Au lendemain des attentats du 11 septembre, l'intelligentsia française et européenne s'était presque unanimement exclamée : " Nous sommes tous américains. " Il faut dire qu'à l'époque, les États-Unis
paraissaient voués à la catastrophe géopolitique et économique. Dès lors, il était de bon ton de faire taire les éventuels penchants anti-Américains dont les Européens, et en particulier les Français, ont le secret, pour soutenir un pays au bord du
gouffre. Et ce d'autant que l'économie eurolandaise (pour Euroland) apparaissait plutôt résistante. C'était du moins le message véhiculé par la Banque centrale européenne (BCE), qui annonçait notamment que le PIB eurolandais n'avait aucune chance de
reculer et que, par conséquent, il n'était pas utile de réduire nettement les taux directeurs. Le fort assouplissement monétaire était plutôt nécessaire pour la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, comme d'habitude, faisait preuve d'une
sur-réaction très américaine, dont nous, Européens, savions bien sûr nous abstenir.Malheureusement, et une fois encore, l'Europe s'est trompée. Ainsi, alors qu'au début de l'année 2001, l'Euroland semblait capable de redevenir la locomotive de l'économie mondiale, ce qu'elle n'avait plus été depuis 1991, sa croissance
a difficilement atteint 1,5 % en 2001, soit à peine 0,3 point de mieux que les États-Unis.
La locomotive américaine
C'est bien modeste, surtout si l'on se réfère aux 15 points de croissance de retard accumulés depuis 1992 par rapport aux États-Unis. Malgré une attaque physique sans précédent, l'économie américaine est donc restée la locomotive de la
croissance mondiale, dans la mesure où lorsqu'elle s'est arrêtée, toute la planète a fait de même. Pis, excepté le Japon, le seul grand pays à avoir enregistré en 2001 deux trimestres consécutifs de baisse du PIB (c'est-à-dire une récession) n'est
pas l'État américain, mais l'Allemagne. De même, tandis que l'économie des États-Unis a progressé de 1,4 % au quatrième trimestre 2001, celle de l'Euroland a vraisemblablement reculé de 0,8 % (en rythme annualisé). La BCE avait donc bien tort. De
plus, alors que l'Europe est encore en train de se demander si elle peut sortir rapidement du tunnel, l'économie américaine est déjà sur le chemin de la croissance forte. C'est du moins ce qu'indiquent l'évolution des commandes de biens durables en
janvier et, surtout, celle des enquêtes des directeurs d'achat dans l'industrie et dans les services en février.Le wagon européen
Bien loin de ces lendemains qui chantent, donc, l'Europe continue d'être sclérosée. Certes, le moral des chefs d'entreprises dans l'industrie et les services commence également à s'améliorer. En revanche, la prudence reste le
leitmotiv. La récente baisse de la confiance des ménages français en est la parfaite illustration.En fait, au-delà de l'inefficacité de notre politique économique, le véritable coupable de cette atonie et de ce suivisme européen est impalpable. Il s'agit du traditionnel mal européen, en l'occurrence d'un manque de réactivité soit,
en d'autres termes, d'un excès de pessimisme. C'est essentiellement la raison pour laquelle nous sommes très loin d'être " Américains ". Ainsi, alors que ces derniers essayaient de se montrer plus forts que les
attaques terroristes, les Européens en déduisaient qu'il fallait réduire la voilure au maximum et se terrer pendant une tempête qui avait lieu à des milliers de kilomètres. Tant que nous n'aurons pas compris que notre manque d'esprit d'initiative et
notre aversion excessive pour le risque sont dangereux, nous serons donc condamnés à rester à la traîne de lOncle Sam. God bless Europa !* Chef économiste de Natexis Banques Populaires
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