Paul Otellini, PDG d’Intel : parcours d’un homme du PC

Le départ à la retraite inattendu du PDG d'Intel est l'occasion, à travers son parcours, de dresser un état des lieux de sa société. En presque 40 ans, les destins de Paul Otellini et d'Intel sont en effet intimement liés.
L’annonce de son départ à la retraite a surpris le marché. Au sein d’Intel, la nouvelle a, semble-t-il, pris les salariés de court. En presque 40 ans de carrière au cœur de la firme de Santa Clara, Paul Otellini a su s’attirer le respect de ses employés et adversaires. Pourtant, aux pays de la high-tech, au cœur du « geekisme » assumé, le roi n’est ni un ingénieur, ni un technicien mais bien plutôt un commercial de génie.
Un manager humain, pour autant que les histoires lâchées ici et là puissent en dresser un portrait fidèle, un commercial doué, un stratège éprouvé, un fidèle d’Intel et de son âme, le x86. Un homme de PC.
1974 – 1980 : les années fondatrices

Ses études finies, il cherche un travail dans la Silicon Valley, encore agricole à l’époque, et envisage de travailler chez Fairchild Semiconductor ou Advanced Micro Deviced (AMD). Il choisit finalement Intel, fondé seulement six ans plus tôt par Robert Noyce et Gordon Moore, celui-là même qui a édicté la loi qui porte son nom.
Paul Otellini entre donc chez Intel après son MBA à l’université de Berkeley (Californie). Une de ses premières tâches sera de développer un programme de gestion des coûts pour la société sur un des premiers ordinateurs. Il va ensuite gérer les aspects financiers et commerciaux liés à la nouvelle division processeur d’Intel, créée après l’introduction du premier microprocesseur Intel en novembre 1971.
1980 – 1987 : l’aventure IBM, Intel au cœur du PC
C’est lui qui va persuader IBM d’adopter des processeurs Intel. Le géant IBM recourait aux services d’Intel pour s'approvisionner en mémoire jusqu’alors. C’est donc un processeur Intel qui va animer le premier PC d’IBM, lors de sa sortie en août 1981. Paul Otellini a su jouer du besoin d’IBM de sortir rapidement un ordinateur personnel, en en sous-traitant les composants et l’OS, pour s’inscrire en concurrent d’Apple, de Commodore, d’Atari et autres Tandy, qui régnaient sur ce marché jusque-là.
Avec le 8088 et DOS 1.0, le couple Intel-Microsoft était né. Et la série des 286, 386, 486, 586 a porté le succès des PC au plus haut et marqué les souvenirs des premiers aficionados des PC…
1987 - 1993 : aux origines des Pentium

Chargé d’une nouvelle usine installée à Folsom, en Californie, ville plutôt connue, jusque-là, pour le live pénitencier de Johnny Cash, il va y faire preuve d’un grand talent dans la gestion du personnel, démontrant une grande humanité après le suicide de deux salariés en six mois.
C’est à cette occasion qu’il a également été remarqué par le PDG d’Intel, Andrew Grove, qui va en faire son « technical assistant » en 1989, soit un an après qu’il soit devenu vice-président opérationnel.
En 1990, grand changement dans la vie professionnelle de Paul Otellini, il est désigné responsable du groupe qui gère le développement des processeurs. C’est sous sa férule et sa direction que naîtra la célèbre gamme des Pentium. La nouvelle génération (la cinquième, les 586, donc) de processeur x86 mono cœur est présentée en mars 1993 et sera retirée du marché, après de nombreuses améliorations et déclinaisons, notamment portables, en 2008. C’est d’ailleurs l’architecture du Pentium M, produit entre 2003 et 2008, qui servira de base à la gamme Core, présente actuellement sur le marché.
1993 – 2002 : l’évolution de la connexion permanente
En 1991, il devient responsable exécutif du groupe, en 1993, le lancement des Pentium le voit devenir vice-président senior, titre et poste qu’il occupera jusqu’en 1996.
C’est en tant que vice-président exécutif du groupe Architecture business, poste qu’il occupe jusqu’en 2002, qu’il va accompagner la création de la « marque » et plateforme Centrino, qui mettaient la connectivité à Internet au cœur de l’enjeu des PC.
En 2002, il devient président et COO, directeur général opérationnel, d’Intel.

2005 – 2013 : le raté du mobile
Le 18 mai 2005, il succède à Craig Barrett au poste de PDG d’Intel. Non sans avoir, en tant que COO, beaucoup contribué au choix d’Apple d’adopter les processeurs Intel dans ses ordinateurs après l’abandon des processeurs PowerPC.
Pour autant, si son arrivée au sommet est, de l’avis de nombreux observateurs et connaisseurs de la société, lié à son talent de commercial et à son management intelligent, Paul Otellini et ses troupes n’ont pas su voir venir la révolution du smartphone.
Ironie de l’histoire, après avoir évincé une puce RISC, envisagée dans un premier temps par IBM, au cœur des premiers PC, Intel, par sa lenteur à voir émerger l’ère post-PC, a laissé le champ libre aux puces RISC d’ARM.
En fidèle du x86 qu’il a toujours porté vers les sommets, Paul Otellini est également responsable du désintérêt d’Intel pour les processeurs ARM. C’est lui qui a recentré l’attention de ses ingénieurs sur le X86 à une époque où l'on disait qu’Intel pourrait investir davantage dans l’ARM.
On pourrait dire que c’est la foi aveugle de l’entreprise (et de son PDG) dans l’architecture x86, qui l’a handicapée. C’est cette foi qui lui a fait mal anticiper ce que serait la mobilité dans les années à venir.
Car, en 2006, Intel était bien présent sur le marché des UMPC, morts depuis. Il était aussi de la partie avec ses Atom sur les premiers netbooks.
En revanche, la « révolution » des smartphones et des tablettes semble lui avoir échappé, trop loin de son écosystème PC centré. L’explosion des smartphones, avec l’arrivée de l’iPhone, le couple Wintel commençait à avoir sérieusement du plomb dans l’aile.
Une page se tourne

Dès lors, l’annonce surprise du départ à la retraite de Paul Otellini, prévu pour le mois de mai 2013, a des airs de passage de relais à l’heure où une nouvelle page s’ouvre pour le fondeur. Certains diraient même que la stratégie mobile d’Intel est encore balbutiante. Car si les PC ne sont pas prêts de disparaître, l’enjeu de l’extrême mobilité est essentiel pour le développement de l’entreprise américaine. Intel l’a désormais bien compris et semble d’ailleurs avoir réussi son pari avec des premiers processeurs mobiles plutôt performants.
Reste que la firme de Santa Clara, qui a l’habitude de dominer le marché, se retrouve en l’occurrence dans la position de celui qui doit faire ses preuves.
Le recrutement est donc essentiel. Intel a précisé que son conseil d'administration « considérerait des candidats internes et externes » pour remplacer le futur retraité de 62 ans. En interne, il semble identifier trois prétendants : le directeur financier Stacy Smith, le directeur opérationnel Brian Krzanich et la responsable des activités de logiciels Renee James ont été promus lundi vice-présidents exécutifs.
Mais certains analystes indiquent que prendre quelqu’un d'extérieur au sérail pourrait être un bon choix… pour ne pas mettre à la tête d’Intel un autre homme du PC. Du passé ?