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Atos Origin a industrialisé la gestion de ses connaissances. Ainsi, les meilleures pratiques des JO d'hiver de Turin lui serviront à Pékin et sur d'autres grands projets.
Ce vendredi 10 février débutent les jeux Olympiques d'hiver à Turin. Pendant les 16 journées de compétitions, l'informatique va tourner à plein régime pour transmettre en temps réel résultats, statistiques, résumés, images et
informations sur les athlètes à des milliards de téléspectateurs et d'internautes. Atos Origin, l'intégrateur chargé des JO depuis 2002, n'a pas droit à l'erreur. Il dispose cette fois, d'un atout supplémentaire : une véritable gestion des
connaissances.
Un enjeu qui dépasse le cadre technique
Selon la SSII, 95 % des procédures opérationnelles et du savoir-faire des derniers JO d'été (Athènes en 2004) sont réutilisés à Turin. D'où l'intérêt d'industrialiser la capitalisation du savoir d'un jeu à l'autre. Elle évite de
réinventer la roue tous les quatre ans. Elle fait aussi gagner du temps. Exemple avec l'un des thèmes les plus sensibles : la stratégie de sécurité. Définie un an et demi avant les Jeux, elle compte désormais plus de 500 scénarios de
dysfonctionnement et d'attaque ?" tous ont été testés dans les temps. Des séries de tests techniques et d'intégration ont été effectuées un an à l'avance. Au c?"ur du dispositif de gestion des connaissances (ou KM, pour knowledge
management), on retrouve une base alimentée et consultée par l'équipe informatique avant, pendant et après les Jeux. Un véritable travail de romain.Tout ce qui est inhérent au projet informatique des JO est susceptible d'enrichir la base de connaissances. Les informations sont collectées après chacune des six phases qui structurent le déroulé du projet. En amont, sont d'abord
triées toutes les informations concernant les discussions avec le CIO (Comité olympique international), les contrats entre partenaires et sponsors... Ensuite toutes les étapes sont prises en compte : développement des applications, tests
techniques et sur site, répétitions techniques, et, enfin, déroulement des Jeux. Le processus de collecte des données est lancé trois à quatre jours après chaque phase.Toutefois, la motivation pour faire remonter des informations et à les qualifier varie selon les étapes et la disponibilité des hommes. Claude Philipps, DSI et directeur du programme jeux Olympiques chez Atos Origin, déplore un faible
retour d'expérience lors des phases de tests multisports (applications transverses). ' Les informaticiens n'ont pas considéré comme très importante la démarche de gestion des connaissances. En revanche, les opérations de tests
sur les autres applications génèrent beaucoup plus de retours d'expérience. ' Et selon ses estimations, les équipes y consacrent, en moyenne, environ 10 jours sur les 400 jours de travail correspondant à la durée du projet
informatique.
L'indispensable autorité des responsables KM
Claude Philipps a décidé de nommer un responsable KM dans chacun des quatre groupes de travail (Sécurité, Intégration et technique, Intégration de systèmes, et Opérationnel). Et cela, pour optimiser la capitalisation du savoir-faire.
Ces personnes, toutes volontaires, sont de bons rédacteurs, clairs dans leur tête, faisant preuve d'un minimum d'autorité. Car il faut le plus souvent pousser les consultants, architectes et autres ingénieurs à qualifier, juger et classer leurs
informations. Ce qui n'avait pu être réalisé dans le passé. En fait, la base de connaissances a été créée lors des JO d'Athènes, mais sans gestion optimisée. Le seul responsable KM nommé a eu du mal à s'imposer auprès des équipes. Il lui fallait en
outre établir les plannings.Le responsable doit donc mener une véritable ' chasse à l'homme ' pour obtenir ce résultat. ' Il faut inciter les intervenants à formaliser leur retour
d'expérience. Ne serait-ce que pour signaler que tout s'est bien passé lors d'une opération ', reconnaît Claude Philipps. ' Nous avons déjà référencé une soixantaine de documents liés à la
sécurité, se félicite Yan Noblot, le responsable du groupe Sécurité. Ce qui permet de bâtir de nouveaux scénarios pour les prochains Jeux. 'Dans son groupe, c'est l'architecte sécurité qui joue le rôle de Monsieur KM. Dans la division Intégration et technique, c'est le manager ; dans le groupe Intégration des systèmes, c'est la responsable adjointe du laboratoire de
tests ; et dans le groupe Opérationnel, c'est le responsable de la formation. ' J'ai choisi des personnes qui avaient envie de parler aux équipes ', évoque le DSI. Cette mission s'ajoute à leurs
fonctions au sein du groupe de travail. La collecte et le tri occupent en moyenne 20 % du temps des responsables KM. Tout le monde est tenu de participer à cette capitalisation du savoir-faire. Même le management. Que ce soit le DSI, qui gère
les projets des JO depuis 1999, ou Frédéric Wojciechowski, directeur de l'intégration des systèmes, qui a participé à huit éditions des jeux Olympiques.
Un recueil de bonnes et mauvaises pratiques
La base de gestion de connaissances, de facture classique, s'appuie sur un classement selon trois axes : rubrique ou mots-clés, rôle ou fonction dans le projet, et, enfin, phase du projet. Une taxinomie de 40 mots-clés a été mise
au point, recouvrant, entre autres, les thèmes de la logistique, des réseaux, ou encore du laboratoire d'intégration. Sous l'entrée ' logistique ', sont représentés tous les cas de figure pouvant
survenir lors des tests techniques, effectués principalement de nuit. Comme ne pas oublier de commander des repas. Ce qui est déjà arrivé !Une fois les informations remontées par les équipes, le rôle du responsable KM consiste à préciser et à classer le commentaire en le qualifiant. Quatre grandes rubriques ont été définies à cet effet. Elles s'étendent des bonnes
pratiques à celles à éviter. Parmi les bonnes référencées, on trouve l'organisation des ' quarts ' (travail en postes 3 x 8) avant et pendant les Jeux, avec des précisions sur le droit social
du pays qui accueille les JO.Autre meilleure pratique référencée : le ' master plan ', qui décline toutes les étapes à suivre pour bâtir le projet avec le Comité olympique international et les partenaires non
expérimentés, et précise quel niveau de détail doit être inclus ou non dans ce plan.' Nous avons beaucoup travaillé sur cette pratique afin de ne pas être bureaucratiques dans nos relations avec nos partenaires. Sans non plus avoir à pâtir trop lourdement d'un retard de
livraison ', affirme Claude Philipps. Dans la série ' reproductible ' : les tests d'homologation, qui regroupent toutes les techniques de recettage pour chaque sport,
destinés aux fédérations sportives. Dans la série ' à éviter ', le retard dans les cours d'e-learning. Lancés trop tardivement, ils ont pénalisé les équipes qui n'ont pu se former correctement. Les
autres types de classement permettent une recherche par rôle ou par phase de projet. Dans le premier cas, un expert réseau récupère les bonnes pratiques dans son domaine d'expertise, dans le second, il sélectionne tout ce qui concerne la conception
d'un réseau.
Un outil de partage et de transfert de savoir
' Dès qu'un changement arrive, nous consultons la base de connaissances pour voir si c'est faisable, et pas trop coûteux ', relève Claude Philipps. Ces connaissances sont accessibles via
un intranet, et partagées entre les équipes informatiques de Turin, les 350 experts de la division Major Events, basée à Barcelone, et les équipes d'Atos Origin, actuellement en Chine pour préparer les futurs JO de Pékin. Ce site intranet existe
depuis les JO d'Athènes, mais a été optimisé depuis. Il fournit en temps réel des solutions aux problèmes rencontrés lors des Jeux. Il sert également au transfert de technologies, clause incluse dans le contrat signé entre Atos Origin et le Comité
olympique.' Notre dispositif KM a atteint cette année la phase d'industrialisation ', confirme le DSI. En témoignent le taux élevé de réponses et la motivation des équipes. Celle-ci est fonction
des informaticiens, selon qu'ils ont bénéficié ou, au contraire, manqué d'une bonne pratique à un moment clé du projet. ' Nous avons beaucoup insisté auprès des groupes de travail sur l'importance du partage d'information et
sur la nécessité de remplir cette base de données ', conclut Claude Philipps. A 15 jours des JO, le DSI estime que 75 à 80 % de l'équipe en place ?" une centaine de personnes ?" a joué le jeu. Une première
manche remportée pour Atos Origin. Reste à concrétiser pendant les épreuves !c.burger@01informatique.presse.fr
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