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Depuis deux ans, l'iSCSI sur Ethernet 10 Gbit/s sur cuivre est annoncé comme la prochaine évolution du stockage pour les PME. Aujourd'hui, malgré des prévisions enthousiastes, la solution n'est toujours pas disponible.
Les analystes y croyaient dur comme fer. Compromis entre le véloce Fibre Channel 4 Gbit/s et l'économique iSCSI sur Gigabit Ethernet, l'iSCSI sur 10GE devrait s'imposer sur le marché du stockage dès 2007. Le groupe de travail 802.3an, qui standardise le fonctionnement d'Ethernet 10 Gbit/s sur le câblage RJ-45 Base-T usuel (10GBase-T), a rendu sa copie l'été dernier. Depuis un an, les constructeurs promettent l'arrivée imminente de matériels adaptés. En décembre 2006, Chelsio, Tehuti et Neterion ont annoncé les premières cartes 10GBase-T au format PCIe. Parmi celles-ci, le modèle S310e-BT de Chelsion se charge même d'empaqueter les données iSCSI dans IP, afin de soulager les serveurs de ce traitement. Et pourtant, en avril 2007, le stockage iSCSI en 10GE reste en souffrance. Les raisons ? Pour Hiet Chin Ung, consultant stockage chez Fujitsu-Siemens : ' Ce n'est pas parce que les voitures sont plus rapides que la circulation devient plus fluide. Pour que l'évolution vers le 10GE soit significativement rentable, nous devons occuper cette bande passante plus importante avec des paquets de données plus longs. Hélas, personne ne s'accorde sur la méthode à adopter. ' Selon Achim Grotz, ingénieur avant-vente chez Overland, la norme n'est pas complète : ' Le 802.3an ne concerne qu'Ethernet. Faire circuler au-dessus le même protocole iSCSI que celui que l'on utilise aujourd'hui sur Gigabit Ethernet serait une erreur. Il faut que nous nous entendions entre constructeurs sur la meilleure manière d'empaqueter les données de stockage, afin de ne pas multiplier par dix les problèmes de latence que nous rencontrons sur les solutions actuelles. '
De un à trois ans pour des implémentations efficaces
Autre point d'achoppement, le câblage. Le constructeur Neterion distribue déjà des cartes 10GE, mais uniquement pour interconnecter des serveurs à l'aide d'un câblage CX4 plus coûteux que le RJ-45, et plus limité en distance. Pour Philippe Levy, directeur marketing, le 10GBase-T a un problème d'amorçage : ' Le standard est défini. Mais tant que les implémentations ne seront pas nombreuses, on court le risque d'une mauvaise interprétation. ' Du coup, personne ne s'avance franchement sur une date de disponibilité. Jean-Marc Barozet, consultant chez Cisco, se veut optimiste : ' Il s'agit juste d'une conjoncture industrielle. Pour acheminer sans trop de pertes un flot de données sur les 100 mètres réglementaires d'un câble RJ-45, les Asic 10GBase-T chaufferont bien plus que leurs prédécesseurs. Il convient donc de s'attarder sur le design des matériels. Mais, croyez-moi, avant la fin de l'année, plusieurs fournisseurs mettront sur le marché une puce qui implémentera l'iSCSI sur 10GBase-T, et au premier trimestre 2008, tout le monde proposera des solutions sur cette architecture. Les variétés techniques, elles, s'effaceront au fur et à mesure, comme d'habitude. 'Bruno Picard, directeur technique de NetApp France, ne partage pas du tout cette vision des choses : ' Soyons clairs, le 10GBase-T n'existe pas, et l'on ne sait pas si les constructeurs vont l'adopter. Quant aux implémentations industrielles du 10GE, sous forme de fibre optique chez les opérateurs, et de cuivre CX4 dans les clusters, il faudra attendre au minimum trois ans avant qu'elles atterrissent dans des baies iSCSI d'appoint. ' Il faut dire qu'au-delà de l'aspect technique, l'actuel commerce du Fibre Channel, très florissant, modère nettement l'enthousiasme des constructeurs à l'égard d'un futur iSCSI sur 10GBase-T qui les couperait d'une partie de leurs revenus. Selon Bruno Durier, directeur de la division stockage de HP France, ' pour profiter de la nouvelle bande passante assurée par le 10GE, il va falloir remplacer toutes les cartes contrôleurs ?" celles des serveurs et celles des baies ?" ainsi que les commutateurs. Au final, le gain financier ne sera pas évident face à une solution éprouvée, comme le Fibre Channel. À force d'attendre la disponibilité des produits iSCSI sur 10GBase-T, puis leur maturité, puis la baisse de leurs coûts, on passera à côté d'une offre Fibre Channel qui voit ses tarifs diminuer de plus en plus et qui, dans peu de temps, tournera déjà en 8 ou 10 Gbit/s '. Thibault de Guérinel, responsable commercial des solutions de stockage chez Bull, présente, pour sa part, un contre-argument choc à ses clients : ' Le fait de placer les disques sur un SAN fibre les protège spontanément des virus qui peuvent circuler sur le réseau Ethernet. Avec du iSCSI, les baies deviennent des cibles IP aussi exposées que les autres machines du LAN. ' Argument discutable : l'isolation des réseaux IP est une technique bien maîtrisée. Pour autant, la demande reste très forte. Les cabinets IDC et Gartner continuent de prédire une augmentation spectaculaire du chiffre d'affaires de l'iSCSI d'ici à 2010, respectivement de 74,8 et 60 %. Bruno Picard l'explique : ' Ce n'est pas tant une question de coûts que de simplicité de mise en place. Une infrastructure Fibre Channel est un véritable cauchemar à configurer. En iSCSI, on utilise les cartes réseau des serveurs, les commutateurs du LAN, les câbles existants et les pilotes fournis d'origine par les systèmes d'exploitation. On ne peut pas faire plus simple. Et la majorité des applications serveurs qu'utilisent les PME [messageries, etc., Ndlr] s'accommodent parfaitement de la bande passante de l'actuel Gigabit Ethernet. Voilà pourquoi le marché de l'iSCSI, qui émerge à peine, va exploser. Et le 10GBase-T ne sera qu'une cerise sur le gâteau dont on peut encore se passer. '
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