«Nous, enseignants, refusons la réforme du BTS Iris»

[TRIBUNE] «Nous, collectif des enseignants de BTS Iris, par cette tribune, protestons contre la mise en œuvre de la réforme de fusion des BTS Iris et SE que nous estimons dangereuse pour la filière informatique et réseaux d'aujourd'hui.»
Depuis 2002, le BTS Iris (Informatique et réseaux pour l'industrie et les services techniques(*)) forme des jeunes sur des contenus qui vont des langages UML, C++ ou Java aux technologies du web, en passant par le multitâche et les techniques de synchronisation pour la programmation asynchrone, sans oublier les systèmes embarqués basés sur des noyaux préemptifs, ou encore la partie réseau (programmation et configuration).
Les diplômés d'aujourd'hui sont en général bien accueillis, aussi bien dans des PME-TPE que dans les services techniques de grands groupes. Avec le temps, l'enseignement de Java s'est implanté, y compris dans son aspect services web, notamment dans les projets de fin d'études. L'apparition des outils à base de Linux ou d'Android dans les systèmes de supervision ou de contrôle-commande industrielle indique que cette formation était visionnaire.
En l'état actuel, un projet de réforme prévoit de fusionner les BTS SE (Systèmes électroniques) et Iris au niveau des contenus théoriques. Même si une spécificité demeure sur les contenus professionnels, elle sera accompagné d'une forte réduction du volume d'heures consacrées à l'informatique. Cet enseignement, comme celui des mathématiques, étant délaissé au profit des sciences physiques.
Le mot « informatique » disparaît de l’intitulé du nouveau BTS
L'intitulé du diplôme BTS SN (Systèmes numériques), lui, ne mentionnera même plus la spécialité informatique, ce qui en détruira la lisibilité. Alors que tous s'accordent à reconnaître l'informatique comme un métier à part entière, et qu'une spécialité ISN (Informatique et sciences du numérique) a été créée en terminale S, la visibilité de la discipline est ici réduite et l'informatique devient une option.
Les informations dont nous disposons pour l’instant font état d’une introduction du contrôle en cours de formation, basé sur de la maintenance informatique et le câblage, et ce sans rapport avec la réalité d’un projet professionnel de niveau bac + 2, qui sera amputé de 30 % dans sa partie informatique. Cette formation verra tout son enseignement autour d'internet (qui donnait aux étudiants un savoir-faire) disparaître au profit de connaissances générales.
Pour ce qui est du volume horaire prévu, on passerait de dix-huit ou dix-neuf heures par semaine d'informatique à dix-sept heures, quinze, voire treize heures de cours, soit une perte de 200 à 330 heures sur deux ans. Pour information, le BTS SIO (anciennement Informatique de gestion) propose vingt heures hebdomadaires pour former un Bac+2 en informatique.
En application dès la rentrée prochaine
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) ont déjà voté contre ce projet. Pour autant, cette réforme sera représentée au CSE les 5 et 15 décembre pour un vote, suivi d'une application dès septembre 2013 s'il est validé.
Rappelons que si les électroniciens et les informaticiens travaillent ensemble, ce ne sont pourtant pas les mêmes métiers : le représentant du l'UIMM (syndicat patronal) a d'ailleurs voté contre et indiqué qu’il allait essayer de modifier le positionnement de chacun des métiers. Il est regrettable que les représentants de la filière informatique (Syntec, Munci…) n’aient pas été conviés à la réflexion. Notons que dès qu’il en a été informé, le Munci a annoncé son désaccord.
Un cursus Bac + 2 pourtant nécessaire
L'informatique technique et internet de niveau bac+2 correspond à une demande en termes de formation comme en termes d'emploi. Ainsi un rapport de l’Inspection générale des finances indique que le marché de l’économie numérique se répartit ainsi : 23 % des besoins dans le hard (matériel) et 77 % dans le soft (logiciels). Il est nécessaire de développer de nouvelles formations à ces métiers. De la même façon, le Think Tank Rennaissance numérique, dont le rapport a été remis ces jours-ci à Fleur Pellerin, pointe le besoin d'un diplôme autour d'internet en filière courte.
Alors, pourquoi casser un outil qui marche ? Sans refuser toute réforme, celle-ci nous semble bien loin de la réalité des postes qu'occupent nos étudiants. Elle va briser l'équilibre actuel de la filière Iris et affaiblir les compétences des étudiants dans ce qui fait le cœur de cette formation aux métiers de l'informatique. Ces mêmes compétences qui sont précisément demandées dans les offres d'emploi.
Dans le contexte économique actuel, cela nous semble un non-sens. L'informatique est un des rares secteurs – l'un des trois meilleurs ,avec l'aide à la personne et l'hôtellerie-restauration, selon Pole emploi (10/2012) – où les prévisions d'emploi restent relativement bonnes,
En conséquence, nous demandons instamment que le volet Informatique de cette réforme soit abandonné pour tous les différentes raisons que nous vous avons présentées.
(*) A ce jour, ce BTS est enseigné dans un peu plus d'une centaine d'établissement publics au plan national, ce qui représente entre 1 500 et 2 000 diplômés par an, soit de 3 000 à 4 000 étudiants concernés. La pétition, établie par le collectif, a été signée (à ce jour) par 186 enseignants.
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