Peut-on cloner l'ADN de la créativité californienne ?
La Californie a vu naître la plus grande partie des technologies qui ont révolutionné le monde depuis trente ans. Ce n'est pas un hasard, et les raisons de ce succès sont avant tout structurelles. L'écosystème californien a su
développer une chaîne d'acteurs, qui agissent en cohérence et participent à la continuité d'un cercle vertueux et fertile pour l'innovation. Avant même de devenir de réels entrepreneurs, ces innovateurs sont détectés par un tissu très dense de
soutiens financiers : business angels, capital-risqueur, ou fonds d'investissement. Mais l'innovation ne se contente pas de créativité et d'argent pour fleurir. La Californie offre aussi toute la gamme des services nécessaires à l'éclosion des
jeunes pousses : spécialistes du recrutement, avocats, banquiers, auditeurs, conseils en communication et en relations de presse, et facilitateurs en tout genre. L'ensemble de ces prestataires de services forme l'écosystème local de
l'innovation, du risque et des projets d'entreprise. Jusqu'aux plus grands groupes qui soutiennent l'innovation et la prennent en compte dans leur propre fonctionnement, apportant à l'idée émergente la respectabilité, la crédibilité, et la masse
critique nécessaire pour se présenter devant le marché et la Bourse, et aider tous les acteurs de ce cycle à retirer la juste rémunération de leurs investissements. La chaîne de l'innovation est donc bouclée et s'auto-alimente grâce à la valeur
ajoutée créée à chaque étape. En effet, il n'est pas rare de voir tel ou tel entrepreneur investir à son tour son argent et sa crédibilité dans de nouvelles pousses.
(*) Le California Tech Showcase se tiendra les 28 et 29 juin prochains, à La Baule (lire aussi p. 64).
L'entrepreneur, une star adulée aux Etats-Unis
Pour autant, la Californie ne constitue pas un paradis pour les investisseurs, et bon nombre de projets meurent avant de grandir. C'est la loi du genre ; investir est un jeu risqué ou, par définition, le gain n'est jamais certain. La Californie a connu ses crises et a su en tirer parti. Au plus fort de la bulle internet, la région comptait chaque jour 200 nouveaux millionnaires... virtuels, mais tout cet argent s'est réinvesti, favorisant l'émergence de nouvelles innovations dans un environnement assaini. Donc, le système fonctionne et perdure. La raison de cette longévité est probablement plus culturelle que structurelle.La culture américaine, et plus particulièrement californienne, voue une dévotion sans limite à l'entrepreneur. Pionnier mythique capable d'abattre toutes les frontières, l'entrepreneur est une sorte de star adulée. Cette reconnaissance repose avant tout sur un rapport extrêmement positif à l'argent. Pays de tous les possibles, les Etats-Unis célèbrent le culte de l'argent, non comme une fin en soi, mais comme un encouragement à réussir, une motivation à entreprendre. Ce n'est pas tant le travail qui est récompensé que l'intelligence, l'habileté, et l'audace.Cet encouragement s'exerce dans l'une des régions du monde qui abrite la plus grande densité de cerveaux. Les universités californiennes, de Berkeley à Stanford, comptent parmi les plus réputées au monde. Chaque année, des étudiants du monde entier viennent contribuer à la diversité d'un environnement multiculturel unique, qui est l'un des gênes constitutifs de l'ADN de l'innovation californienne.Le modèle de développement californien fait des envieux, et bon nombre de pays émergents tentent de le répliquer. L'argent est prêt à s'investir à flot en Chine et en Inde autour d'universités de plus en plus reconnues. Mais les greffes d'ADN ont du mal à prendre. Dans une économie mondialisée, il est plus pertinent d'adhérer à l'élan californien que d'essayer de le recréer ailleurs. Quelques entreprises européennes et françaises lont bien compris ; après avoir créé des fonds de ' corporate venture ' ou soutenu des cellules de veilles technologiques en Californie, elles rentrent désormais directement en contact avec des entrepreneurs californiens dès les premières étapes de leurs projets, et accompagnent leur développement sur le Vieux Continent.Vos idées : carteblanche@01informatique.presse.fr* président du California Tech Showcase(*). Résidant depuis près de 20 ans aux Etats-Unis, il conseille de jeunes entreprises américaines et les accompagne dans leur développement en Europe.(*) Le California Tech Showcase se tiendra les 28 et 29 juin prochains, à La Baule (lire aussi p. 64).
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