Olivier Chenevez et Vincent Banchet (Sernam) : ' nous amènerons l'informatique à 2 % du chiffre d'affaires '
Sorti du giron de la SNCF, Sernam se mue en opérateur de réseau. La refonte du système d'information se poursuit, avec, pour objectif, la couverture du territoire national. Tout en réduisant le budget de la DSI.
Si la marque est connue, les activités de Sernam le sont moins. Quel est précisément votre créneau ?Olivier Chenevez : A l'origine, Sernam est une division de la SNCF qui transporte des colis et des palettes, essentiellement par voie ferrée. Et elle est exploitée par des salariés qui n'ont d'autre lien avec la SNCF que le statut de cheminot. Voilà pour l'historique. Avec la décision de Bruxelles d'obliger Sernam à tenir une comptabilité séparée, la situation a dû rapidement évoluer. D'où l'idée d'un adossement à une autre filiale de la SNCF spécialisée dans le transport et la logistique, Geodis. Paradoxalement, la notoriété de Sernam était très forte dans l'opinion, beaucoup plus que celle de Geodis, alors que cette dernière présente un volume d'activité bien plus important. En tout cas, Sernam est devenu un petit Geodis, sans échapper à une cure d'amaigrissement. Une agence sur trois a ainsi été supprimée entre 2000 et 2002. Simultanément, les effectifs ont énormément fondu. Et le train ne représente plus désormais une part essentielle de notre activité : maintenant, c'est la route. Nous ne sommes ni sur le créneau de l'avion, ni sur celui du bateau. C'est vraiment la route, et marginalement le train. Aujourd'hui, nous avons enclenché un processus de redressement, le personnel se montre particulièrement motivé, mais la société perd encore de l'argent. Rien n'est complètement acquis.L'héritage de Geodis n'a pas été trop dur à gérer ?Vincent Banchet : Nous avons récupéré toute l'informatique de Geodis, sauf les personnes. Nous avons apporté des modifications et des améliorations au système d'information. Dès 2001, nous avons effectué la bascule d'Unix vers AS/400 et repris des contrats d'infogérance relativement importants, comme celui conclu avec Sysmedia (racheté depuis par IBM). Par ailleurs, un plan de réorganisation, adopté courant 2004, prévoit une batterie de mesures destinées à être déployées en trois ans, selon trois axes : la réduction des coûts, l'optimisation de la fonction du système d'information et la sécurisation des données.O.C. : Parallèlement, la situation de Sernam n'a cessé de se modifier. Le système d'information a évolué au fur et à mesure que nous prenions des décisions concernant l'activité du groupe. En 2004, Bruxelles a rendu publique une décision reconnaissant à Sernam certaines vocations particulières. Par exemple, le fait de disposer de deux trains bloc Express (TBE), circulant la nuit sur des lignes à grande vitesse, entre le dernier TGV du soir et le premier TGV du matin. C'est une spécificité très intéressante en termes de rapidité de livraison. Pour en revenir aux aspects stratégiques et financiers, nous nous sommes rapidement aperçus que l'adossement définitif à Geodis ne se ferait pas. Qu'il nous fallait réfléchir à un avenir qui nous soit propre. D'où le rachat de Sernam par ses dirigeants en 2005. Mais nous n'avons jamais pensé que cette situation était définitive, ni qu'elle représentait la panacée. Il s'agit d'une solution de transition, qui répond à la nécessité de trouver une formule alternative après le constat de l'impossibilité de s'associer durablement à Geodis. D'où le fait que les dirigeants, dont je suis, soient devenus des actionnaires importants de la société.S'agit-il d'une reprise par le management ou d'un rachat par les salariés ?O.C. : Un peu des deux. Ce n'est pas seulement les managers, mais pas non plus tout le personnel. Quatre-vingts personnes sont parties prenantes au capital, dont le DSI et moi-même. Mais ce n'est pas une fin en soi. Nous nous sommes mis en recherche d'un partenaire industriel ou financier. Aujourd'hui, nous sommes en discussion exclusive avec le fonds Butler Capital Partners. A l'issue de l'opération, bien sûr, notre participation sera diluée. Nous sommes optimistes sur l'aboutissement de ces pourparlers.Le plan triennal qui réorganise le système d'information est sur les rails ?V.B. : Il prévoit une réduction des coûts informatiques de 45 % entre fin 2004 et fin 2007. Nous sommes dans les délais. Le plan se déroule comme prévu. Pour le reste, le budget informatique continue de baisser : en 2004, il était de 15,6 millions d'euros, il est aujourd'hui à un peu plus de 10 millions, et il devrait tomber à 8 millions en 2007. Tout cela avec une répartition 70-30 entre les dépenses de fonctionnement et les investissements, que ce soit pour les infrastructures ou les nouveaux projets. Quant à l'effectif, nous en sommes à vingt-deux personnes à la direction informatique centrale et à huit en région. Nous nous sommes donné pour objectif d'abaisser la part de l'informatique rapportée au chiffre d'affaires : dans le secteur, ce ratio est d'environ 2,5 %. Nous étions à 3,8, il s'agit de parvenir à 2. Ce mouvement, très important, doit être interprété comme un signe. Quand une société est sur le point d'être achetée par un financier, l'informatique doit envoyer un signal fort. La maîtrise du ratio informatique-chiffre d'affaires sera très regardée lors des étapes suivantes.Comment le DSI travaille-t-il avec le directeur général ?V.B. : Nous fonctionnons totalement en équipe. Il existe une confiance partagée dans le succès de la réorganisation informatique. Cela se joue à deux niveaux : d'abord, nous nous voyons régulièrement, Olivier Chenevez et moi, pour faire le point sur l'activité. Et puis il y a une partie formelle, la réunion du comité exécutif, qui coordonne les grandes étapes du déroulement de la vie de l'entreprise. J'en fais partie avec une demi-douzaine de personnes. Et il y a aussi le comité de pilotage, auquel je participe. Cette structure est dirigée par un véritable chef de projet. Nous avons jugé essentiel qu'il existe un responsable à plein-temps garant de la bonne exécution du plan de redressement.O.C. : L'on parle toujours de la nécessaire relation de confiance entre la direction informatique et les autres métiers du groupe. J'estime pour ma part que la relation entre le directeur général et le DSI est aussi forte que celle existant entre le DSI et les autres fonctions. Cela ne peut fonctionner que comme cela.Concrètement, qu'est-ce qui change aujourd'hui dans l'informatique de Sernam ?V.B. : Nous reprenons la main sur la gestion des processus, qui sont le c?"ur de notre activité. Il a fallu réinternaliser certaines fonctions pour procéder à un vrai appel d'offres. Auparavant, il fallait gérer les urgences. Désormais l'activité est concentrée sur deux serveurs, alors que la tendance précédente était plutôt à la décentralisation et à la régionalisation. Ensuite, les opérations sensibles doivent maintenant être gérées en interne, par exemple les interfaces EDI et ce qui concerne la traçabilité. Nous traitons journellement 25 000 commandes réparties sur 55 sites. Toutes les étapes sont critiques : la commande, la livraison, la facturation, etc. Il est essentiel que le DSI possède une vue d'ensemble sur tous les processus de l'entreprise.On dit souvent qu'aucun projet informatique n'est adopté sans la capacité de générer un retour sur investissement rapide. Est-ce le cas pour la DSI de Sernam ?O.C. : Globalement, c'est vrai. On ne lance pas un projet sans réfléchir. C'est vrai dans la banque, c'est vrai dans l'industrie. Cependant, il faut être réaliste et faire preuve de bon sens. Les projets RFID, par exemple, sont indispensables dans notre secteur. On n'imagine pas stopper ces développements simplement parce qu'on ne peut pas chiffrer un retour sur investissement à court terme. Cela n'aurait pas de sens.Justement, où en est la RFID dans le transport et la logistique ?O.C. : La situation dans la messagerie industrielle est très différente de celle que l'on observe, par exemple, dans la distribution, où l'automatisation est beaucoup plus poussée. Notre métier, c'est les palettes. Et les palettes, c'est manuel, c'est aléatoire. Avec beaucoup de ruptures de charge : en moyenne, entre huit et dix par nuit ! C'est pourquoi, sans doute, les ' monocolistes ' possèdent encore le monopole du marché de la RFID. Autre problème, toujours pas résolu : le coût de la puce. Il est aujourd'hui de 22 centimes d'euro, il faudrait qu'il tombe au-dessous de dix centimes pour que le composant soit vraiment rentable et accessible au plus grand nombre. La RFID pour tous les produits, totalement normalisée, c'est un objectif. On y arrivera sans doute, mais pour le moment on en reste loin. Il existe beaucoup de freins.V.B. : Et puis, tout dépend des interlocuteurs auxquels on s'adresse. Demander aux fournisseurs d'utiliser les mêmes normes que les nôtres pour travailler, c'est relativement facile. Avec les clients, cela se révèle beaucoup plus compliqué. Et comment faire ? Nous travaillons dans un environnement ouvert, ce qui veut dire que nous ne maîtrisons pas tout. Difficile d'aller vérifier dans le système d'information de chaque client si l'étiquette RFID qu'il édite est bien conforme à la nôtre. On rencontre d'autres difficultés, par exemple la technique d'encodage de l'information d'identification de colis dans les étiquettes RFID. Ensuite, pour la lecture en vrac des tags : théoriquement, tout est réglé, pratiquement, rien n'est résolu. Dans l'industrie automobile, cela marche bien, c'est effectivement normalisé, tout le monde parle la même langue. Dans la grande distribution également. Mais dans la messagerie industrielle, c'est plus difficile à cause d'environnements hétéroclites. Globalement, la RFID pose deux problèmes très différents, mais complémentaires : d'abord un problème de maîtrise de la technologie. Ensuite, à supposer que ce premier point soit résolu, il reste le plus délicat : la contrainte de l'intégration de cette technologie dans l'ensemble de la chaîne logistique.Dans une entreprise en restructuration, on embauche quand même ?V.B. : Oui. Avec discernement. A la DSI, nous recherchons quelques profils bien identifiés pour les problématiques EDI. Ce ne sont pas des recrutements massifs, mais des besoins ponctuels, extrêmement précis, concernant un métier donné. En revanche, le développement est l'exemple d'une activité qui peut être déléguée.
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