Quand IDG se moque des clouds souverains à la française

Pourquoi la France s’est dotée de deux clouds souverains avec Numergy et CloudWatt ? Le cabinet d’études revient sur cette anomalie française et s’interroge. Combien de temps ce duopole va se maintenir ?
Un peu plus de deux ans après la création de Numergy et de CloudWatt, les deux clouds souverains français, IDG revient, dans un billet, sur cette exception hexagonale. Le cabinet d’études comprend la logique qui prévaut qu'un Etat se dote de fournisseurs nationaux sur cette technologie aussi sensible. Surtout depuis l'affaire Prism et les révélations d’Edward Snowden.
Avec un goût de déjà-vu. Déjà, dans les années 60, chaque pays européen se devait d’avoir son constructeur d’ordinateurs maison. Le Royaume-Uni avait ICL, la France Bull, les Pays-Bas Philips et Italie Olivetti. A l’époque, la commissaire européenne Neelie Kroes avait rappelé la nécessité pour le Vieux continent d’opposer des alternatives aux prestataires américains en position dominante.
Mais pourquoi deux champions nationaux chez nous ? Pour des raisons politiques avance IDG. Quand il a fallu, en 2012, attribuer les 150 millions d'euros du projet Andromède, le gouvernement français a choisit de ne pas choisir entre les deux consortiums en lice, chacun partant avec 75 millions d'euros. Avec, d’un côté, Numergy soutenu par Bull et SFR, et de l’autre CloudWatt avec Orange et Thales comme principaux actionnaires.
Pour Max Cooter, consultant d’IDG basé en Angleterre, « il est bien connu qu’en France il y a des liens étroits entre les grandes entreprises et le gouvernement. » Les capitaines d’industrie viennent souvent des mêmes écoles que les dirigeants politiques quand ils ne sont pas passés par la case ministères avant de pantoufler dans le privé. Comme ce fut le cas pour Thales, EDF ou Atos. L’alternance n’a pas changé la donne, l'administration Hollande poursuivant la même politique que celle de Nicolas Sarkozy.
Numergy a démarré plus fort que CloudWatt
Cité dans ce billet, Olivier Rafal, consultant pour le cabinet d’analyses PAC, note que l’arrivée de ces clouds publics, financés sur fonds publics, a créé une distorsion de concurrence sur le marché français du cloud. Tout en notant que Numergy a sorti plus rapidement son épingle du jeu, en bénéficiant de l’expertise cloud de SFR et un positionnement plus clair en direction des entreprises de services et des éditeurs de logiciels.
CloudWatt a dû, lui, construire une plate-forme qui n’entre pas en concurrence frontale avec celle de son actionnaire Orange. Le prestataire a aussi perdu du temps à tenter de bâtir une offre concurrente de Dropbox. Stratégie abandonnée depuis par nouveau PDG CloudWatt, Didier Renard.
Enfin, Numergy a adopté une stratégie internationale en créant avec Belgacom la Cloud Team Alliance, rejoints depuis par le néerlandais KPN et Portugal Telecom. Un embryon de cloud européen qui rappelle Global One, l'alliance créée en 1996 entre les opérateurs télécoms France Télécom, Deutsche Telekom et Sprint. En espérant une meilleure issue, l’alliance s’était terminée en 2000 après des années de pertes par le rachat de toutes les parts de Global One par France Télécom.
Si CloudWatt et Numergy ont connu des débuts différents, ils affichent aujourd’hui des stratégies proches. Le même jour, le 6 novembre dernier, les deux compères lançaient leurs clouds pour les professionnels de la santé. Combien de temps ce duopole va se maintenir ? Si le marché pousse les deux clouds à s’unir, Olivier Rafal note qu’ils disposent de financements leur permettant de faire encore cavaliers seuls pendant quatre ou cinq ans.
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