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Définir puis actualiser des métriques évaluant la qualité de la prestation est un aspect essentiel du rôle du responsable infogérance. Enquête.
Un homme d'écoute, capable d'objectiver les motifs de dysfonctionnement, et un bon professionnel de la production informatique auquel on ne raconte pas de salades. Voilà l'image du responsable des contrats d'infogérance. C'est aussi
un pilote expérimenté et assez autonome. Des qualités indispensables pour garantir la bonne exécution des engagements pris par les prestataires. Trois responsables d'infogérance témoignent de leur quotidien.
Pierre Prévost, l'expert du métier
A 55 ans, Pierre Prévost est le monsieur infogérance de Bonduelle. Le groupe agro-alimentaire a confié tout d'abord à Capgemini, puis à Steria, en avril 2004, la gestion de son progiciel de gestion intégré JD Edwards. Une
application critique, à laquelle se trouvent connectés près de 1 200 utilisateurs. La mission de cet informaticien, qui signe sa trente-troisième année à Bonduelle, se définit de manière fort simple.' Faire la passerelle entre les clients internes et le prestataire. ' Un rôle charnière parfaitement adapté à ce collaborateur aguerri, qui a occupé le poste de responsable de la cellule
technique système du groupe. Et là aussi, sa mission consistait à ' opérer la jonction entre les responsables des applications et la production '.Une telle fonction ne se résume pas à recueillir les doléances des utilisateurs, puis à les communiquer au chargé d'affaires du prestataire. Le responsable infogérance doit dans certaines circonstances pousser le prestataire dans ses
derniers retranchements. ' Nous sommes les garants de la bonne exécution des engagements en matière de qualité de service et de respect des budgets, précise Pierre Prévost. Nous devons redresser chez le prestataire les
dysfonctionnements que nous avons identifiés et objectivés. 'Cette identification passe par l'établissement de différentes métriques : performances de l'application, taux de pannes et délais de recouvrement de l'application, taux de problèmes résolus par le service d'assistance du
prestataire...Ces métriques et les engagements de service qui en découlent doivent périodiquement être analysés et renégociés avec le prestataire. En effet, les critères retenus pour l'évaluation ne permettent pas toujours d'apprécier finement le
ressenti des utilisateurs. Trop globalisés, les indicateurs qui mesurent les incidents et les problèmes de disponibilité ne rendent parfois pas compte de problèmes locaux, susceptibles d'entraver la productivité des utilisateurs.' Certains incidents, telles les questions au help desk non clôturées par les cellules techniques du prestataire, n'apparaissent pas dans les comptes rendus. Je veux pourtant identifier les dix cas qui n'ont
vraiment pas marché ', précise Pierre Prévost. Pour mieux appréhender ces incidents, il a redéfini ces critères de qualité, assisté d'un cabinet extérieur. ' En les rendant un peu moins exigeants, mais
en tâchant de mieux rendre compte du ressenti des utilisateurs ', explique-t-il.Afin de pouvoir confronter le prestataire aux réalités du terrain, Pierre Prévost organise régulièrement des tournées de sites, qui réunissent autour d'une table le responsable de compte chez le prestataire, le
' delivery manager ' ainsi que l'encadrement des unités visitées. ' Il ne s'agit pas d'un combat sur un ring, explique Pierre Prévost, mais uniquement
d'amener le prestataire à appréhender les réalités métier. 'Par ailleurs, le rôle de monsieur infogérance consiste également, avec pédagogie, à mieux communiquer sur la nature de ces fameux engagements de service. Les applications ne s'avèrent pas toutes en mesure de rester disponibles
24 h/24 et 7 j/7. ' Un comptable qui vient terminer un dossier un samedi après-midi ne peut réclamer une remise en service en une heure d'une application indisponible si cet engagement n'a pas été préalablement
négocié avec le prestataire ! ', assène Pierre Prévost.
Jean-Philippe Villain, un juge de paix
Responsable depuis deux ans de la production externalisée du groupe Leroy Merlin, Jean-Philippe Villain, 49 ans, a dû déminer le terrain dès sa prise de fonction. Le groupe et le prestataire auquel avait été confiée l'infogérance du
back office et de la comptabilité (en l'occurrence, Capgemini) étaient tous deux au bord du contentieux. Le motif : une clôture comptable qui avait frisé la catastrophe. ' La pérennité du contrat était menacée. Je devais
agir rapidement ', se souvient Jean-Philippe Villain. Il a prestement négocié une paix des braves et demandé un diagnostic à la société Eskara. Ce qui a aidé à définir les responsabilités.' Elles ne se sont pas toutes révélées imputables au prestataire, loin de là ', reconnaît-il. S'est vue mis en cause une certaine culture commune à la grande distribution selon laquelle,
une fois le contrat conclu, le sous-traitant doit parvenir au résultat attendu sans que l'implication pourtant indispensable des équipes internes ait été réellement organisée.' Les procès-verbaux scellant les engagements de service n'étaient même pas signés ', explique Jean-Philippe Villain. Il a révisé en profondeur les différents critères de qualité et les
engagements contractuels. ' Le travail a aussi consisté à mieux distribuer les rôles en interne. Le prestataire doit pouvoir s'appuyer sur des correspondants désignés dans les équipes fonctionnelles et
métier. 'Sans constituer une véritable consécration, le poste occupé désormais par Jean-Philippe Villain sanctionne un parcours professionnel riche. Responsable du développement d'applications au Crédit général immobilier, il y a appris à
maîtriser l'intégration des normes légales. A Décathlon, où il était responsable du développement informatique, il a dû également ' mixer des cultures métier très variées '. Et s'est même retrouvé de
l'autre côté de la barrière, en exerçant le rôle de chargé de compte au sein d'une filiale d'IBM... Une expérience qui lui a bien servi à Leroy Merlin.
Jean-Marc Bodiot, négociateur et stratège
A 33 ans, Jean-Marc Bodiot est le responsable d'un centre de compétences informatique du groupe agroalimentaire Marie (Uniq), qui rassemble les activités de trois sociétés (Marie Surgelés, St-Hubert et Marie Frais). Le périmètre
du contrat d'infogérance partielle confié à Atos se limite à une application SAP exploitée par 450 utilisateurs environ.Le rôle de superviseur de ce contrat d'infogérance occupe environ 30 % du temps de Jean-Marc Bodiot. Il doit veiller à la disponibilité des applications qui commandent toute la chaîne de production et la logistique (commandes et
livraison). ' La règle de conduite apparaît simple, précise-t-il. Je dois me mettre à l'écoute des clients internes métier et des clients externes, et faire en sorte que l'exploitation ne soit jamais
compromise par l'outil informatique. 'Les défaillances de l'application, qui conduisent parfois à des retards dans les livraisons aux clients exigeants de la grande distribution, se ' traduisent par des pénalités financières, qui sont dues par le
prestataire '. Des pénalités négociées dans le cadre des différents comités de pilotage qu'il anime.Afin de bien gérer les niveaux d'intervention, Jean-Marc Bodiot a dû constituer une matrice de communication avec le centre d'appel de l'infogérant. Il s'agit d'organiser la remontée d'informations via des processus précis. Et de
sélectionner les interlocuteurs pour ne pas encombrer le service d'assistance et répondre à des impératifs de sécurité. ' Mon rôle consiste aussi à faire évoluer le contrat en négociant avec le prestataire le montant et le
contenu des unités d'?"uvre qui décrivent sa mission. 'En outre, Jean-Marc Bodiot définit et gère les plans de qualité d'exploitation et de sauvegarde, et s'attache à ' toujours préserver les conditions d'une éventuelle réversibilité ou du transfert du contrat vers
un autre prestataire '.