Pourquoi vos outils collaboratifs ne génèrent aucun gain de productivité

Si vos outils collaboratifs n'augmentent pas suffisamment la productivité de vos équipes, c'est avant tout car les facteurs d'improductivité se sont déplacé au niveau humain.
« On peut voir l’informatique partout à part dans les gains de productivité ». Cela fait plus de 20 ans que cette phrase lapidaire s’invite régulièrement dans les discussions sur la productivité de l’investissement informatique (et donc sa légitimité) et un minimum de bonne foi amène à reconnaitre que ça n’est pas sans raison. L’ordinateur, au début, puis les technologies de l’information nous ont indéniablement permis d’aller beaucoup plus vite. Mais, une fois un plateau atteint, il a bien fallu se rendre compte que « plus vite » ne signifie pas « plus productif ».
Travailler mieux ensemble
Plus l’information circule vite plus on en met en circulation. Au départ, la productivité, limitée par la vitesse de circulation de l’information, augmente. Puis le facteur limitant devient la capacité de traitement individuelle de chacun et on voit bien, aujourd’hui, que nous n’avons pas - ou peu - dépassé cette limite. Le goulot d’étranglement s’est déplacé sur l’individu et la seule manière de passer outre est d’en faire un enjeu collectif. Travailler mieux ensemble au lieu de travailler plus vite seul.
Et, là, force est de reconnaître qu’en dépit des progrès remarquables effectués par la technologie dans les 30 voire 50 dernières années, on a peu progressé. Il suffit de relire Peter Drucker pour comprendre qu’on a peu avancé depuis les années 50-60. Ce qui montre une fois de plus, que la productivité n’est plus affaire de technologie. Cette dernière peut nous aider à faire plus vite, mais il n’appartient qu’à nous de faire mieux. L’avancée ne peut être que collective, et la route est encore longue quand on sait à quel point les freins ici sont culturels, philosophiques, et touchent finalement à la zone de pouvoir, de sécurité, et, souvent, à l’égo de chacun.
Réinventer le travail pour faire mieux
On ne fera mieux qu’en réinventant le travail donc. Le travail de chacun mais surtout le travail du groupe, avec une forte perspective collective. L’entreprise collaborative n’est pas l’ajout d’une surcouche conversationnelle et communautaire à l’existant, mais la réinvention de l’existant. Là encore, les leçons du passé devraient nous alerter. Lorsque l’électricité a remplacé la vapeur dans les usines cela s’est fait sans gain de productivité significatif. La raison en est simple : la chaine de production n’était pas organisée en fonction du process de production, mais en fonction des besoins en énergie des machines. La transmission de l’énergie ayant toujours été mécanique jusque-là, les machines qui en avaient le plus besoin étaient les plus proches du générateur. Une contrainte qui est tombée avec l’électricité mais il a fallu 10 ans pour qu’on commence organiser les usines en fonction du flux de production. En attendant, on faisait plus vite, mais sans amélioration globale de la productivité.
C’est un peu ce qui se passe dans nos open space aujourd’hui. Nos processus de production, même concernant le « travail du savoir » datent de l’ère de la vapeur et rien ne nous rendra collectivement plus productifs que de les repenser pour l’ère de l’électricité.
Mobilité et pratiques improductives
Restent les outils de mobilité qui transforment l’espace-temps du travail et, eux entrainent une amélioration notable de la productivité. Enfin...devraient. Une étude édifiante du Center For Creative Leadership nous apprend deux choses. La première ne surprendra personne même si elle ne relève pas de notre propos ici : le matériel et les outils dont nous disposons aujourd’hui font le travail envahit la vie privée des collaborateurs. Plus intéressant, les collaborateurs ne blâment en aucune manière la technologie pour ces désagréments. Pour eux c’est la défaillance de l’organisation et du management qui fait que le travail les poursuit jusque chez eux. Des pratiques improductives persistent parce qu’on est désormais capable de prolonger le lieu et le temps de travail au-delà du bureau et des heures de bureau. Et tant que ces pratiques improductives subsisteront, la technologie ne servira qu’à étendre la journée de travail mais pas à augmenter le volume de travail effectif. Mathématiquement on en fait autant mais sur une période plus longue, ce qui ressemblerait presque à une baisse de productivité.
Tout cela pour tordre le cou à une idée souvent entendue et débattue lors de comités d’investissement ou de discussions budgétaires selon laquelle on n’a jamais vu le début de la contribution de l’informatique à la productivité. L’informatique a rendu les organisations plus productives jusqu’à déplacer les facteurs d’improductivité au niveau humain. Elle a tout le potentiel pour nous rendre plus productifs à l’avenir pourvu qu’entre temps on s’occupe des vrais problèmes actuels. Ceux qu’on ne résout pas en appuyant sur un bouton.