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La création d'un droit propre à l'économie numérique semble être acquis. Mais son contenu continue de susciter des remous auprès des professionnels du secteur et des internautes.
Entre audiovisuel et internet, la séparation est consommée. Aux yeux des parlementaires, ces deux médias étaient jusqu'à présent liés dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN). Pour le gouvernement et
Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, c'était pratique, car la réglementation de l'audiovisuel, son code de conduite, et son autorité de régulation étaient prêts à assurer le contrôle des échanges numériques. Au grand dam de toute
l'industrie des télécommunications, des professionnels de la vente à distance, des hébergeurs, des associations de consommateurs ou des internautes, voire des collectivités locales. Cette vision a complètement changé les 7 et 8 janvier dernier, lors
de la discussion en deuxième lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale. Jean Dionis du Séjour, rapporteur du texte, l'a plaidée ' Il (existe) une véritable différence de nature entre les possibilités offertes à
l'internaute, et celles dont dispose l'auditeur de la radio ou le téléspectateur. On dénombre quarante millions de sites internet, contre quelques centaines de chaînes de télévision seulement. ' Convaincus, les députés ont
voté pour la création d'un droit spécifique de l'internet, en le distinguant de l'univers de l'audiovisuel et de l'industrie du disque.
Les hébergeurs risquent de devenir des censeurs
La LEN devrait donc être le texte fondateur du droit de l'internet en France. Devrait parce que, si les syndicats professionnels de l'internet, des télécoms et les associations d'internautes n'y sont pas opposés par principe, ils
n'acceptent pas le contenu de certaines dispositions qui dérangent ou restent obscures. Pour les opérateurs de télécoms, c'est un texte fourre-tout, sans cohérence, et qui perturbera l'équilibre concurrentiel actuel (articles 37 bis, quarter, sexies
et septies). ' Dans le magma des articles votés par les députés, se trouvent des mesures très inquiétantes pour la liberté d'expression sur internet ', préviennent aussi les associations d'internautes,
comme la ligue Odebi. Cette dernière voit là l'influence de l'industrie du disque, ' prête à tout pour endiguer les échanges illégaux de fichiers musicaux '. Et, elle accuse les fournisseurs d'accès à
internet (FAI) de ' faire du téléchargement un argument de vente pour le haut débit '. Reporters sans frontières (RSF) s'insurge du caractère
' liberticide ' de l'article 2 bis, qui ' érige les hébergeurs en véritables censeurs du net, puisque ces entreprises privées devraient se substituer au juge dans
l'appréciation de la légalité des contenus en ligne '. Ce que dramatise l'Association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA), prédisant ' la fin de l'internet en
France '. Au-delà de cette outrance, les fournisseurs d'accès ne veulent absolument pas ' contrôler ou limiter les allées et venues sur internet de tous les citoyens, ou les informations qu'ils
échangent. Ce rôle de contrôle relevant, le cas échéant, des seuls pouvoirs publics '.
Le gouvernement veut aller trop vite
Au regard de cette fougue, les commerçants électroniques sont plus modérés. Certes, plusieurs demandes de la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad) ont été satisfaites, portant, par exemple, sur la prospection par
e-mail (article 12) ou la conclusion des contrats (article 14). Marc Lolivier, délégué général de cette fédération, déplore, toutefois, les nombreux flous du régime transitoire, des fichiers clients ou concernant les contraintes qui pèsent sur les
entreprises. Gérard Ladoux, délégué général de l'Association pour le commerce et les services en ligne (Acsel), dresse le même constat, tout en soulignant un alourdissement de leur responsabilité et des procédures pour l'ensemble des commerçants en
ligne.Le gouvernement veut aller vite la LEN a pour objet de transposer avec deux ans de retard la directive européenne du 8 juin 2000 (2000/31/CE) sur le commerce électronique et l'article 13 de la directive du 12 juillet
2002 (2002/58/CE) sur les données personnelles et les communications électroniques. Un premier essai avait été tenté par le gouvernement Jospin. Mais son projet de loi sur la société de l'information (LSI) avait dû être abandonné à la fin de la
dernière législature, après avoir effectué plusieurs navettes entre les deux chambres.
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