Quand Eric Woerth se penche sur les échanges entre SSII françaises et indiennes

Le député UMP est le coauteur d'un rapport sur la place de la France en Inde. Son analyse présente des partis pris contradictoires, entre protectionnisme et volonté de renforcer les échanges entre nos deux pays.
En mars 2011, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale confiait aux députés Eric Woerth (UMP) et Paul Giacobbi (PRG) une mission ayant pour « objectif d’étudier la place occupée par la France en Inde et de formuler des propositions visant à la renforcer ».
Publié le 18 janvier dernier, leur rapport laisse parfois pantois devant certains passages relatifs au secteur des nouvelles technologies. L’informatique, apprenons-nous, a attiré 8 % des investissements directs étrangers (IDE), qui s’élevaient à dix milliards d’euros pour les entreprises françaises en Inde sur la période 2008-2010.
Sur le tableau ci-dessous, les entreprises IT figurent parmi les principaux employeurs français du sous-continent avec, dans l’ordre d’importance de leur effectif, Capgemini, Alcatel-Lucent, Steria, STMicro, Orange et Dassault Systèmes. Des entreprises qui sont venues pour « trouver les ressources humaines indisponibles en Europe et répondre à la nécessité de ne pas être distancés par les concurrents mondiaux qui ont fortement recruté en Inde. »
Bien sûr, le recours à une main-d’œuvre à bas coût – « le rapport est de un à quatre en termes de coût salarial par rapport à la France » – n’est pas neutre dans leur choix. Mais l’Inde dispose aussi « de deux autres atouts majeurs pour servir le monde occidental : la langue et le réservoir d’informaticiens. »
Un seul employé français chez Capgemini India !

Capgemini est l’exemple le plus emblématique pour nos députés. La première SSII française y emploie aujourd’hui 35 000 personnes, « dont un seul Français (sic !) ». Soit le tiers de son effectif mondial. Au-delà du potentiel offshore de l'Inde, Capgemini capterait 1 % du marché domestique, avec « un chiffre d’affaires s’élevant à 25 millions d’euros ». Ce qui valoriserait le marché local à 2,5 milliards d’euros. Près de trois fois moins que les quelque 7 milliards d’euros (hors BPO) avancés par Gartner.
Les deux députés se sont penchés également sur la présence des Indiens en France. Et la balance n’est pas équilibrée. Avec 0,05 % des IDE (229 millions d’euros), l’Inde se positionne seulement au 65e rang des investisseurs étrangers en France en 2010. En cause : « L’image de notre pays en matière de droit du travail et de relations sociales. » A cela s’ajoutent les difficultés qu’éprouvent les groupes indiens à obtenir des visas pour leurs salariés.
Les rapporteurs regrettent cette faible implantation qui limite les contacts entre les deux mondes des affaires, tout en précisant plus loin que « si les barrières qui existent aujourd’hui tombent, il existe un risque non négligeable que les ingénieurs indiens soient recrutés au détriment du personnel qualifié local ». Que doit-on comprendre ?
Notons une autre contradiction dès la ligne suivante : « Il est très coûteux d’envoyer des Indiens sur le terrain européen, et les entreprises cherchent à recruter des Occidentaux pour la partie sur site client des services qu’ils rendent (sic !). Cela concerne plus de 200 000 emplois en France dans le secteur informatique. » Que recouvre ce chiffre de 200 000 emplois ?
Le Conseil présidentiel, cheval de Troie des Indiens ?

Pour fluidifier les échanges, les députés évoquent les instances de coopération entre nos deux pays. Paul Hermelin, directeur général de Capgemini, a pris la présidence du Comité France-Inde du Medef international en mai 2011. Bertrand Collomb, président d'honneur et administrateur du groupe Lafarge, et Narayana Murthy, cofondateur de la SSII Infosys partagent, eux, la tête du Conseil présidentiel franco-indien des entreprises (Indo-French CEOs Forum).
Mais ces lieux de rencontre « ne doivent pas être uniquement composés d’entreprises indiennes dont l’objet est de remporter des marchés au détriment des entreprises françaises ». A cet égard, le rapport estime que le Conseil présidentiel franco-indien « pourrait être un “cheval de Troie” au service des informaticiens indiens pour pénétrer le marché français ».
Il convient donc de trouver un juste équilibre entre une politique plus accueillante à l’égard des investisseurs indiens et la prudence que requiert l’arrivée de groupes désireux de remporter des marchés, voire de procéder à des acquisitions. Même « si de telles opérations d’achat paraissent peu probables dans le secteur informatique ».
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l'auteur
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. La contradiction a été exposée dans le "chapeau" de l'article. Le rapport regrette la faible implantation des groupes indiens en France limitant les contacts d'affaires tout exposant le risque, le paragraphe suivant, du recrutement d'informaticiens onshore au "détriment du personnel qualifié local". Quant à M. Woerth, ses réponses en commission (en toute fin de rapport) laissent apparaître une méconnaissance du fonctionnement des acteurs indiens (cf l'"affaire Wipro"). -
JFR @ OB
Bonjour,
Je comprends mal ce que vise à dénoncer l'article, et en quoi M. Woerth serait plus "en cause" que son co-rapporteur (ce que laisse entendre le titre...)
Par ailleurs, je ne comprends pas ce passage : "Notons une autre contradiction dès la ligne suivante : « Il est très coûteux d'envoyer des Indiens sur le terrain européen, et les entreprises cherchent à recruter des Occidentaux pour la partie sur site client des services qu'ils rendent (sic !)»"
Où est la contradiction ? Je crois comprendre qu'on est dans un modèle assez classique ou les collaborateurs français prennent en charge la partie frontale avec le client (relation commerciale, spécifications, suivi de projet, recette, mise en production...) tandis que les indiens sont orientés sur les tâches qui ne requiert pas la proximité (spécification techniques, architecture, développement, maintenance...). Bref une séparation front-end/back-end.
En l'occurrence, je crois comprendre que le rapport laisse augurer d'un potentiel gisement d'emploi en France sur la partie front-end, ce que je confirme, sans pour autant entériner le nombre annoncé (que je suis incapable d'évaluer).
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