Pourquoi l’open data peine encore à convaincre les citoyens

La conférence sur l'open data organisée fin novembre par l'association Décider Ensemble, a mis en évidence combien il était complexe d'impliquer et de faire participer le citoyen autour de la libération des données publiques.
Libérer les données en ligne ne suffit pas. Il faut que les citoyens s’en emparent, les commentent, remontent leurs avis, bref participent à l’élaboration des politiques publiques menées par les collectivités. Or, c’est précisément cette appropriation par la société civile qui manque aujourd’hui. Une absence mise en évidence lors de la conférence organisée fin novembre par l’association Décider Ensemble, qui a publié un rapport sur l’état de l’open data en France. Comment expliquer cette défaillance, alors même que les gisements de données publiques dans l’Hexagone n’ont jamais été aussi riches ?
La France entre droit de savoir et droit de réutiliser

Comme l’explique Simon Chignard, vice-président de la Cantine numérique rennaise, la libération des données publiques repose, d’une part, sur le droit d’accès au matériau, c’est-à-dire le droit de savoir, et, d’autre part, sur le droit de réutilisation, qui sous-entend éventuellement une participation, une coproduction voire une contestation. « Or l’open data à la française hésite encore entre ces deux tendances que sont la transparence et la participation, rappelle Simon Chignard. Ces choix ont des répercussions concrètes sur la nature des informations ¬libérées par les collectivités. »
Ainsi, le site du département de Saône-et-Loire, une référence de transparence politique (qui affiche en détail budgets et subventions) ne voit pas ses informations exploitées par les administrés. « Les collectivités réalisent la difficulté à construire des données réutilisables. C’est-à-dire suffisamment robustes, fiables, et surtout utiles », confirme Laurence Monnoyer, professeure à l’université de technologie de Compiègne, et présidente du comité de pilotage de l’étude de Décider Ensemble.
Le risque d’une privatisation des données

Mais ce qui l’inquiète plus encore, c’est la menace que fait planer la privatisation des informations : certes, l’open data vise bien à favoriser le développement économique et l’émergence de nouveaux acteurs. Mais cette réutilisation ne doit pas être uniquement opérée par des acteurs privés et se traduire seulement par des offres commerciales. « Ces renseignements produits par l’Administration exigent un retraitement qui requiert une certaine expertise. Or, si celle-ci est assurée uniquement par les acteurs privés, les informations, qui deviendront alors payantes, ne « seront pas utilisées par les citoyens » redoute-t-elle.
Sans compter qu’une exploitation commerciale à outrance de ces silos publics risque de freiner les initiatives d’ouverture de certaines administrations, qui la jugeraient peu éthique. A noter que cette méfiance liée à l’exploitation privée des données ne s’exprime que dans les pays latins. « Dans la culture anglo-saxonne, de telles questions morales ne se posent pas, explique Simon Chignard. Ce qui est bon pour le développement économique l’est également pour la société dans son ensemble. »
Des idées générées par la demande citoyenne

Le remède miracle pour susciter la participation et l’investissement du citoyen n’existe pas. Pour autant, les collectivités seraient bien avisées de libérer d’autres éléments que ceux susceptibles de n’intéresser que le privé. « Par exemple, des informations culturelles liées aux catalogues de bibliothèques, imagine Laurence Monnoyer. D’autant que la demande citoyenne est susceptible de donner des idées de développement de services aux acteurs privés. »
Autre piste, inévitable : le déploiement par les collectivités d’un écosystème en ligne de médiation, de formation et de collaboration avec le citoyen. Comme le rappelle Jean Worms, engagé dans un projet de refonte des relations avec l’usager au conseil général des Deux-Sèvres, « la transparence des données n’est pas une fin en soi, c’est juste un passage obligé vers la participation. Les politiques publiques ne doivent plus être construites en vase clos sans aucun élément sur les attentes des usagers. L’open data doit changer cela. »
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