Philippe Martin et Janick Taillandier (RATP) : ' nous passons d'une culture d'ingénieurs à celle de service '
Comment acheminer soixante millions de voyageurs supplémentaires par an avec les mêmes infrastructures ? La régie répond à ce défi en automatisant l'exploitation. Et renonce pour ce faire à toute délocalisation de son informatique.
La fréquentation du métro progresse de 2 % par an. Comment les systèmes d'information peuvent-ils aider à gérer ce flux croissant ?
Philippe Martin : C'est en effet notre défi majeur. Le nombre de nos clients a augmenté de plus de 11 % en dix ans. Ce qui signifie que nous enregistrons chaque année quelque soixante millions de voyageurs supplémentaires. Pour faire face à de tels volumes, nous comptons passer à un système d'exploitation entièrement informatisé, qui facilitera un contrôle continu de la vitesse sur le réseau. Et autorisera une réduction des intervalles de temps entre les trains. Sur le réseau RER, aux heures de pointe, ils se succèdent toutes les deux minutes. Et sur la ligne 13 du métro, ce type de système est attendu d'ici à 2010. Le temps d'attente entre chaque rame sera alors limité à quatre-vingt-dix secondes. Ce sera l'aboutissement d'un chantier technologique entamé voici plusieurs années.A l'étude des projets technologiques de la RATP, ce qui surprend, c'est justement les délais de leur mise en ?"uvre. Comment expliquez-vous cela ?
J.T. : Notre entreprise accueille chaque jour près de dix millions de clients. Peu de structures ont une taille comparable. Cela nous oblige à être très prudents quand nous procédons à des évolutions technologiques. En effet, leur installation doit se dérouler sans panne et sans interruption de service. Cette approche nous interdit l'à-peu-près, et explique que nous préférons prendre notre temps. A titre indicatif, un bus s'amortit sur quinze ans, et il faut compter plutôt quarante ans pour un métro.
P.M. : Pour plaisanter, nous disons que nous ne savons pas faire ' vite et assez bien '. Nous revendiquons ce souci de grande qualité. Pour l'heure, il faut compter un délai moyen de quatre ans entre la prise de décision concernant un service et sa mise en application effective, et de un à deux ans pour une évolution majeure. Nous voulons réduire ces délais pour répondre aux attentes des clients, qui évoluent de plus en plus vite.Comment prenez-vous en compte ces attentes des usagers ?
J.T. : Une fois les technologies installées, c'est une question d'imagination. Ainsi, afin d'informer les voyageurs, nous réutilisons les données transmises via le site internet ou les écrans placés sur les quais. Comme elles sont numériques, on les envoie aisément sur des mobiles, par connexion WAP ou par SMS. Ces services sont créés par l'équipe de veille marketing du service commercial, en partenariat avec les personnes de la DSIT en charge de la veille technique ainsi que du suivi des produits. Par ailleurs, nous recourons aussi souvent que possible aux progiciels.Qu'attendez-vous de votre direction informatique ?
P.M. : Essentiels à l'exploitation de notre activité, les systèmes d'information sont au c?"ur de notre métier. Chaque jour, du fait de travaux sur la chaussée ou de manifestations, des dizaines de lignes de bus sont déviées. Il nous faut les suivre et recomposer leurs trajets. Idem pour la gestion des personnels et des matériels. Nous devons gérer la rotation d'équipes selon les absences, maladies et formation, car l'entreprise fonctionne pratiquement 24 h/24. Il revient à la direction des systèmes d'information et des télécommunications (DSIT) de fluidifier le tout. Nous achèverons le 1er janvier 2007 l'intégration dans un PGI unique de notre parc applicatif de gestion des ressources humaines. Près de sept ans ont été requis pour achever ce projet, qui remplace des solutions superposées depuis trente ans.Quelle incidence aura cette nouvelle gestion des ressources humaines sur l'organisation de la RATP ?
P.M. : Grâce à elle, nous pourrons adopter un mode managérial plus décentralisé. En simplifiant la chaîne hiérarchique à trois échelons principaux : la direction générale, les dix-huit directeurs de département (RER, Bus, DSIT, Communication...), puis les responsables d'unités (lignes de métro, centres de bus). Chaque niveau accédera aux données de ressources humaines de son périmètre, facilitant ses décisions par la connaissance des compétences et disponibilités des équipes. Cette gestion au plus près du terrain devrait s'avérer humainement profitable. En ce qui concerne l'organisation, l'objectif est d'approcher les performances observées ailleurs : c'est-à-dire de gagner environ 20 % en productivité sur la fonction ressources humaines.L'état-major de la RATP est surtout formé d'ingénieurs. Est-il plus facile de parler technique avec eux ?
J.T. : Certes, la maison est marquée par une forte culture d'ingénieurs. Mais nous constatons tous les jours qu'elle évolue vers une logique de service. Il ne s'agit donc plus seulement d'élaborer un bel outil technique. Mais plutôt de chercher un bon service qui s'appuie sur une belle solution technique.Justement, comment naît un nouveau chantier technologique ?
J.T. : Cela vient le plus souvent d'une direction métier. Imaginons que la direction marketing veuille disposer d'un nouveau type de base de données. Elle doit d'abord exprimer clairement son besoin. Pour satisfaire sa demande, nous lui soumettons des solutions ainsi qu'un devis, qu'elle est libre d'accepter ou de refuser ?" sachant qu'elle peut éventuellement nous mettre en concurrence avec des prestataires externes. Conjointement avec le responsable du marketing, nous défendrons le projet devant la direction générale. Si elle donne son accord, ce développement sera financé sur le budget du marketing.La RATP s'est-elle fait une religion en matière de logiciels ?
J.T. : Nous nous appuyons beaucoup sur les logiciels libres. L'internet, l'intranet et les modalités de gestion des équipements des stations de métro (escalators, tourniquets, etc.) sont fondés sur des solutions libres développées par des sociétés de services. Nous ne souhaitions pas dépendre des politiques commerciales des éditeurs et tenions à garder une réelle maîtrise de nos équipements. Au bout du compte, cela revient moins cher. J'apprécie surtout de n'envisager des évolutions de logiciels que lorsqu'elles s'avèrent strictement indispensables. Et enfin, cela marche très bien !Comment gérez-vous la sécurité des systèmes d'information ?
P.M. : Nous avons défini il y a trois ans une instruction générale en matière de sécurité des systèmes d'information (SSI). C'est une sorte de loi interne qui s'impose à tous, et régit tant la gestion des mots de passe que les conditions d'utilisation des systèmes d'information dans l'entreprise. Cette politique est coordonnée par un responsable de la SSI rattaché à la direction générale, et sur lequel le DSI n'a pas de pouvoir. Il conduit régulièrement des tests d'intrusion, soit avec des équipes en interne, soit avec l'aide de prestataires spécialisés. Des correspondants SSI ont été désignés dans tous les services. Et, à titre de précaution, nous avons écarté l'usage des assistants personnels du type Blackberry.
J.T. : Outre l'intégrité de nos réseaux dans le cadre du bon fonctionnement quotidien de notre activité de transport, nous assurons de plus en plus la protection de notre savoir-faire. Fréquemment en compétition dans des appels d'offres internationaux, notamment pour exporter nos compétences en matière d'ingénierie, nous devons nous protéger de la curiosité de nos concurrents.Vous commercialisez donc également à l'exportation vos technologies de l'information ?
P.M. : Oui, c'est notre filiale Systra qui se charge de cette tâche.La RATP présente la particularité d'être son propre opérateur de télécommunications. En quoi cela consiste-t-il ?
P.M. : En effet, nous sommes notre propre prestataire pour l'ensemble des télécommunications : voix, images et données. Et cela, tant pour le réseau filaire que pour la radio. Chaque bus bénéficie d'un accès voix et d'une liaison GPS, facilitant sa localisation instantanée. Et, dès la fin de l'année 2007, tout le réseau du métro se trouvera couvert par le GSM. Nous avons également mis en place des antennes qui offrent, sur le principe de l'itinérance, un accès égal à tous les opérateurs de téléphonie mobile, sur la base d'un tarif forfaitaire indépendant du volume de consommation. En clair, nous ne touchons pas de pourcentage sur le nombre de communications échangées sur le réseau mobile du métro. C'est avant tout un service supplémentaire pour nos clients.Le Wi-Fi est-il à l'ordre du jour ?
J.T. : Nous sommes capables de proposer des connexions en Wi-Fi à nos clients dans certains points du métro. Et avons procédé à des tests sur les lignes A du RER et 38 du bus. Mais il n'est pas envisagé de le déployer sur tout le réseau. D'une part, parce que les usagers n'ont pas vocation à rester dans le métro. Et, d'autre part, car il n'existe pas de modèle économique pertinent en la matière.En revanche, vous vous montrez grands consommateurs de technologies radio, entre autres avec le réseau Tetra...
J.T. : Tetra constitue notre nouveau réseau de radio privée numérique. Il s'avère d'ores et déjà opérationnel sur la ligne 13, et deux autres lignes devraient bientôt suivre. Il équipera 4 000 bus d'ici à 2010. Progressivement, ce système viendra se substituer aux sept réseaux existants, qui remontent déjà à une vingtaine d'années. Il simplifiera considérablement les communications radio sur le réseau RATP.Comment est bâti votre dispositif de vidéosurveillance ?
P.M. : A la fin de l'année 2007, nous disposerons dans notre flotte de 4 000 bus d'un maillage de 17 000 caméras, et de 6 500 dans le métro et le RER. Pour ces dernières, nous conservons les images pendant soixante-douze heures.Quand on parle de technologie à la RATP, on évoque naturellement la carte sans contact Navigo. Où en est ce chantier ?
P.M. : C'est un succès, avec près de deux millions de porteurs, et entre quatre et dix mille nouveaux abonnés chaque semaine. Nous avons signé des partenariats avec des banques (CIC-Crédit Mutuel) pour tester le rechargement des passes sur leurs distributeurs de billets, et équipons nos 1 600 buralistes de dispositifs analogues. Avant d'envisager le possible paiement par le biais d'un téléphone mobile.Mais l'essentiel de la technologie vise surtout à gérer les flux de voyageurs ?
J.T. : Il s'agit de notre principale préoccupation. Comment transporter toujours plus de monde avec les mêmes infrastructures ? Cela passe notamment par l'automatisation complète du système d'exploitation. A cet effet, la technologie de Siemens, déjà employée pour la ligne 14, sera appliquée à la ligne 1, la plus chargée de notre réseau, pour une entrée en service en 2011. Cela favorisera une réduction des délais entre les trains, une diminution du parc de matériels roulants et une adaptation plus fine du trafic en fonction du nombre de voyageurs. L'automatisation d'une ligne en activité, sans interruption de service, représente une première mondiale. Jusqu'à présent, on se contentait de créer de nouvelles lignes, automatisées dès l'origine.Où en est le chantier sur le contrôle continu de la vitesse des trains, qui a connu plusieurs années de retard ?
P.M. : Il compte, il est vrai, environ trois années de retard. Nous devrions en principe recevoir cet équipement pour la fin 2010, avec un déploiement l'année suivante. C'était prévu initialement pour ce mois de janvier. Il devrait d'abord être mis en service sur la ligne 13, particulièrement encombrée. Alcatel a obtenu ce marché de 46 millions d'euros. Mais ce retard s'explique notamment par le fait que, si l'architecture de la solution paraît plutôt bonne, il leur faut désormais revoir l'écriture d'un logiciel critique de sécurité très complexe. Cela correspond à notre souci de n'utiliser que des outils dont l'efficacité a été éprouvée. Quitte à prendre un peu plus de temps.Vous avez également choisi de faire réintégrer en France les sous-traitants d'Alcatel...
J.T. : Afin que les délais soient respectés et que nous puissions travailler en étroite collaboration avec ceux qui élaborent ces systèmes, nous avons en effet demandé à Alcatel que l'équipe en charge de l'élaboration des logiciels d'exploitation soit désormais installée à Paris. Et non plus au Canada, où la culture ferroviaire diffère de la nôtre. C'est une condition que nous avons fixée à Alcatel pour qu'il puisse poursuivre le projet. Un projet dont nous entendons accompagner au plus près la progression, dans l'intention de respecter le délai annoncé publiquement.N'avez-vous pas été tentés de tout réaliser en interne ?
J.T. : Non, les développements informatiques sont presque tous externalisés. Sinon, il faudrait doubler les effectifs ?" ce qui est inenvisageable. Quelques développements en interne nous aident à maîtriser les technologies, et pour le reste nous nous concentrons sur la maîtrise du système d'information et de son architecture. Ainsi, dans le cadre de la refonte de notre système d'information des ressources humaines, nous avons mis à contribution une centaine de prestataires.A quoi ressemblera la DSI de la RATP de demain ?
J.T. : Cette entité connaît une période de rajeunissement. L'âge moyen se rapproche aujourd'hui de quarante ans. A la fin des années 90, il était plutôt aux environs de quarante-cinq. Et même si nous ne sommes pas très compétitifs du point de vue salarial par rapport à la plupart des SSII ou des grands groupes, nous attirons des candidats intéressés par l'ampleur de nos projets. D'autant plus que, désormais, on peut envisager de faire carrière dans le groupe à partir de la DSI, en intégrant par la suite d'autres métiers de l'entreprise.
Philippe Martin : C'est en effet notre défi majeur. Le nombre de nos clients a augmenté de plus de 11 % en dix ans. Ce qui signifie que nous enregistrons chaque année quelque soixante millions de voyageurs supplémentaires. Pour faire face à de tels volumes, nous comptons passer à un système d'exploitation entièrement informatisé, qui facilitera un contrôle continu de la vitesse sur le réseau. Et autorisera une réduction des intervalles de temps entre les trains. Sur le réseau RER, aux heures de pointe, ils se succèdent toutes les deux minutes. Et sur la ligne 13 du métro, ce type de système est attendu d'ici à 2010. Le temps d'attente entre chaque rame sera alors limité à quatre-vingt-dix secondes. Ce sera l'aboutissement d'un chantier technologique entamé voici plusieurs années.A l'étude des projets technologiques de la RATP, ce qui surprend, c'est justement les délais de leur mise en ?"uvre. Comment expliquez-vous cela ?
J.T. : Notre entreprise accueille chaque jour près de dix millions de clients. Peu de structures ont une taille comparable. Cela nous oblige à être très prudents quand nous procédons à des évolutions technologiques. En effet, leur installation doit se dérouler sans panne et sans interruption de service. Cette approche nous interdit l'à-peu-près, et explique que nous préférons prendre notre temps. A titre indicatif, un bus s'amortit sur quinze ans, et il faut compter plutôt quarante ans pour un métro.
P.M. : Pour plaisanter, nous disons que nous ne savons pas faire ' vite et assez bien '. Nous revendiquons ce souci de grande qualité. Pour l'heure, il faut compter un délai moyen de quatre ans entre la prise de décision concernant un service et sa mise en application effective, et de un à deux ans pour une évolution majeure. Nous voulons réduire ces délais pour répondre aux attentes des clients, qui évoluent de plus en plus vite.Comment prenez-vous en compte ces attentes des usagers ?
J.T. : Une fois les technologies installées, c'est une question d'imagination. Ainsi, afin d'informer les voyageurs, nous réutilisons les données transmises via le site internet ou les écrans placés sur les quais. Comme elles sont numériques, on les envoie aisément sur des mobiles, par connexion WAP ou par SMS. Ces services sont créés par l'équipe de veille marketing du service commercial, en partenariat avec les personnes de la DSIT en charge de la veille technique ainsi que du suivi des produits. Par ailleurs, nous recourons aussi souvent que possible aux progiciels.Qu'attendez-vous de votre direction informatique ?
P.M. : Essentiels à l'exploitation de notre activité, les systèmes d'information sont au c?"ur de notre métier. Chaque jour, du fait de travaux sur la chaussée ou de manifestations, des dizaines de lignes de bus sont déviées. Il nous faut les suivre et recomposer leurs trajets. Idem pour la gestion des personnels et des matériels. Nous devons gérer la rotation d'équipes selon les absences, maladies et formation, car l'entreprise fonctionne pratiquement 24 h/24. Il revient à la direction des systèmes d'information et des télécommunications (DSIT) de fluidifier le tout. Nous achèverons le 1er janvier 2007 l'intégration dans un PGI unique de notre parc applicatif de gestion des ressources humaines. Près de sept ans ont été requis pour achever ce projet, qui remplace des solutions superposées depuis trente ans.Quelle incidence aura cette nouvelle gestion des ressources humaines sur l'organisation de la RATP ?
P.M. : Grâce à elle, nous pourrons adopter un mode managérial plus décentralisé. En simplifiant la chaîne hiérarchique à trois échelons principaux : la direction générale, les dix-huit directeurs de département (RER, Bus, DSIT, Communication...), puis les responsables d'unités (lignes de métro, centres de bus). Chaque niveau accédera aux données de ressources humaines de son périmètre, facilitant ses décisions par la connaissance des compétences et disponibilités des équipes. Cette gestion au plus près du terrain devrait s'avérer humainement profitable. En ce qui concerne l'organisation, l'objectif est d'approcher les performances observées ailleurs : c'est-à-dire de gagner environ 20 % en productivité sur la fonction ressources humaines.L'état-major de la RATP est surtout formé d'ingénieurs. Est-il plus facile de parler technique avec eux ?
J.T. : Certes, la maison est marquée par une forte culture d'ingénieurs. Mais nous constatons tous les jours qu'elle évolue vers une logique de service. Il ne s'agit donc plus seulement d'élaborer un bel outil technique. Mais plutôt de chercher un bon service qui s'appuie sur une belle solution technique.Justement, comment naît un nouveau chantier technologique ?
J.T. : Cela vient le plus souvent d'une direction métier. Imaginons que la direction marketing veuille disposer d'un nouveau type de base de données. Elle doit d'abord exprimer clairement son besoin. Pour satisfaire sa demande, nous lui soumettons des solutions ainsi qu'un devis, qu'elle est libre d'accepter ou de refuser ?" sachant qu'elle peut éventuellement nous mettre en concurrence avec des prestataires externes. Conjointement avec le responsable du marketing, nous défendrons le projet devant la direction générale. Si elle donne son accord, ce développement sera financé sur le budget du marketing.La RATP s'est-elle fait une religion en matière de logiciels ?
J.T. : Nous nous appuyons beaucoup sur les logiciels libres. L'internet, l'intranet et les modalités de gestion des équipements des stations de métro (escalators, tourniquets, etc.) sont fondés sur des solutions libres développées par des sociétés de services. Nous ne souhaitions pas dépendre des politiques commerciales des éditeurs et tenions à garder une réelle maîtrise de nos équipements. Au bout du compte, cela revient moins cher. J'apprécie surtout de n'envisager des évolutions de logiciels que lorsqu'elles s'avèrent strictement indispensables. Et enfin, cela marche très bien !Comment gérez-vous la sécurité des systèmes d'information ?
P.M. : Nous avons défini il y a trois ans une instruction générale en matière de sécurité des systèmes d'information (SSI). C'est une sorte de loi interne qui s'impose à tous, et régit tant la gestion des mots de passe que les conditions d'utilisation des systèmes d'information dans l'entreprise. Cette politique est coordonnée par un responsable de la SSI rattaché à la direction générale, et sur lequel le DSI n'a pas de pouvoir. Il conduit régulièrement des tests d'intrusion, soit avec des équipes en interne, soit avec l'aide de prestataires spécialisés. Des correspondants SSI ont été désignés dans tous les services. Et, à titre de précaution, nous avons écarté l'usage des assistants personnels du type Blackberry.
J.T. : Outre l'intégrité de nos réseaux dans le cadre du bon fonctionnement quotidien de notre activité de transport, nous assurons de plus en plus la protection de notre savoir-faire. Fréquemment en compétition dans des appels d'offres internationaux, notamment pour exporter nos compétences en matière d'ingénierie, nous devons nous protéger de la curiosité de nos concurrents.Vous commercialisez donc également à l'exportation vos technologies de l'information ?
P.M. : Oui, c'est notre filiale Systra qui se charge de cette tâche.La RATP présente la particularité d'être son propre opérateur de télécommunications. En quoi cela consiste-t-il ?
P.M. : En effet, nous sommes notre propre prestataire pour l'ensemble des télécommunications : voix, images et données. Et cela, tant pour le réseau filaire que pour la radio. Chaque bus bénéficie d'un accès voix et d'une liaison GPS, facilitant sa localisation instantanée. Et, dès la fin de l'année 2007, tout le réseau du métro se trouvera couvert par le GSM. Nous avons également mis en place des antennes qui offrent, sur le principe de l'itinérance, un accès égal à tous les opérateurs de téléphonie mobile, sur la base d'un tarif forfaitaire indépendant du volume de consommation. En clair, nous ne touchons pas de pourcentage sur le nombre de communications échangées sur le réseau mobile du métro. C'est avant tout un service supplémentaire pour nos clients.Le Wi-Fi est-il à l'ordre du jour ?
J.T. : Nous sommes capables de proposer des connexions en Wi-Fi à nos clients dans certains points du métro. Et avons procédé à des tests sur les lignes A du RER et 38 du bus. Mais il n'est pas envisagé de le déployer sur tout le réseau. D'une part, parce que les usagers n'ont pas vocation à rester dans le métro. Et, d'autre part, car il n'existe pas de modèle économique pertinent en la matière.En revanche, vous vous montrez grands consommateurs de technologies radio, entre autres avec le réseau Tetra...
J.T. : Tetra constitue notre nouveau réseau de radio privée numérique. Il s'avère d'ores et déjà opérationnel sur la ligne 13, et deux autres lignes devraient bientôt suivre. Il équipera 4 000 bus d'ici à 2010. Progressivement, ce système viendra se substituer aux sept réseaux existants, qui remontent déjà à une vingtaine d'années. Il simplifiera considérablement les communications radio sur le réseau RATP.Comment est bâti votre dispositif de vidéosurveillance ?
P.M. : A la fin de l'année 2007, nous disposerons dans notre flotte de 4 000 bus d'un maillage de 17 000 caméras, et de 6 500 dans le métro et le RER. Pour ces dernières, nous conservons les images pendant soixante-douze heures.Quand on parle de technologie à la RATP, on évoque naturellement la carte sans contact Navigo. Où en est ce chantier ?
P.M. : C'est un succès, avec près de deux millions de porteurs, et entre quatre et dix mille nouveaux abonnés chaque semaine. Nous avons signé des partenariats avec des banques (CIC-Crédit Mutuel) pour tester le rechargement des passes sur leurs distributeurs de billets, et équipons nos 1 600 buralistes de dispositifs analogues. Avant d'envisager le possible paiement par le biais d'un téléphone mobile.Mais l'essentiel de la technologie vise surtout à gérer les flux de voyageurs ?
J.T. : Il s'agit de notre principale préoccupation. Comment transporter toujours plus de monde avec les mêmes infrastructures ? Cela passe notamment par l'automatisation complète du système d'exploitation. A cet effet, la technologie de Siemens, déjà employée pour la ligne 14, sera appliquée à la ligne 1, la plus chargée de notre réseau, pour une entrée en service en 2011. Cela favorisera une réduction des délais entre les trains, une diminution du parc de matériels roulants et une adaptation plus fine du trafic en fonction du nombre de voyageurs. L'automatisation d'une ligne en activité, sans interruption de service, représente une première mondiale. Jusqu'à présent, on se contentait de créer de nouvelles lignes, automatisées dès l'origine.Où en est le chantier sur le contrôle continu de la vitesse des trains, qui a connu plusieurs années de retard ?
P.M. : Il compte, il est vrai, environ trois années de retard. Nous devrions en principe recevoir cet équipement pour la fin 2010, avec un déploiement l'année suivante. C'était prévu initialement pour ce mois de janvier. Il devrait d'abord être mis en service sur la ligne 13, particulièrement encombrée. Alcatel a obtenu ce marché de 46 millions d'euros. Mais ce retard s'explique notamment par le fait que, si l'architecture de la solution paraît plutôt bonne, il leur faut désormais revoir l'écriture d'un logiciel critique de sécurité très complexe. Cela correspond à notre souci de n'utiliser que des outils dont l'efficacité a été éprouvée. Quitte à prendre un peu plus de temps.Vous avez également choisi de faire réintégrer en France les sous-traitants d'Alcatel...
J.T. : Afin que les délais soient respectés et que nous puissions travailler en étroite collaboration avec ceux qui élaborent ces systèmes, nous avons en effet demandé à Alcatel que l'équipe en charge de l'élaboration des logiciels d'exploitation soit désormais installée à Paris. Et non plus au Canada, où la culture ferroviaire diffère de la nôtre. C'est une condition que nous avons fixée à Alcatel pour qu'il puisse poursuivre le projet. Un projet dont nous entendons accompagner au plus près la progression, dans l'intention de respecter le délai annoncé publiquement.N'avez-vous pas été tentés de tout réaliser en interne ?
J.T. : Non, les développements informatiques sont presque tous externalisés. Sinon, il faudrait doubler les effectifs ?" ce qui est inenvisageable. Quelques développements en interne nous aident à maîtriser les technologies, et pour le reste nous nous concentrons sur la maîtrise du système d'information et de son architecture. Ainsi, dans le cadre de la refonte de notre système d'information des ressources humaines, nous avons mis à contribution une centaine de prestataires.A quoi ressemblera la DSI de la RATP de demain ?
J.T. : Cette entité connaît une période de rajeunissement. L'âge moyen se rapproche aujourd'hui de quarante ans. A la fin des années 90, il était plutôt aux environs de quarante-cinq. Et même si nous ne sommes pas très compétitifs du point de vue salarial par rapport à la plupart des SSII ou des grands groupes, nous attirons des candidats intéressés par l'ampleur de nos projets. D'autant plus que, désormais, on peut envisager de faire carrière dans le groupe à partir de la DSI, en intégrant par la suite d'autres métiers de l'entreprise.
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