Par-delà les logiciels, les produits, et les technologies, un PGI est fondamentalement un projet d'intégration des différents systèmes d'information de l'entreprise (comptabilité, achat, production, vente...). Or, l'évaluation de la performance, des coûts, et de la rentabilité des PGI est une question à laquelle il n'a toujours pas été apporté de réponse satisfaisante. En 1994, le Standish Group publiait un rapport alarmant sur les dépassements de budgets et de délais, ainsi que sur le nombre de projets abandonnés ou redimensionnés à la baisse. La situation ne s'avère guère meilleure aujourd'hui, les estimations de coûts variant du simple au quadruple.
Des coûts de traduction et de négociation
Les coûts traditionnellement étudiés en matière de PGI sont de quatre natures : les coûts de matériels (PC, serveurs, etc.) ; ceux de logiciels (qui varient selon le nombre de modules et d'utilisateurs) ; ceux de conseil (intégrateur, paramétreur, formateur) ; et enfin, les coûts qui se rapportent au temps d'occupation interne. Ces derniers correspondent à des coûts de communication avec les utilisateurs du système d'information avant, pendant et après la mise en ?"uvre du progiciel. Ils sont généralement sous-estimés.En effet, un coût est toujours une construction intellectuelle, un objet de pensée, dont la mesure et l'interprétation dépendent fortement des outils dont on dispose pour l'appréhender. Ces outils de mesure (systèmes comptables, budgétaires, d'indicateurs de performance) sont comme les lunettes que l'on porte sur le nez : ce sont elles que l'on voit le moins bien. La notion de coût caché incite à ôter ces ?"illères et à envisager l'existence d'autres indicateurs difficilement quantifiables. Comment mesurer le temps passé à traduire le langage du progiciel en langage métier (et réciproquement) et à négocier l'influence de ce nouveau langage/philosophie sur les places et les positions de chacun dans l'organisation ?Il est faux de croire qu'une information, aussi standardisée et homogénéisée soit-elle, puisse connaître une signification unique en tout temps et en tout lieu de l'entreprise. Malgré les efforts entrepris pour diffuser les standards du progiciel (manuel de l'utilisateur, newsletter, intranet), les autistes ?" les informaticiens ?" et les incompétents ?" les utilisateurs ?" ne parlent pas le même langage et peinent à communiquer. Des médiateurs et des traducteurs sont parfois nécessaires. Et pas seulement en phase de conception ou d'implantation de l'outil. Même en période de croisière, les efforts de traduction doivent demeurer importants. En effet, par les multiples communications formelles et informelles, internes et externes, que suscitent ses usages, le système d'information constitue une infrastructure relationnelle déterminante dans la construction de la culture et de l'image de l'entreprise.Des effets structurants sur l'organisation
Il est faux de penser qu'un système d'information soit un simple outil, sans effets structurants sur l'organisation qui l'utilise. Généralement, le progiciel modifie les structures hiérarchiques et fonctionnelles, ainsi que les champs de compétences des métiers (par exemple, le middle management est de plus en plus sollicité sur des tâches administratives). Il s'ensuit de longues négociations, parfois qualifiées de ' résistances au changement ', mais qui constituent aussi un temps fort de la délibération autour de ce qu'est l'entreprise : ses valeurs, son métier, son projet. En expliquant les principes et les modes de fonctionnement du PGI, chaque spécialité professionnelle cherche à préciser ce que doit être l'organisation, ainsi que la place qu'elle doit y occuper. Ainsi, en promouvant l'automatisation des chaînes comptables, les services financiers peuvent davantage se consacrer aux activités décisionnelles.Des spécialistes de la communication, de la traduction, et de la négociation autour des projets de PGI sont donc plus que jamais nécessaires afin d'assurer la médiation entre l'outil et ses usages. Des ingénieurs ou des architectes du système d'information bien sûr, mais aussi des ergonomes et des urbanistes.(*) L'auteur exprime ses remerciements à Olivier Marcant, enseignant chercheur informatique à lIUT de Tarbes, et à Muriel Martinez, responsable conduite du changement ERP à la SNCF.
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