L'Irlande a plus que des cadeaux fiscaux à offrir aux sociétés web

Critiquée par ses partenaires européens pour son dumping fiscal, l'Irlande rétorque qu'elle dispose d'autres atouts pour séduire les entreprises. Mais tient bien à conserver un système d'impôt favorable aux firmes.
Réunies au Web Summit à Dublin, les sociétés technologiques, qui ont pignon sur rue en Irlande, évoquent ces jours-ci un environnement propice au bouillonnement de leur secteur, au-delà des seules questions fiscales.
« A Dublin, il y a aujourd'hui tout un réservoir de développeurs et de gens avec des expériences en entreprise », salue Paulo Tubbert, co-fondateur de Xpresso, une société irlandaise de l'e-commerce. Il fait partie d'une ribambelle de patrons de jeunes PME réunis cette semaine dans la capitale irlandaise pour ce sommet, aux côtés de géants comme Amazon et Google.
Ce sont ces multinationales américaines qui ont fait de l'Irlande la Silicon Valley de l'Europe au prix d'arrangements fiscaux qui suscitent aujourd'hui des froncements de sourcils du côté de Bruxelles. La Commission européenne enquête ainsi sur le régime favorable dont aurait bénéficié Apple.
Cette conférence, qui en est à sa cinquième année, s'inscrit dans ce contexte particulier, renforcé jeudi par les révélations de médias internationaux sur les pratiques du Luxembourg, accusé d'avoir fait perdre des milliards d'euros aux Etats par un système d'évasion fiscale massive au profit des principales multinationales.
L'Irlande a été contrainte pour sa part il y a quelques semaines de renoncer à certaines dispositions fiscales qui permettaient à certaines firmes de minimiser leurs impôts voire d'échapper totalement à l'imposition.
Mais Dublin n'a pas l'intention de renoncer pour autant à son taux d'impôt sur les sociétés de 12,5%, bien plus bas que dans les grands pays voisins. Et jeudi, les députés irlandais doivent introduire de nouveaux abattements fiscaux sur l'exploitation de brevets, un dispositif favorable aux entreprises innovantes en vigueur au Royaume-Uni depuis l'an dernier.
Pour Paulo Tubbert et d'autres entrepreneurs cependant, l'attractivité de l'Irlande ne se résume pas à cela. « Il y a un écosystème technologique qui aide les petites entreprises », souligne le jeune patron de 24 ans. « Les gens, la culture, la main d'œuvre : c'est cela qui nous a attirés », abonde Kylan Lundeen, responsable des partenariats chez Qualtrics, une société américaine de logiciels informatiques.
La Silicon Valley de l'Europe
L'entreprise, qui prévoit d'embaucher 100 personnes à Dublin dans l'année, a été aidée par l'Agence irlandaise de développement (IDA). Cet organisme étatique a récemment élargi ses actions aux PME pour tenter de séduire les jeunes pousses face à la concurrence d'autres pays européens comme le Royaume-Uni voisin.
Et selon l'IDA, la fiscalité n'est pas le critère ultime pour les jeunes PME. « Peut-être qu'elles envisagent d'abord l'Irlande parce qu'elles entendent que les impôts y sont peu élevés », reconnaît Mary McEvoy, vice-présidente chargée des entreprises en croissance à l'IDA.
« Mais ça n'est en général pas la raison finale pour leur choix, surtout pour les entreprises technologiques qui font leurs premiers pas: certaines n'ont même pas encore de chiffre d'affaires et ne soucient par conséquent pas des impôts », ajoute-t-elle.
Une fois implantées toutefois, les entreprises restent et parfois grandissent... beaucoup. « La première fois que nous avons rencontré Facebook, ils avaient seulement 50 employés en Californie, même chose pour Apple dans les années 80 », se souvient Mary McEvoy.
Ces quatre dernières années, l'IDA a attiré plus d'une centaine de jeunes pousses en Irlande, malgré la grave crise économique qu'a connue le pays et qui l'a contraint à demander l'aide économique du FMI et de ses partenaires européens fin 2010.
« Il n'y a pas de pays plus pro-entreprises en Europe », a assuré le Premier ministre irlandais Enda Kenny cette semaine, en sonnant la cloche d'ouverture de la Bourse de New York depuis le Web Summit de Dublin.
Le petit pays compte sur ses atouts alors que la concurrence est de plus en plus dure pour attirer des investissements en Europe, où l'économie tourne au ralenti. « Londres est à nos trousses: ils parlent anglais, sont proches des marchés financiers et la ville est plus connue que Dublin. Mais Dublin s'est maintenant fait un nom », conclut Mary McEvoy.