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Le poids des prestations que les SSII délocalisent dans les pays à bas coûts représente 6 % du marché des services informatiques. Le phénomène entretient le climat de pression sur les prix.
Le sujet est éminemment polémique. L'offshore IT ? ou délocalisation de prestations informatiques dans les pays à bas coûts salariaux ? a fait l'objet d'une enquête par Syntec numérique, chambre professionnelle des SSII, des éditeurs de logiciels et des sociétés de conseil en technologies. Celle-ci a montré qu'il s'agit d'une réalité bien ancrée dans les pratiques de sous-traitance informatique. Le syndicat professionnel évalue le poids de ce secteur ? avec l'aide du cabinet d'études IDC ? à 6,1 % du marché des services informatiques en France, soit 1,86 milliard d'euros. De son côté, Franck Nassah, du cabinet Pierre Audoin Consultants (PAC), chiffre le marché à 1,6 milliard mais s'accorde sur ce taux de 6 % de parts de marché. Il s'agit d'un point en pourcentage de plus par rapport à l'estimation de 2010.Cette proportion peut paraître peu élevée. Mais elle est minimisée par les écarts de salaires entre la France et les pays à bas coût. A chiffres d'affaires équivalents, il faut en effet davantage d'informaticiens “ offshore ”. En clair, en équivalents temps plein, le nombre de postes concernés pourrait être plus impressionnant. D'autre part, l'offshore reste essentiellement un phénomène circonscrit aux grands comptes du secteur privé (notamment dans l'industrie et la banque). Son poids est donc plus significatif dans les grandes DSI que ne le laisse supposer sa part sur l'ensemble du marché de la sous-traitance informatique. Pour les grandes SSII, prestataires de ces grands groupes, le ratio de l'offshore est d'ailleurs plus proche des 10 %, et même supérieur si l'on évoque les ténors américains Accenture, HP ou IBM. En résumé, on est loin du raz de marée annoncé mais l'offshore est devenu incontournable sur les grands appels d'offres.
Aller plus loin que le crédit d'impôt compétitivité
Le président de Syntec numérique, Guy Mamou-Mani, relayant le discours des grands dirigeants de SSII françaises, s'est d'ailleurs inquiété, lors de la présentation des prévisions semestrielles en novembre dernier, de cette omniprésence de l'offshore dans les grands projets. Sans surprise, il milite dans le même temps pour un allégement de charges afin de gagner en compétitivité. Le crédit d'impôt compétitivité, introduit dans la foulée du rapport Gallois, va, selon lui, dans le bon sens, mais il convient d'aller plus loin.Car si l'offshore est un phénomène limité, il contribue à entretenir le climat de pression sur les prix. Et donc, pèse sur les marges des SSII. “ Est-ce satisfaisant de voir nos SSII françaises sortir une marge nette à 2 ou 3 % lorsque leurs concurrents étrangers sont à 7 ou 10 % ”, s'interroge sur son blog Richard Peynot, consultant fondateur de la société Acseitis et auteur de plusieurs études sur l'offshore. Il rappelle au passage que les taux journaliers moyens sont moindres que ceux de nos voisins allemands et britanniques.Sans surprise, les prestations de tierce maintenance applicative sont les plus exposées à l'offshore. C'est aussi là que, ces dernières années, ont été signées les contrats les plus spectaculaires (Michelin, SFR…). Autre domaine facilement externalisable : la supervision de systèmes à distance, dans lequel Bouygues Telecom ou la SNCF se sont illustrés ces derniers temps. La destination privilégiée reste l'Inde, qui représente, selon PAC, de 65 à 70 % du volume de prestations délocalisées.Ce tableau est cependant à nuancer. Depuis 2009, la croissance de l'offshore dans l'Hexagone s'est ralentie, même si elle reste, selon Frank Nassah, dans des proportions avoisinant les 15 %. La crise économique, contrairement à ce que l'on croit parfois, ne favorise pas le recours à l'offshore : “ En période de difficultés économiques, les SSII ont en effet tendance à solliciter les ingénieurs locaux afin de limiter le taux d'intercontrats (ingénieurs entre deux missions ? NDLR) ”, analyse Cyril Meunier, consultant chez IDC France. De leur côté, les grands comptes sont moins prêts à courir les risques inhérents au recours à des ressources à distance.Mais l'offshore IT ne serait pas qu'un moyen de maintenir la pression sur les prix. “ On ne va plus chercher les Indiens uniquement parce qu'ils coûtent moins cher, mais aussi parce que l'on manque de certaines compétences en France ”, affirme Guy Mamou-Mani. Un phénomène qu'il juge plus inquiétant que la pression sur les prix. Certains observateurs jugent cependant le phénomène marginal. Parmi ces compétences qui feraient défaut aux employeurs français, figurent les technologies Java et SAP. Un paradoxe, lorsque l'on sait qu'il y aurait plus de 35 000 chômeurs informaticiens ? 5 000 de plus qu'en mai dernier ? mais qui montre un décalage entre l'offre et la demande.
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