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Les opérateurs considèrent les services comme un relais de croissance. Après BT et Deutsche Telekom, France Télécom négocie ce virage stratégique.
Le constat est cruel pour France Télécom : trimestre après trimestre, son chiffre d'affaires dans les services de communication aux entreprises se consume. Sur l'année 2006, il recule de 4,9 %, à 7,65 milliards
d'euros. La faute à la baisse de l'activité de la téléphonie fixe et des services de données traditionnels. Dès lors, l'opérateur historique cherche désespérément de nouveaux relais de croissance et lorgne les services informatiques. Cette tentation
l'avait déjà taraudé dans les années 1990, mais elle s'était soldée par un échec.Ce virage, ses homologues européens BT et Deutsche Telekom l'ont initié depuis longtemps. BT en rachetant la SSII Syntegra dans les années 1990 et Deutsche Telekom en acquérant, en 2000, Debis, filiale de services
informatiques de Daimler Chrysler. Olivier Huart, président de BT France, argumente : ' Il faut accompagner les entreprises dans leur transformation. Les réseaux comme le service informatique en font
partie. Le métier d'opérateur se déplace vers l'intégration de solutions. 'En résumé : proposer des offres globales au lieu de vendre des minutes. Au-delà, les opérateurs cherchent à retenir une clientèle désormais volatile. ' En s'orientant vers les systèmes d'information, ils
pensent à tort ou à raison capturer des clients, et retrouver une valeur ajoutée, qu'ils perdent dans les réseaux de communication ', observe Jean-François Perret, président du cabinet Pierre Audoin Consultants
(PAC). Si les opérateurs historiques font sensiblement le même constat, ils n'appliquent pas forcément la même recette.
BT s'est recentré autour d'une poignée de services
Amputé de sa branche de téléphonie mobile (revendue en catastrophe en 2001), BT a dû relancer, et ce depuis quatre ans, son activité de services aux entreprises, regroupée sous la bannière BT Global Services. Exit Syntegra,
véritable SSII autonome au sein du groupe. Elle a été digérée dans un nouvel ensemble, puis refaçonnée. L'opérateur a donc recyclé la fameuse convergence informatique et télécoms sous un concept plus restrictif de services informatiques en réseau.L'intégration de systèmes et d'applications, c?"ur de métier des SSII, est devenue une prestation marginale, car jugée trop éloignée des préoccupations d'un opérateur. ' Nous n'avons pas non plus vocation à
gérer des postes de travail ', plaide Olivier Huart.En France, l'effectif a diminué. Et l'activité s'est recentrée autour de services liés à la sécurité managée, la gestion des identités, la dématérialisation des processus et des documents, la gestion d'infrastructures de centre
d'appels ou encore l'hébergement teinté d'une optimisation des flux applicatifs. Il reste bien, ici ou là, un héritage de l'ex-Syntegra, avec quelques spécialistes du progiciel de SAP (sur BW ou Netweaver). Ils interviennent dans une optique de
tierce maintenance des applications hébergées. Forte d'une croissance de 35 % à 225 millions d'euros sur l'exercice 2006-2007, la filiale française semble, a priori, recueillir les fruits de cette réorientation. Même
si elle pâtit de son manque de notoriété.Au Royaume-Uni, où BT a une tout autre envergure, l'opérateur se positionne régulièrement sur des grands contrats d'externalisation dans le secteur public. En général, en association avec des sociétés de services telles que HP ou CSC.
Signé en 2003, le contrat avec la Poste britannique est emblématique du champ d'intervention de BT Global Services. L'opérateur a été chargé de la construction d'un nouveau réseau étendu et des services associés : transmissions voix
et données (réseaux locaux et étendus), mobilité, gestion des pare-feu et support pour les centres d'appel.Son partenaire CSC se chargeant, lui, de l'externalisation informatique : gestion des postes de travail, des serveurs et des applications.
Une question de survie pour France Télécom
Pour la division entreprise de France Télécom, Orange Business Services (OBS), l'orientation vers les services est une question de survie. L'activité traditionnelle voix et transmission de données a vu son chiffre
d'affaires fondre de plus de 600 millions d'euros l'an dernier. L'ex-Equant n'a jamais réussi à gagner d'argent. ' La décroissance ralentit, et nous devrions réaliser 30 % de notre chiffre d'affaires dans les
services en 2008 ', objecte Barbara Dalibard, membre du comité de direction de l'opérateur chargé des entreprises. France Télécom compte compenser cette chute de revenus en développant un large éventail de services,
de l'intégration de réseaux locaux à l'hébergement, en passant par la sécurité, le collaboratif ou les centres d'appel.En 2006, les rachats de Diwan (sécurité), de Néoclès (intégrateur Citrix) et de Silicomp (M2M, IP v6) ont complété l'offre des filiales déjà intégrées telles qu'Etrali (places de marché) ou Almeris (santé). OBS a également recruté
quelque 250 ingénieurs afin de compléter ses équipes et l'opérateur a formé environ un millier d'employés à ces nouveaux services.Hors de question, néanmoins, à l'instar de BT, de s'aventurer dans l'intégration de grands systèmes ou la gestion des postes de travail. Selon Barbara Dalibard, les opérateurs manquent de maturité en la matière.
' Nous ne devons pas trop nous éloigner de notre c?"ur de métier ', assure-t-elle. Cependant, reconnaît-elle, ' il est arrivé qu'un grand client nous demande de nous occuper de
son architecture SAP '. Mais le cas reste isolé.
Deutsche Telekom, le plus ambitieux
Deutsche Telekom se montre moins timoré. Les services informatiques sont un véritable pilier de sa stratégie depuis le rachat de Debis. Issue du regroupement de Debis Systemhaus et de la division Deutsche Telekom dédiée
aux services informatiques (De Te CSM), l'entité de services aux entreprises T-Systems s'est renforcée à la fin 2005 en acquérant Gedas, la SSII du groupe automobile Volkswagen. Ambitieux, T-Systems se pose en alternative aux ténors des
services informatiques, axant son discours sur le concept de guichet unique informatique et télécoms.Dès l'origine, le groupe s'est doté d'une entité commerciale chargée des ventes croisées auprès de ses grands clients. L'activité opérationnelle reste, en revanche, divisée en trois lignes de services : services télécoms et
réseaux, infogérance-BPO et intégration de systèmes. ' Trois entités opérationnelles avec, chacune, un business model différent et une logique d'optimisation des coûts propre ', précise
Pierre Joudiou, président de T-Systems France.Difficile de savoir si la synergie commerciale opère vraiment. La société étant avare de chiffres. Néanmoins, T-Systems commercialise l'ensemble de son offre auprès de quelques grands donneurs d'ordres allemands tels EADS, Volkswagen
ou Daimler Chrysler. ' T-Systems vend des prestations informatiques et télécoms à environ deux tiers de ses clients, juge Christophe Châlons, directeur général du cabinet PAC Allemagne. Mais le
périmètre externalisé est très variable, et cela ne veut pas dire qu'il s'agit à chaque fois d'un contrat unique. ' En effet, l'externalisation conjointe de l'informatique et des télécoms s'observe plutôt dans le contexte de
grandes opérations d'infogérance.Depuis 2005, T-Systems démarche aussi les PME. Avec succès. Les ventes de prestations informatiques ont crû de 53,6 % l'an dernier sur ce segment. Récemment, la société a aussi adopté un nouveau credo : la vente de solutions
real ICT, c'est-à-dire intégrant de façon indissociable informatique et télécoms. Selon la société, ces prestations ne représentent que 5 % des revenus. Un maigre pourcentage que Lothar Pauly, PDG de T-Systems, veut
porter à 25 % en 2010. T-Systems commercialise, par exemple, une prestation d'hébergement pour SAP avec allocation dynamique de puissance.L'entité française n'a pas les mêmes atouts en termes de convergence. Depuis la revente de l'opérateur Siris en mars 2003, T-Systems France se positionne avant tout comme une SSII traditionnelle, déclinant prestations
d'infogérance ou d'intégration de progiciels (SAP et Catia, notamment). L'activité télécoms (18 % du chiffre d'affaires) a tout de même ressuscité en s'appuyant sur le backbone de Deutsche Telekom. La situation de la
filiale française est révélatrice de la difficulté à exporter le modèle de convergence.En dépit du rachat de Gedas, T-Systems ne réalise que 15 % de ses ventes à l'étranger. La marque manque essentiellement de notoriété de ce côté du Rhin, et son réseau est moins étoffé que celui de BT ou de l'ex-Equant. Pour ne
rien arranger, l'activité d'intégration de systèmes perd des parts de marché (- 5,2 % de chiffre d'affaires en 2006). ' Difficile de concilier le métier d'opérateur et celui de SSII, commente un dirigeant
de SSII. Soit vous développez des synergies, et risquez alors, en vous calant sur le rythme d'un opérateur, de perdre de la rentabilité sur le segment services informatiques. Soit vous laissez l'entité de services informatiques isolée, et
vous ne profitez pas des synergies. 'Au final, les revenus de T-Systems ont chuté de 1,8 % pour l'année 2006. Limité dans ses capacités d'investissement, l'opérateur Deutsche Telekom a annoncé officiellement, le 1er mars dernier,
son intention de chercher un partenaire pour donner plus de poids à l'entité.
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