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En rachetant Hyperion, le géant de la base de données fera d'une pierre deux coups : contrer SAP dans le monde financier où Oracle n'a pas ses entrées, et rapprocher la gestion de la performance des applications de production.
Après les plates-formes décisionnelles unifiées qui réconcilient relationnel, multidimensionnel et analyse financière, voici venu l'ère du ' décisionnel opérationnel '. Un monde où les applications métier interagissent à la volée avec les rapports, les analyses ou les simulations issus du décisionnel. Cette vision, déjà esquissée par SAP notamment, est aujourd'hui confortée par l'annonce du rachat d'Hyperion par Oracle (pour 3,5 milliards de dollars).Ce sont avant tout les briques de gestion de la performance d'entreprise (CPM) que vise le géant de la base de données : planification budgétaire, consolidation, gestion d'indicateurs et reporting financier. Particulièrement réputées, ces applications viendront compléter le récent ' BI Server ' d'Oracle, le moteur hérité de Siebel sur lequel repose la nouvelle infrastructure décisionnelle de l'éditeur de Redwood Shores (siège du QG d'Oracle).Avec ce rachat, et après celui de Siebel, c'est la deuxième fois qu'Oracle joue l'ouverture dans le décisionnel. En 2010, la firme souhaite d'ailleurs dominer les trois strates de ce marché : le CPM, la restitution et le datawarehouse. Mais d'ici là, il devra lever le voile sur plusieurs points. Comment conciliera-t-il deux exigences à première vue incompatibles : d'un coté, fournir une suite décisionnelle indépendante de ses seuls progiciels et sources de données. De l'autre, fondre tout ou partie de ses modules décisionnels au sein de son middleware Fusion. Et cela, pour mieux l'insérer dans ses applicatifs.
De nombreux recouvrements
A plus court terme, l'éditeur devra gérer les nombreux recouvrements engendrés par cette dernière acquisition. Hyperion détient une base multidimensionnelle, Essbase, qu'il utilise à la fois pour la planification et l'analytique. Or, Oracle 10g dispose également d'une représentation multidimensionnelle que l'éditeur a mis dix ans à développer suite au rachat d'Iri. Conservera-t-il les deux ? Fera-t-il fonctionner le moteur d'Essbase (alors dissocié de sa structure de stockage) sur Oracle 10g Olap Option ?Autre redondance : les couches de restitution. Le reporting hérité de Brio cogne de plein fouet avec son dernier joyau, Business Intelligence Enterprise Edition (qui intègre BI Server). Et on voit mal Oracle renoncer à cette toute nouvelle plate-forme. Les récents efforts d'Hyperion pour intégrer les outils de Brio à ses applications financières risquent malheureusement de ne pas être récompensés. Dernier conflit : le CPM d'Hyperion pourrait rapidement faire de l'ombre à celui issu de Peoplesoft (planification, gestion des indicateurs) trop fortement lié à son PGI.
Contrer SAP dans les département financiers
S'il est trop tôt pour connaître la teneur de ces futurs arbitrages, les objectifs commerciaux de l'acquisition sont limpides : ' Hyperion ouvrira à Oracle les portes des directeurs financiers. Car, avec l'échec de l'intégration du moteur Express de Iri, l'éditeur a raté le coche de l'élaboration budgétaire ', explique Renaud Finaz de Villaine, de Micropole Univers. Grâce à Hyperion, Oracle rattrape donc son retard sur SAP qui, lui, a déjà ses entrées dans les départements financiers des entreprises. ' SAP fait valoir la très forte intégration de ses modules de consolidation et de planification avec son PGI ', confirme Jean-Michel Franco, consultant chez Business et Decision, ancien de SAP. Confirmation d'un salarié d'Hyperion : ' Jusqu'à aujourd'hui, SAP est celui qui maîtrise le mieux le chemin menant de la transaction jusqu'à l'indicateur clé '. Reste que son CPM et son décisionnel se limitent au monde SAP, même si techniquement tous deux savent exploiter d'autres sources de données. ' Par ailleurs, SAP n'a pas de stratégie commerciale consacrée au décisionnel, dont les modules viennent souvent en accompagnement de briques fonctionnelles ', poursuit Jean-Michel Franco. Et le récent rachat par SAP de Pilot, pour ses techniques d'affichage de tableaux de bord, ne semble pas marquer un revirement de stratégie.Avec les offres d'Hyperion et de Siebel, Oracle opposera donc à l'éditeur allemand une offre décisionnelle indépendante. Tout en cherchant, comme son concurrent à rapprocher le décisionnel du transactionnel. ' En devenant un service de notre middleware Fusion, le décisionnel interviendra dès le développement d'applications ou la conception d'un processus. Il fera partie des flux métier ', explique-t-on chez Oracle. Enrichie des simulations, l'application de réapprovisionnement des stocks sera ainsi nativement alignée sur la périodicité des ventes ou les objectifs élaborés dans la planification budgétaire. Chez Oracle, cet échange entre décisionnel et production, en perpétuel réajustement, s'opèrera notamment par le biais de la gestion de processus (BPM). Elle implique par conséquent une notion de traitement temps réel.C'est en concrétisant cette approche du décisionnel opérationnel qu'Oracle entend se distinguer non seulement des spécialistes comme Cognos et Business Objects (BO), mais également de Microsoft. Reste que ces concurrents partagent avec Oracle la même vision de la business intelligence. Pour preuve, les briques décisionnelles d'ores et déjà disponibles dans la gamme Dynamics de Microsoft. Le PGI milieu de gamme offre une série de rapports prépackagés, ainsi que des outils pour paramétrer des cubes SQL Server 2005 nécessaires à l'analytique. Et d'ici à quelques mois, ces progiciels exploiteront nativement les capacités de Performance Point, le module de planification et de navigation multidimensionnel du géant de Seattle lancé en juin prochain. Comme Oracle, Microsoft rapproche donc la business intelligence de la production, mais dans un mode nettement plus propriétaire : son décisionnel reste associé à sa base de données, il n'est intégré qu'à ses applications et n'a pas vocation, pour l'heure, à devenir un service d'infrastructure.Quant à un spécialiste comme BO, qui n'officie pas dans l'applicatif, il entend jouer la carte de l'indépendance pour se distinguer. En mettant notamment en avant ses capacités d'accès temps réel aux données, composante indispensable dans le décisionnel opérationnel.Toujours est-il qu'après un tel rachat, la question de l'avenir des éditeurs indépendants est relancée. BO, Cognos, Cartesis, Outlooksoft... Quelle place auront-ils sur un marché en très forte croissance désormais convoité par des titans (Oracle, SAP, Microsoft, peut-être bientôt IBM et HP) ? Seront-ils balayés du paysage comme l'a été la quasi-totalité des éditeurs de gestion de contenu ? Seule certitude : l'éditeur indépendant de décisionnel est une espèce menacée.v.berdot@01informatique.presse.fr
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