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Quand le directeur délégué de BFM Business apprend que sa station de radio va devenir une chaîne de télévision, il comprend qu'il va devoir stocker des émissions 240 fois plus volumineuses, sans augmenter d'autant son budget.
BFM Business a déployé en à peine trois mois, et pour seulement 15 000 euros, une solution d'archivage de ses émissions de télé. Une prouesse quand les offres du marché avoisinent les 100 000 euros, sans pour autant répondre aux contraintes techniques liées à la manipulation de fichiers vidéo volumineux. Le défi a été relevé par Philippe Espinet, directeur délégué de la chaîne de télévision BFM Business, et Jean Delestre, ingénieur de la maison mère NextRadioTV(*). “ Les conditions, à savoir un délai très court et un budget limité, étaient pour nous l'opportunité de tester en grandeur nature une conviction que nous nous sommes forgée au fil des mois : les technologies de l'open source sont un moyen fiable de monter en un temps record des solutions de production très peu coûteuses ”, lance Philippe Espinet. Lors de la précédente Coupe du monde de football, le tandem avait déjà déployé avec succès des serveurs d'appoint sous Linux pour que RMC, une autre station de radio de NextRadioTV, puisse absorber des pics d'activité. Philippe Espinet était alors le DSI du groupe et les solutions déployées ne concernaient pas encore le stockage.
50 téraoctets pour conserver un an d'émissions
Eté 2010. Le groupe NextRadioTV a l'opportunité de récupérer un canal de diffusion sur la TNT. Il va y diffuser une version télé de sa station de radio économique et financière, BFM Business. Mais il faut occuper le canal rapidement. “ La bascule de BFM Business en version télé devait se dérouler le 22 novembre. Pour être opérationnelle aussi rapidement, l'informatique a d'abord pourvu au strict nécessaire. A cette date, nous n'avions mis en place qu'un serveur de production pour stocker les éléments vidéo récurrents (habillages…) et ceux en cours de diffusion (un tampon d'au moins une heure d'émission) ”, raconte Philippe Espinet. La machine est récupérée dans l'équipement de la chaîne de télé sœur BFM TV. Sa capacité de 10 To est suffisante pour assurer le flux de diffusion, mais pas pour répondre à tous les besoins de stockage. “ Pour conserver au moins un an d'émissions et d'interviews (dix heures quotidiennes), 50 To sont nécessaires. Une heure d'émission télé pèse 12 Go, soit 240 fois plus que son équivalent en audio seul pour la station de radio ”, évalue Philippe Espinet.
Un dangereux maillon faible
Outre l'obligation légale de conserver des enregistrements pour le CSA, les archives servent à illustrer des nouveaux sujets. Plus important : “ Pour un fonctionnement dans les règles de l'art, c'est directement sur un tel serveur de stockage que les 15 opérateurs de la chaîne doivent enregistrer toutes les séquences qu'ils montent avant qu'elles soient envoyées, au fil de la programmation, sur le serveur de diffusion ”, indique Philippe Espinet. La présence du seul serveur de diffusion entre les opérateurs et les antennes de diffusion reste alors un dangereux maillon faible.La diffusion télé de BFM Business démarrée, Jean Delestre et Philippe Espinet s'attellent à trouver la solution d'archivage, qui doit être opérationnelle dès janvier 2011. “ Ou bien nous prenions du stockage de marque de type Netapp, EMC et consorts et devions débourser au bas mot 100 000 euros. Ou je suivais mon instinct et tâchais de mettre en place un serveur d'archivage assemblé à partir de matériels génériques et de briques logicielles open source non payantes ”, raconte Jean Delestre.Ce second choix, encouragé par Philippe Espinet, ne va pas de soi. “ Avec Linux, il aurait fallu morceler notre espace de stockage en volumes de 2 To ”, se désole l'ingénieur. La solution de Netapp posait d'ailleurs le même problème, avec toutefois des espaces de 16 To qui auraient été moins nombreux. “ On pouvait bricoler pour éviter ce morcellement. Mais je me fais fort de ne déployer que des configurations standards. Si quelqu'un doit me remplacer, il doit comprendre immédiatement ce qu'on lui met entre les mains ”, ajoute Jean Delestre. Autre problème, Linux ne s'occupe pas de la fiabilité des disques : si l'un d'eux défaille, le serveur de stockage gèle son fonctionnement sans prévenir durant le temps nécessaire à son autoréparation. Ce Raid matériel n'est pas du goût de Jean Delestre : “ Ce genre d'événements ne doit pas bloquer la diffusion de BFM Business ! ”Jean Delestre persévère et écume les forums. Une solution s'impose : Open Solaris. Version open source de l'Unix historique d'Oracle-Sun, Open Solaris s'accompagne du système de fichiers ZFS, une composante hors pair en matière de stockage. “ Avec ZFS, plus besoin de morceler le stockage ”, s'enthousiasme Jean Delestre ! Il garde aussi automatiquement les dix versions précédentes de chaque fichier, accessibles par un clic droit sur les postes Windows des opérateurs. “ C'est un vrai confort pour les utilisateurs. Et avoir des utilisateurs satisfaits est une victoire pour une DSI ”, souffle Philippe Espinet.
Une mission assurée sur du matériel générique
Mais la caractéristique qui séduit le plus Jean Delestre est ailleurs : ZFS contient toutes les fonctions de sécurité les plus pointues et sait les exécuter sur du matériel générique. “ ZFS fait du Raid logiciel. Si une défaillance survient sur le stockage, il me prévient, la contourne et ne répare que lorsque j'ai pris toutes les dispositions nécessaires. ” Cette fonction n'est normalement disponible qu'avec des solutions de marque. “ Avec ZFS, nous avons pu avoir la même chose sur des machines Supermicro, c'est-à-dire le tout-venant des serveurs ”, s'amuse Philippe Espinet.Les serveurs Supermicro présentent l'avantage d'être configurables à la carte. “ Nous sommes partis sur une machine avec suffisamment de place pour loger 36 disques durs. Nous n'avons choisi que des composants de marque Intel parce qu'ils sont fiables et conçus pour fonctionner ensemble. Enfin, nous avons opté pour des quantités de mémoire et de puissance de calcul 1,5 plus élevées que les offres communes afin que la machine soit très réactive ”, raconte Jean Delestre. Au final, la configuration coûte 15 000 euros, et il se trouve qu'elle est même deux fois plus rapide que le matériel Netapp déjà en place. Philippe Espinet respire : depuis janvier, ses utilisateurs n'ont pas vu de différence avec l'époque où ils ne stockaient que des émissions de radio.Un succès qui résulte d'une réflexion pointue, à la portée toutefois de tout bon ingénieur. “ Pour savoir exactement de quelle configuration nous avions besoin, j'ai simulé divers fonctionnements avec des machines virtuelles VMware. Jusqu'à trouver la bonne formule. A un réglage près, le serveur Supermicro que nous avions commandé a fonctionné dès que nous l'avons reçu ”, s'exclame Jean Delestre ! Et Philippe Espinet de conclure que, selon lui, les solutions open source sont maintenant prêtes à s'emparer du marché du stockage.(*) NextRadioTV est la maison mère de Groupe 01, éditeur de 01 Informatique.
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