De quels outils les étudiants disposeront-ils demain ?Benoît Sillard : Dès la fin 2007, plus de 50 % des étudiants posséderont un ordinateur portable. Et d'ici à 2012, au moins 95 % d'entre eux, sinon tous, seront équipés. Les lieux de vie sur les campus, comme les restaurants et les chambres universitaires, seront bientôt tous couverts en Wi-Fi ou en CPL. Mais les collectivités locales vont aussi développer des points d'accès hors de l'université. La région Bretagne, entre autres, déploie plusieurs dizaines de points afin de toucher les étudiants là où ils vivent. Ainsi, ceux qui rentrent à Vannes pour le week-end disposent de hot-spots, d'où ils peuvent se connecter gratuitement à leur espace numérique de travail. Ce type d'approche devrait se généraliser à toute la France. Par ailleurs, les étudiants vont s'approprier les outils de travail collaboratif. Et, dans les cinq ans à venir, on devrait assister à la généralisation du travail en mode projet dans les universités. Ce qui reste aujourd'hui une exception deviendra la norme.
Les élèves se déplaceront-ils encore pour assister aux cours ?BS : Les cours exclusivement à distance ne fonctionnent bien que sur 3 à 5 % de la population. Les autres ont besoin d'une présence humaine, de contacts. L'arrivée du très haut débit va favoriser le développement des téléconférences. Mais il faudra néanmoins mixer les cours présentiels et les classes virtuelles. A mon avis, les cours en amphithéâtre vont devenir exceptionnels, réservés à quelques conférences de grands spécialistes, pour créer l'événement. Ils devraient disparaître en faveur de travaux dirigés en petits groupes. On peut imaginer que tout le travail personnel et une partie du travail collectif soient effectués à distance ?" ce qui apporterait une gestion du temps plus performante. Et, que sur une période plus concentrée de quelques demi-journées, élèves et professeurs se rencontrent physiquement pour échanger, et confronter les résultats de leur production personnelle.
Quel impact pédagogique l'université numérique peut-elle avoir ?BS : Avec les universités numériques thématiques, tous les cours seront bientôt en ligne. Mais, si en parallèle le mode d'enseignement n'est pas modifié, on ne changera que de support, en passant des livres à des contenus multimédias. L'intérêt sera limité. Par contre, la valeur ajoutée est bien réelle si les élèves regardent le cours en ligne avant d'aller en classe et qu'ils posent des questions aux professeurs, débattent sur le sujet... Cela change toute la manière d'apprendre. Reste à permettre aux professeurs de s'approprier les TIC et de modifier leur façon d'enseigner...
Concernant la mutation des universités, quels pourraient en être les freins et, surtout, les moyens d'y remédier ?BS : Le conformisme et l'idéologie, le refus de voir le monde bouger et de se remettre en cause, une vision théorique plutôt que pragmatique. Sortir des textes ne suffit pas ! Chacun doit prendre ses responsabilités. Notamment, il ne faudra pas oublier, lors des élections des présidents d'université, que ceux-ci devront être capables de mener une conduite du changement efficace et de faire adhérer leurs équipes. Car, dans le monde universitaire, imposer n'a jamais fonctionné. Cette adhésion des enseignants est l'un des points clés qui, d'ici à cinq ans, feront que nous réussirons ou non cette mutation.
Quel rôle l'université devra-t-elle jouer dans le développement de l'usage des TIC en France ?BS : Les technologies de l'information sont aujourd'hui indispensables. Elles sont l'un des carburants essentiels au moteur de la création d'emplois et de la croissance. La formation aux TIC des Français doit donc être une priorité stratégique pour le pays. Afin de réduire la fracture numérique, les universités, les syndicats, et les grandes entreprises devraient collaborer autour d'un plan national. A mon sens, cela est possible ?" notamment par le droit individuel à la formation (DIF) ?" en imposant que la moitié des heures de formation allouées dans le cadre du DIF soit consacrée à l'apprentissage des TIC. Les universités numériques ont la capacité d'être le pilier de cette formation continue en proposant des certifications de type C2i en entreprise. A l'image des certificats actuellement délivrés aux étudiants. Il faut aussi instaurer un lien fort entre les entreprises et les universités. Ainsi, je souhaiterais que les universités françaises, à l'instar de leurs homologues canadiennes ou australiennes, deviennent systématiquement des pépinières d'entreprises. Et quelles participent massivement au développement de nouveaux services par le biais de travaux de recherche appliquée.
Votre opinion