Mondial de l'Automobile 2012 : PSA dévoile ses pistes d'innovation

Voitures connectées, applications embarquées et véhicules automatiques? Marc Duval Destin, directeur de la recherche et de l'ingénierie avancée de PSA, évoque pour nous les grands projets du constructeur français.

Marc Duval Destin, à la tête de la direction de la Recherche et de l'Ingénierie avancée du groupe PSA, a accordé une interview à 01netEntreprises à l'occasion du Mondial de l'Automobile 2012. Il évoque le lancement de Peugeot Connected Apps, le nouvel environnement applicatif d'ores et déjà disponible sur 90 % des Peugeot 208. Il détaille aussi sa vision à moyen et long terme sur le numérique dans l'automobile, les évolutions prochaines des véhicules connectés ainsi que sa position vis-à-vis de la voiture à conduite automatique.
01netEntreprises : Depuis combien de temps PSA travaille-t-il sur le concept de voiture connectée ?
Marc Duval Destin : Le lancement des Peugeot Connected Apps sur la 208 est un peu l’aboutissement d’une stratégie entreprise par le groupe PSA depuis de nombreuses années autour de la problématique de la voiture connectée. Ainsi, je suis entré dans ce groupe en 2001 pour travailler sur ce que l’on appellait alors la télématique. Nous avons très vite pris conscience de l’intérêt de ce type de services. Aujourd’hui, 1 million de voitures en circulation sont équipées de notre système d’appel d’urgence eCall, un système très robuste fonctionnant par SMS. Nous l’avons ensuite complété avec Connect Fleet, pour la gestion de flottes, puis par la mise à jour du carnet de bord sur le service eTouch de Citroën. Les flux de données étaient alors relativement limités. Le but est de proposer un service qui présente de la valeur pour le conducteur, mais en l'associant à des coûts de communication raisonnable. Connected Apps est un service sur lequel nous sommes engagés depuis quatre ans. C’est un portail internet mobile dans lequel nos marques vont pouvoir développeurs leurs applications.
En terme de plate-forme de développement, Renault mise sur Android, Ford sur Microsoft. Quel a été votre choix ?

M.D.D. : Pour notre plate-forme d'infotainment, nous avons choisi Linux Genivi. Nous nous sommes intéressés à cet équipement un peu plus tard que les autres, mais aujourd’hui notre décision est prise. Nous sommes en train de développer un SDK pour permettre à nos partenaires de développer des applications sur cette plate-forme. Cette annonce sera officialisée en fin d’année. Il nous faudra environ dix-huit mois de travail pour développer et finaliser ce SDK. Des premières applications devraient donc apparaître d’ici à deux ans.
Cet environnement sera à deux vitesses : un premier niveau très ouvert, en open source, sur lequel nos partenaires pourront développer librement des applications à vocation infotainment et créer de nouveaux services. Et un second mode, qui donnera accès aux fonctions plus profondes du véhicule, comme l’ouverture des portes et autres fonctions liées à la sécurité. Leur accès sera beaucoup plus contrôlé et seul des partenaires lié à nous par des accords de confidentialité pourront y accéder.
Est-ce que Linux va s’imposer comme environnement de développement dans l’embarqué ? C'est un pari, mais j’ai tendance à penser que la force du consortium Genivi va dans ce sens.
Quel va être le rôle de votre allié General Motors vis-à-vis de votre approche de la voiture connectée ?

M.D.D. : GM bénéficie d'une position exceptionnelle sur le marché américain. OnStar était le premier opérateur de services connectés aux Etats-Unis. De notre côté, nous possédons un savoir-faire dans ces services en Europe. En ce qui concerne l’appel d’urgence localisé, on ne le sait pas assez, nous sommes les leaders européens. Personne, y compris les constructeurs haut de gamme d’outre-Rhin, n’égale notre couverture linguistique et géographique. Des défis sont à relever dans le domaine de la voiture connectée en Europe, comme la capacité de gérer le roaming ou le nomadisme. Les synergies sont évidentes.
Nous avons beaucoup à apprendre du marché américain. Depuis dix ans, les véhicules américains proposent l’ouverture et la fermeture des portes à distance, une fonction très personnelle (vous n’aimeriez pas que votre voiture se fasse hacker sur ce plan). Aujourd’hui, aux Etats-Unis, il est fréquent de laisser ses clés dans le coffre de sa voiture au parking de l’aéroport et de la déverrouiller via son smartphone à son retour. Ainsi RelayRides, une société de location de véhicules de type peer to peer, une start up dans laquelle GM Ventures et Google Ventures ont investi, a fait de cette fonction d’OnStar un avantage compétitif : vous vous connectez sur son site web et vous pouvez repérer directement votre voiture et l’ouvrir.
Quelle est votre approche quant à l'automatisation des véhicules ?

M.D.D. : C’est une tendance déjà opérationnelle : on trouve le City Park sur la 208 ou la C3. Nous analyserons la réponse du marché pour savoir si nous devons généraliser ce type de fonctions. Mais, d’une manière générale, ce service attire énormément les clients. Nous y croyons beaucoup car, face aux contraintes urbaines, nous devons proposer des voitures compactes, faciles à utiliser. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons mis sur notre portail des fonctions très orientées mobilité urbaine. Ces fonctions répondent également au vieillissement de la population : faire un créneau dans un environnement contraint, c’est du sport ! Le City Park rend la voiture plus facile.
Au-delà, dans un horizon qui n'est techniquement pas si lointain, sauf peut-être du point de vue social, la question qui se pose est celle de la conduite automatique. On voit souvent des démonstrations technologiques sur des voies très équipées, à grande vitesse. Notre perception, à PSA, n'est pas celle-là. La conduite automatique n’a de sens que si elle apporte de la valeur. Or quand on habite en milieu urbain, la voiture est un endroit où l’on passe beaucoup de temps, un temps pas toujours agréable. Dans notre roadmap, une des applications que nous privilégions est plutôt le Traffic Jam Assist. En dessous de 10 kilomètres à l'heure, le conducteur peut se relaxer, ne pas tenir le volant, relâcher ses yeux. Il reprend les commandes lorsque la voiture lui dit qu'il sort de ce champ. Cette fonction nous semble beaucoup plus utile que l'automatisation d'un voyage sur autoroute, que l’on fait une fois tous les six mois.
À quand une Peugeot ou une Citroën robotisée sur nos routes ?
M.D.D. : C’est un défi. Concernant la technologie, nous en sommes au point où nous pourrions le proposer pour pas trop cher à nos clients, aux alentours de 2017-2018. Mais reste aussi à s'assurer d'un comportement adapté de la part du conducteur. Récemment, un grand équipementier m’a assuré qu’on pouvait le lancer très vite, argumentant qu’il savait déjà faire l’Adaptative Cruise Control, le suivi de file et la surveillance arrière et donc régler la voiture pour rouler parfaitement au centre de la file. On sait déjà le faire. Je lui ait dit non ! Peut-être que ça peut marcher en Allemagne, mais pas sur le périphérique parisien : sur la voie de gauche on y roule à gauche, sur la voie du milieu on roule à droite et sur la voie de droite… on fait ce qu’on peut. Et en Italie, je ne sais pas comment il faut rouler ! Il faut résoudre cette problématique de la conduite humaine, avec de bonnes heuristiques. Enfin, il faut faire en sorte que votre voiture respecte le code de la route !
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