Quand le cloud accélère la mutation de La Poste

Mutualisation des infrastructures, virtualisation du poste de travail, réseau social reliant les 270 000 postiers? Le cloud est au coeur de la transformation du modèle économique de La Poste. Explications de son DSI, Michel Delattre.
Pour La Poste, le numérique est à la fois une menace et une fantastique opportunité. D’un côté, le mail et les réseaux sociaux taillent des croupières au courrier traditionnel. De l’autre, internet élargit le champ des possibles pour l’opérateur public qui, au cœur des échanges de biens et de services financiers, a un rôle unique à jouer.

Et pour compenser l’érosion du volume du courrier à raison d’une baisse de 7 à 8 % par an, La Poste mise sur les services innovants dans l’habitat connecté, le commerce en ligne ou la sécurisation des échanges comme le prévoit le plan stratégique "La Poste 2020", présenté en janvier dernier par Philippe Wahl, son PDG. Une branche du numérique a été créée dans ce sens au même titre qu’il existe une branche courrier ou banque.
Pour servir cette stratégie, il faut que l’informatique interne suive. Le mois dernier, Michel Delattre (photo), DSI du groupe, a expliqué combien le cloud est au cœur de la transformation du modèle économique de La Poste à l’occasion des Etats Généraux du Cloud, organisés par l’association EuroCloud. Sachant que le groupe emploie 5000 postiers dans la filière systèmes d’information pour un budget IT de 1,6 milliard d’euros.
« La Poste est déjà un offreur de services cloud »
S’il restera toujours une part de système d’information traditionnel incompressible (le SI legacy de La Banque Postale, par exemple), le SI de demain sera un immense cloud Michel Delattre. Privé, le groupe dispose de la taille critique suffisante, puis hybride pour s’ouvrir à ses partenaires. Le groupe recourra au cloud privé pour les applications sensibles tandis que d’autres domaines sont éligibles au cloud public comme la messagerie et les outils collaboratifs. « Il faut tenir compte des contraintes réglementaires, notamment dans la banque, assurer la confidentialité des données, gérer les habilitations, la réversibilité. »
La Poste utilise déjà des applications en mode SaaS comme Salesforce (CRM), SuccessFactors (RH) ou une plateforme de formation à distance. « L’évolution se fera au rythme des projets de refonte des SI de chaque branche », prévient Michel Delattre. Le DSI voit aussi dans le cloud la possibilité pour La Poste de développer de nouveaux services comme elle a déjà fait avec le coffre-fort électronique Docapost. « Nous sommes déjà un offreur de services cloud. » On peut aussi aisément imaginer que La Poste devienne un hébergeur ou un broker cloud pour les PME.

« Le cloud fait tomber les silos »
Michel Delattre voit aussi dans le cloud un vecteur de normalisation et de standardisation à même d’offrir plus d’agilité pour lancer des services « time to market » tout en jouant sur la variabilité des coûts transformant le Capex en Opex.
En termes d’infrastructures, La Poste va profiter de la refonte du SI distribution de La Banque Postale (projet Cap Client 3.0) pour créer un IaaS privé hébergé dans les datacenters du groupe mais « privatif – public » en dehors. Soit un cloud communautaire sur lequel les autres branches du groupe pourront s’appuyer. Le fournisseur sera retenu cet été.
Cette démarche s’accompagnera de la virtualisation du poste de travail avec une montée en charge pouvant aller jusqu’à 11 000 machines virtuelles en 2020. Aux yeux de Michel Delattre, ce IaaS est une première étape vers le PaaS, « là où sont les vrais gains ». Soit un environnement d’exécution qui permettra à la DSI de garder la maitrise des applications, non éligibles au SaaS.
Last but not least, le cloud doit aussi aider les 270 000 postiers à mieux communiquer. « Pour mettre le groupe en mouvement, il faut faire tomber les silos. C’est la condition de succès », estime Michel Delattre. GED, audio, web et visioconférence, messagerie instantanée et surtout réseau social d’entreprise, La Poste va faire appel au cloud public pour l’ensemble des services de messagerie et de collaboration. Le marché sera consulté à l’automne. Bien sûr, certaines données seront cryptées et leur localisation dépendra de leur sensibilité.