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Avec sa puce massivement multic?"ur, Sun prouve sa capacité d'innovation technologique. Mais les serveurs T1000 et T2000 n'auront, à court terme, que des usages limités en centre de données.
On a vu l'année passée Intel tourner casaque, abandonner la course au mégahertz, reconnaître que l'avenir était aux architectures multic?"urs, à l'exécution multifile (multithreading) et aux économies d'énergie. Sun, en annonçant en décembre ses deux nouveaux serveurs Fire T1000 et T2000, ne pouvait pas mieux tomber : non content d'illustrer ces principes auxquels s'est ralliée toute l'industrie, il les pousse un cran plus loin que quiconque aujourd'hui. Ces deux systèmes compacts au format 1U ou 2U hébergent un processeur ' Niagara ', officiellement baptisé UltraSPARC T1, équipé de huit c?"urs d'architecture UltraSPARC (Risc), et conçu pour traiter jusqu'à trente-deux files d'exécution simultanément (quatre par c?"ur), et donc pour se comporter comme autant de processeurs. Consommation moyenne de Niagara : entre 70 et 80 W, quand il faut compter le double pour un Xeon. Volonté de se porter en avant, et bonne occasion pour Jonathan Schwartz, le toujours très provocateur directeur général de Sun, de lancer sa pierre dans le jardin d'Intel : ' L'industrie du PC détermine depuis trop longtemps ce qu'est un serveur, pourtant, un bon PC fait un mauvais serveur. '
Le courage de faire simple
Niagara est une puce très particulière, dépouillée. ' Il faut replacer son élaboration dans une perspective centre de données où il n'y a jamais assez d'énergie et toujours trop de chaleur. Ce sont à ces problèmes que nous avons pensé ', précise Fred de Santis, vice-président Horizontal Systems de Sun, et vétéran de la conception de processeurs. Niagara lui doit beaucoup : pour l'élaborer, Sun a racheté Afara, société qu'il dirigeait et qui développait des puces massivement multic?"urs. ' On ne fera pas un poste de travail à partir de Niagara, renchérit Marc Tremblay, autre vice-président de Sun qui a présidé à l'élaboration de la puce, car aucun poste de travail ne profitera de trente-deux files d'exécution aujourd'hui. Nous voulions une puce serveur, mais cela n'aurait intéressé personne d'avoir trente-deux voies à un coût délirant et avec une forte consommation d'énergie. Il fallait beaucoup de courage pour retirer tout ce que nous avons retiré d'un processeur afin d'aboutir à Niagara. 'En effet, chaque c?"ur se contente d'un pipeline réduit qui ne compte que six niveaux (douze sur Opteron, trente et un sur Xeon), le préchargement (prefetch) et le branchement prédictif (branch prediction) ont été abandonnés, et les huit c?"urs se partagent une seule unité de traitement en virgule flottante. ' Pour réduire la consommation d'énergie, nous avons retiré tous les transistors qui n'étaient pas pleinement rentabilisés. Nous avons mis tout le poids sur le traitement multifile, tant pis si on perd un cycle pour accéder à la mémoire : avec un pipeline court, ce n'est pas dramatique ', commente Marc Tremblay. Les cadences de Niagara, gravée en 90 nm et qui compte tout de même 400 millions de transistors, sont de 1 à 1,2 GHz. Les derniers Xeon atteignent eux plus de 3 GHz. Figure de style : Sun caractérise ses Niagara de processeurs à 9,6 GHz (8 x 1,2)...Conséquences : tant pis pour les traitements qui recourent intensément aux calculs en virgule flottante : ' Au-delà de 2 % d'instructions en virgule flottante, il vaudra mieux utiliser autre chose que Niagara, idem pour les traitements par lots, et pour les applications strictement monofiles ', préconise Fred de Santis. Celui-ci rappelle cependant que nombre d'applications d'entreprise ont très peu de besoins en virgule flottante, comme les bases de données transactionnelles, les serveurs d'applications et les moteurs de recherche.
Une offre surtout réservée aux bons clients
Les systèmes T1000 et T2000 seront officiellement commercialisés au mois de janvier 2006, à des prix débutant à 2 995 dollars pour le premier et à 7 995 dollars pour le second, avec Solaris uniquement. ' Dans un premier temps du moins, car nous n'hésiterons pas à soutenir ceux qui voudraient travailler avec Linux ou d'autres systèmes d'exploitation [FreeBSD avec certitude, Ndlr] ', assure Fred de Santis. Premier domaine d'adoption visé : la consolidation de systèmes chez les utilisateurs de serveurs et stations UltraSPARC II et III, encore nombreux, toujours selon Fred de Santis. Pour le reste, Sun a publié une première série de métriques flatteuses dans les domaines du web (SPECweb2005), des serveurs d'applications Java (SPECj-AppServer2004), de la messagerie (tests Lotus R6i Domino 7), et ceci, face à des concurrents disparates : eServer p5 550 d'IBM (processeur Power), rx4600 de HP (Itanium), PowerEdge 6650 de Dell (Xeon). Mais on connaît la valeur limitée de ces épreuves, où le compétiteur le plus récent sort le plus souvent classé premier. Sun semble avoir bien compris que son architecture originale va devoir faire ses preuves. Aussi, le constructeur s'engage-t-il dans un programme de prêt de matériel pour 60 jours auprès des clients qui en font la demande et qu'il se réserve le droit de qualifier. Voilà qui séduira peut-être les entreprises déjà clientes de Sun, mais qui ne semble guère pouvoir lui attirer de nouveaux acheteurs.