Opérateurs et constructeurs autos: alliés objectifs contre les géants du Net

La voiture connectée intéresse toujours plus les opérateurs. Les constructeurs y voient une alternative aux ambitions d'Apple ou Google de monter seuls à bord.
Une sourde bataille, aux enjeux industriels considérables, opposent les opérateurs aux géants du Net sur la voiture connectée, avec les constructeurs automobiles pour arbitres.
Tous les regards sont tournés vers Apple avec CarPlay et Google avec Android Auto et l'Open automotive alliance. De leur point de vue, il s'agit d’amener dans la voiture les applications popularisées par les mobiles et tablettes.
« Les géants du web sont dans une logique de territoire. Ils doivent investir la voiture mais ce n'est pas voiture en tant que telle qui est visée » explique Marc Mechaï, directeur exécutif en charge du secteur de l’automobile pour la France et le Bénélux chez Accenture.
Pour l'instant, les opérateurs semblent avoir remporté la première manche en terme de pénétration de l'habitacle automobile mais rien n'est joué. Orange, le premier, a multiplié les alliances : avec Renault, dans le cadre d'un partenariat sur la 4G ou plus récemment avec Tesla, pour faire communiquer ses voitures électriques.

Obligés de composer avec les opérateurs, maîtres des réseaux mobiles, les constructeurs se sont alliés en premier avec eux pour fournir un accès Internet intégré à leur voiture. Ces systèmes sont matérialisés par des tablettes tactiles connectées en 3G ou en 4G. Adjointes au tableau de bord, elles affichent des applications déjà embarquées ou à télécharger.
Cette intégration technique, que de nombreux constructeurs ont choisie, passe par une carte SIM embarquée dans la voiture. Chez Renault, le système s'appelle R-Link. Chez PSA, c'est Peugeot Connect et Citroën Multicity Connect, voire DS connect Box, sur les modèles DS récents.
Pour l'opérateur, cette intégration est tout bénéfice ! L'automobiliste est un abonné supplémentaire à un pack de services connectés puisque la carte SIM embarquée est associée avec un abonnement à la clé. Cette approche n'est, a contrario, pas optimale pour l'acheteur car il possède déjà un smartphone ou des applis pour l’aide à la conduite. En plus, le consommateur se trouve lié à un opérateur, à sa couverture géographique et à sa stratégie commerciale.
« 7% des clients qui achètent une voiture équipée du système souscrivent un abonnement » a révélé au magazine L'Expansion, Brigitte Courtehoux, directrice véhicules et services connectés chez PSA.
Un succès très modeste qui peut s'expliquer à la fois par la perspective de devoir payer un abonnement mobile surnuméraire par rapport à leurs besoins et par la technologie utilisée jusqu'à présent.

« Les acquéreurs de connectivité embarquée dans la voiture voudront-ils payer cher pour un débit de données inférieur à celui de leur smarphone, juste pour une parfaite intégration avec l'écran du tableau de bord » explique Franck Cazenave, dans son livre intitulé "Stop Google" .
Toutefois, le déploiement de la 4G , qui apporte le très haut débit, a renforcé l'intérêt d'amener la connectivité à l'intérieur du véhicule. Ses performances permettent d'envisager des services d'"infodivertissements", mêlant le téléchargement de films et de musique, pour agrémenter le voyage des passagers lors de longs trajets.
Audi commercialise déjà, depuis l'été 2013, sur son véhicule S3 Sportback, un système embarquant une connexion 4G. Une carte SIM, qui n'est pas fournie et reste à la charge du propriétaire du véhicule, est à insérer à bord du véhicule et permet, via un point d'accès wi-fi embarqué de faire bénéficier les passagers d'une partage en wi-fi de la connexion 4G.
BMW a choisi une approche similaire en proposant, cette fois-ci en accessoire, une borne wi-fi 4G (carte SIM à insérer) sur ses berlines.

Pour les opérateurs, le déploiement des réseaux mobiles 3G+ et 4G peut aussi être l'occasion de resserrer les liens avec les constructeurs autos. Tous promettent une automobile connectée en permanence au réseau mobile, la carte SIM embarquée étant au service de l'assistance d'urgence et de la maintenance à distance du véhicule.
L'avènement prochain en Europe du service e-call, à partir 2015, qui instaure un appel d'urgence automatique en cas d'accident, fournit au constructeur un argumentaire supplémentaire dans ce sens.
Cette approche permet aux opérateurs de sauver la face en évitant d'être ravalé au rang de fournisseurs de tuyaux pour vendre aux constructeurs auto un service de connectivité dans le cadre d'une approche machine to machine.
Renault a choisi de s'associer à Orange dans le cadre d'un partenariat visant à explorer de nouveaux usages de la connectivité haut débit mobile à bord des véhicules.

Plus concrète est l'approche retenue par Tesla dont les véhicules électriques sont systématiquement connectés par le biais d'un réseau d'opérateur national, AT&T aux Etats-Unis et Orange en France depuis peu.
Tous les Modèles S vendus dans l'hexagone embarqueront une carte SIM 3G+ et potentiellement 4G, fournie par l'opérateur historique. « Tesla conçoit ses voitures électriques comme des objets connectés. C'est par le réseau mobile que passe le téléchargement des mises à jour logicielles concernant l'informatique embarquée » explique t-on chez Orange Business Services.
Cette connectivité ne sera pas a priori bouleversée par les menées d'Apple avec CarPlay et ou de Google avec Android Auto, que les constructeurs auto ne voient pas d'un bon oeil. Pas question, pour eux, qu'ils s'arrogent trop de données sur les conducteurs à leur bénéfice exclusif...