L'intranet 2.0 n'existe pas

A l'heure des réseaux sociaux, on parle de plus en plus d'intranet 2.0, mais ce monstre hybride existe-t-il vraiment ? Réseaux sociaux d'entreprise et intranet ne sont-ils pas plutôt deux familles de solutions distinctes ?

La question de l'avenir des intranets face à l'arrivée en force des RSE (Réseaux sociaux d’entreprise) est sur toutes les lèvres. Leur passage au 2.0, présenté comme une évidence, tente de leur tracer un avenir prometteur dans l'univers des RSE mais conduit à un monstre hybride, conciliant l’existant avec de nouvelles fonctionnalités. Parler d'intranet 2.0 entretient l'idée que l'entreprise 2.0 repose sur un upgrade fonctionnel.
Tout comme le singe possède 99 % des gènes de l'homme, l'intranet contient 99 % des fonctionnalités d'un RSE. Pourtant, seul le second est prometteur de nouvelles efficacités. L'objectif de l'intranet est d'offrir des contenus et des services adaptés à l'utilisateur, celui du RSE de mettre en réseau l'organisation et de rendre les collaborateurs abondants en terme d’informations. Deux finalités complémentaires, mais difficilement conciliables dans un seul outil. Si l'appellation intranet 2.0 est une évidence lexicale, sa concrétisation n'en est pas une.
Des logiques d'usages antagonistes
• Une organisation de l'information centralisée versus une organisation déconcentrée : l'intranet portant l'offre de services de l'entreprise, sa gestion – et notamment celle de l'information – est centralisée. Le RSE offre, au contraire, un espace d'expression aux collaborateurs, laissant chacun libre de la qualification, du partage de leurs contenus et des liens réalisés entre eux.
• La mise en avant des contenus et des processus versus celle des personnes et de leurs activités : si l'intranaute est anonyme sur l'intranet, il évolue avec une identité numérique sur le RSE. La présence numérique et l'activité sociale des utilisateurs sont mis au premier plan. L'action éditoriale est remplacée par les recommandations et la curation.
• Une logique de stock versus une logique de flux : l'information est classée et archivée sur l'intranet. Sur le RSE, un flux d'activités intégrant notamment des conversations défilent en continu. Les informations rebondissent ou disparaissent.
La conciliation entre les deux n'est donc pas si naturelle. Il s'agit plus de créer des liens entre ces deux familles de solutions que de parler d'une plate-forme homogène rassemblant les fonctions de l'intranet 1.0 et du RSE.
Le RSE n'est pas un superintranet. On ne décide pas de mettre en réseau les collaborateurs de son entreprise comme on décide d'ajouter une webTV. Les impacts culturels, organisationnels et sur les usages sont tels que la décision nécessite d'être le fruit d'une vision stratégique. Pour cette raison, ceux qui gouvernent l'intranet ne sont pas, a priori, ceux qui transformeront l'entreprise et impulseront le réseau social interne.
Intranet et réseau social d'entreprise sont complémentaires
Si les deux doivent coexister, leurs périmètres d'usage respectifs dépendent du contexte de chaque entreprise, de la nature des services proposés et de la stratégie de développement des pratiques sociales : collaboratif, gestion des connaissances (knowledge management ou KM), communication, annuaire social, autour d'un processus métier, de manière étendue et ouvert sur l'environnement externe, etc. La difficulté est de créer la bonne articulation en fonction d'usages cibles. Par exemple, les pratiques de social-KM nécessitent de coupler le RSE avec les référentiels documentaires de l'entreprise. Il faut pouvoir pointer sur une ressource de la GED (gestion électronique des documents), converser dans le RSE et, au final, référencer cette conversation dans la GED.
L’un ne remplaçant pas l’autre, les entreprises ont pour l’instant intérêt à travailler sur les deux volets : améliorer leur intranet en tant que portail de services et développer les usages 2.0 avec des briques sociales. La question de la rationalisation viendra dans un second temps. Si des liens entre les deux existent, l'utilisateur y trouvera son compte. N'oublions pas également que si l'intranet est à destination de tous, les briques sociales peuvent être dédiées à une population spécifique, même si demain l'ensemble des applications du système d'information seront sociales. En fonction des rythmes de développement et des choix d'urbanisation de l'entreprise, nous pouvons imaginer différents scénarios. Mais ceci est une autre histoire.
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mathieujanin
Je comprend bien l'antagonisme des deux outils distincts décrits dans votre article. Quel est la meilleure stratégie de communication interne à déployer dans le cadre d'une entreprise d'une cinquantaine de collaborateurs communiquant jusqu'à présent uniquement par courriel et qui ne dispose ni d'un Intranet ni d'un RSE? Faut-il créer 2 plate-formes distinctes ou plutôt miser sur un service RSE dématérialisé et oublier Intranet? J'aimerai bien recueillir votre avis sur la question.
D'avance merci!
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