Que retenir de la démission du DSI de la Maison Blanche ?

Considéré comme l'homme de la démocratie 2.0, de l'e-administration, du cloud computing et de l'open data, Vivek Kundra, premier DSI fédéral américain nommé par Barak Obama a jeté l'éponge. Sa démission remet en cause la place du numérique dans les lieux de pouvoir.
Conseiller du président élu, Vivek Kundra avait été nommé en grande pompe premier CIO fédéral par Barak Obama lui-même dès son investiture. Dans la pratique, il était rattaché à Jacob Lew, directeur du management et du budget de la Maison Blanche, une sorte de superdirecteur administratif et financier.
On comprend aujourd'hui que Vivek Kundra n’avait pas la facilité d’accès au Président qu’on lui prêtait. Une question pourtant cruciale lorsqu’il s’agit de défendre les projets engagés, notamment contre des attaques aux motivations pas toujours avouables.
Des coupes budgétaires politiques
Voulant contraindre le clan Obama au maximum, les conservateurs ont profité de leur rapport de force au Parlement pour torpiller les projets les plus originaux et les plus emblématiques de l’ère Obama. C’est de bonne guerre. L’initiative open data qui consiste, rappelons-le, à publier les données contenues dans les systèmes d’information gouvernementaux a donc fait les frais de cette attaque en règle.
Sur les 34 millions de dollars annuels du programme – une goutte d’eau dans l’océan des dépenses américaines –, le clan Obama a dû accepter une coupe… des deux tiers. Une déconvenue sans doute inacceptable pour Kundra, mais probablement pas la seule.
Les économies théoriques du cloud computing
L’autre grand projet de Kundra a visé à utiliser le cloud computing pour rationaliser les 2 000 centres informatiques gouvernementaux. Un projet de suppression de 800 centres est ainsi dans les cartons. Un plan qui représente une importante part des 3 milliards de dollars d’économies annuelles que Kundra a aidé à identifier.
Mais il y a une grande différence entre les économies de papier et celles effectivement engrangées. Rationaliser les centres informatiques est source d’économies, on le sait. Cela peut se réaliser avec ou sans le cloud computing. Mais ce n’est pas sans poser de nombreuses questions, notamment pour les salariés concernés.
On imagine que les collaborateurs susceptibles d'être touchés par un tel plan de restructuration s’en sont émus auprès de leur hiérarchie qui pouvait, elle-même, avoir envie de ne pas perdre une partie de territoire. Idem pour les fournisseurs et les élus locaux qui ont naturellement été « sensibilisés » à la question. Fermer des centres informatiques n’est peut-être pas plus facile que de fermer des casernes…
Que restera-t-il de l’ère Kundra ?
Le départ précipité de Kundra est donc un véritable gâchis qui entre en résonance avec les difficultés vécues par tous les DSI. Les chercheurs le soulignent, l’échec d’un DSI est rarement l’échec d’un homme mais plutôt le symptôme d’une organisation incapable de tirer collectivement le meilleur parti des opportunités d’un monde devenu numérique. Un échec collectif à maîtriser les usages du numérique.
L’Amérique d’Obama a fait espérer, voire rêver. Le numérique était entré dans les préoccupations du pouvoir. Le président sait ce qu’il lui doit. Aujourd’hui, les usages numériques ont été sacrifiés sur l’autel des tractations politiciennes et il ne reste en Amérique que la face industrielle du numérique triomphant, ces entreprises qui battent chaque jour des records de valorisations boursières sans lien direct avec une utilité économique démontrée et pérenne. Frustrant !
En accélérant la numérisation des systèmes d'information fédéraux, Kundra aura tout de même réussi, comme presque tous les DSI, à faire quelques belles économies de papier. Est-ce le seul apport de valeur que les organisations reconnaissent au numérique ?
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