La culture collaborative est un subtil dosage de technologie, d'organisation et de management. Cela explique en partie pourquoi la formule a du mal à prendre. Bien que les outils pour son développement datent de plusieurs dizaines d'années, les pratiques ne suivent pas.
“ Il est difficile de concrétiser ce type de fonctionnement au sein de l'organisation ”, avance Arnaud Rayrole, fondateur de Lecko. Les obstacles à franchir sont nombreux et proviennent, en grande partie, des comportements humains.
“ S'il est d'évidence collectif, le travail en équipe est d'abord le résultat d'une somme d'interventions individuelles, et des freins peuvent être identifiés à ces deux niveaux ”, explique Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l'université de Haute-Alsace, dans l'ouvrage
Le Travail collaboratif. Une innovation générique, aux éditions L'Harmattan.Au niveau individuel, un défaut de compétences techniques de la part de l'un des participants peut ainsi amener à l'échec de l'œuvre commune. De même, comme l'écrit Christine Gangloff-Ziegler,
“ le fait de ne pas se sentir légitime dans ses apports ou de redouter le regard critique des autres intervenants ” empêche certains collaborateurs d'apporter leur contribution aux projets. D'autres limitent volontairement leur participation, notamment par individualisme.
“ La compétition entre les membres d'une équipe nuit à la collaboration ”, confirme Arnaud Rayrole. Partager des informations n'est pas une évidence. Certains préfèrent garder pour eux celles dont ils disposent ou ne sont pas toujours capables de déterminer celles qui seront utiles à l'équipe.
Accepter une part d'incertitude
Au niveau collectif, l'organisation en place ne doit pas être en contradiction avec le modèle collaboratif. Il est donc contre-productif de mettre en avant
“ le respect de la hiérarchie, le contrôle des activités, la rétention d'informations ”, explique Christine Gangloff-Ziegler.
“ Une organisation collaborative repose sur l'acceptation d'une part d'incertitude dans les procédures, mais aussi dans les résultats qui ne peuvent, dans cette configuration, être standardisés. ” Il est donc nécessaire de valoriser l'autonomie et la capacité d'initiative de chacun. L'évaluation des salariés doit aussi être revue pour tenir compte des performances collectives des équipes et non pas uniquement des résultats individuels. Au final, pour débloquer l'ensemble de ces freins,
“ il est parfois indispensable de fixer des conventions, autrement dit de mettre en place des processus pour l'utilisation de certains outils de partage ”, explique Arnaud Rayrole, qui poursuit :
“ Reste à convaincre les gens de changer leur pratique, en insistant sur les bénéfices qu'ils pourraient en retirer. Y parvenir implique de répéter sans cesse le message et de créer une dynamique de groupe pour que les membres se rappellent mutuellement les bonnes pratiques quand c'est nécessaire. ”Susciter l'envie et rassurer sur la démarche
Dans tous les cas,
“ pour que la collaboration naisse, il faut que des individus comme les managers suscitent l'envie et rassurent sur la démarche. Bref, que certains utilisateurs deviennent moteur et donnent l'exemple ”, résume Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée chez Markess international. Si tout le monde s'accorde à dire que les outils en eux-mêmes ne suffisent pas à faire évoluer les pratiques, il ne faut pas les négliger pour autant.
“ Le manque de convivialité des outils, leur complexité, leur disponibilité limitée, les restrictions apportées par les systèmes de sécurité mis en place, la capacité insuffisante du parc informatique, ou encore le coût élevé de certains dispositifs ” sont autant d'obstacles à leur utilisation, comme l'écrit Christine Gangloff-Ziegler dans son ouvrage.On classe souvent les solutions en deux grandes catégories, synchrones et asynchrones, mais les applications métier, elles aussi, intègrent fréquemment des fonctionnalités collaboratives.
Ouvrir la collaboration à un maximum d'individus
Les outils synchrones, comme la messagerie instantanée ou, plus récemment, les réseaux sociaux d'entreprise, accompagnent la collaboration en temps réel. Les asynchrones, comme la messagerie électronique, autorisent, quant à eux, les salariés à travailler en décalage les uns avec les autres.
“ Mettre en œuvre une large panoplie de technologies ouvre la collaboration à un maximum d'individus ”, explique Emmanuelle Olivié-Paul.
“ Les réseaux sociaux d'entreprise aident les personnes qui n'osent pas s'exprimer en réunion à apporter leur contribution. A l'opposé, celles qui ne sont pas à l'aise avec l'écrit préféreront les moyens présentiels, comme les visioconférences ”, voire le téléphone.
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