Olivier Nerrand
Après une thèse sur les réseaux de neurones, ce Roubaisien de 43 ans a quitté la recherche pour prendre en charge les systèmes d'information d'une école d'ingénieurs. Il exerce parallèlement en tant qu'expert judiciaire.
Outre la responsabilité des systèmes d'information de l'école d'ingénieurs EIGSI, vous avez un rôle auprès de la cour d'appel de Poitiers. Lequel ?J'y suis inscrit en tant qu'expert informatique : les magistrats me contactent pour me demander de suivre un dossier. Quand un tribunal civil cherche, par exemple, à établir s'il y a eu une concurrence déloyale, comme lorsqu'un commercial quitte son entreprise en emportant le fichier clients. Ou quand un juge d'instruction veut faire ' parler ' un disque dur dans une affaire de pédophilie. J'interviens également pour le tribunal de commerce lors d'un litige entre sociétés, comme l'installation défectueuse d'un progiciel par un prestataire, un cas classique. Dans ce cas, je réunis les acteurs du dossier pour évoquer toutes ses facettes. Mon rôle n'est pas de trancher, mais de donner un avis aux magistrats. En leur rappelant qu'en informatique, les choses sont rarement claires, contrairement aux indications fournies par l'expertise ADN. C'est le défi technique qui m'intéresse, je ne suis pas un justicier.Comment avez-vous acquis cette expertise informatique ?En 1987, je suis sorti diplômé en informatique de l'École nationale supérieure de mécanique de Nantes, aujourd'hui Centrale Nantes. Ensuite, mon service militaire m'a laissé le temps de lire de nombreux articles sur l'intelligence artificielle. Peu d'entreprises embauchaient des jeunes pour travailler sur ce sujet qui m'intéressait. L'École supérieure de physique et de chimie industrielles (ESPCI) de Paris m'a offert un poste d'assistant professeur : j'ai fait une thèse sur les réseaux de neurones, puis je suis devenu maître de conférences. À l'époque, deux enseignants de l'école ont obtenu le prix Nobel de physique [Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak en 1991 et 1992, Ndlr]. Cela a dopé les recherches. D'un point de vue intellectuel, on ne pouvait faire mieux. Mais pour des raisons personnelles, j'ai cherché un poste en province. En 1993, l'École d'ingénieurs en génie des systèmes industriels (EIGSI) de La Rochelle m'a proposé d'enseigner. J'ai accepté. Trois ans plus tard, j'ai demandé à reprendre la responsabilité du SI de l'école.Quel déclic vous a poussé à vous rapprocher du monde judiciaire ?J'ai une chance extraordinaire : mon épouse est avocate. Lorsqu'elle s'est installée, je me suis occupé de son informatique et j'ai fait son secrétariat. J'ai notamment tapé les conclusions d'un dossier contenant des rapports d'experts informatiques qu'elle comprenait difficilement. Après que je lui ai expliqué, elle m'a suggéré de présenter ma candidature en tant qu'expert. Refusé en 1998, j'ai été accepté l'année suivante. Depuis, je consacre une partie de mes soirées, de mes journées de RTT et de mes week-ends à cela, sans empiéter sur mon activité principale.Justement, qu'apporte cette expérience judiciaire au responsable de SI que vous êtes ?L'habitude des réunions animées m'a conféré une certaine assurance et m'a appris à écouter le point de vue de chacun. De plus, les dossiers traités m'ont fait découvrir de nombreuses mauvaises pratiques dont je m'attache à prendre le contre-pied dans mon service. Et puis, au travers des affaires suivies, je fais de la veille informatique pour connaître de nouveaux outils. J'adore cela, c'est mon côté chercheur. Concernant la sécurité, je n'ai pas établi de filtrage d'URL pour empêcher les élèves d'atteindre des sites interdits. Mon passé dans la recherche m'incite à leur laisser le champ libre, même si un contrôle a posteriori permet de recadrer ceux qui en ont besoin.
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