Alcatel, Thales, France Télécom, Nortel, la SNCF, la RATP, Valeo, EADS ou Bull et laboratoires adhèrent à ce projet.Le second pôle ' Image, multimédia et vie numérique ', lui, s'intéressera à la création de contenus, aux usages et au traitement de la connaissance. Il concerne environ 200 000 personnes (tous types d'emplois confondus) en Ile-de-France. Cependant, ' la plupart des forces se situent dans un rayon de 10 kilomètres autour de Paris ', constate Francis Jutand, chef du projet. Ce pôle rassemble plus de 100 acteurs de la création de contenus, de l'audiovisuel et des télécoms.
Un impact sur l'emploi difficile à mesurer
Ces pôles de compétitivité aideront les entreprises participantes à bénéficier d'exonérations d'impôt sur les sociétés et d'un allègement sur les charges sociales. Ils ont pour but d'éviter les délocalisations et, parallèlement, de développer l'emploi. Les programmes de recherche communs devraient créer un nouveau dynamisme. Pour le pôle ' Logiciel et systèmes complexes ', des budgets de ' 10 à 30 millions d'euros sur deux à trois ans sont déjà programmés. Et au moins dix projets vont démarrer dès 2005. Ce qui aura un effet entraînant sur la création d'emplois ', prévoit Sylvain Dorschner. Sans qu'on puisse encore en quantifier le nombre.Les programmes de coopération entre entreprises et centres de recherche devraient avoir aussi des effets de bord importants. Les découvertes qui vont en découler pourront donner lieu à la création de PME innovantes. Enfin, les pôles de compétitivité doivent développer la visibilité du territoire à l'international et attirer de nouveaux investisseurs. Si tout va bien, l'innovation en Ile-de-France devrait donc trouver un nouveau souffle au cours des prochaines années.(*) Etude de Paris Ile-de-France capitale économique, Vers une meilleure promotion de la recherche et de la formation dans le sud de l'IDF ; janvier-juin 2004 (http://www.europinvest-paris.com/).