Qui aura le contrôle de la télévision sur mobile ?
Depuis que les réseaux mobiles de troisième génération retransmettent des programmes audiovisuels en direct, la télévision s'est faite mobile et personnelle, selon l'appellation officielle du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Cependant, les réseaux radio utilisés (UMTS ou Edge) ne sont pas réellement adaptés à la télédiffusion. Une alternative technologique fiable existe : le DVB-H(1) (Digital Video Broadcasting ?" Handheld). Cette
déclinaison de la télévision numérique terrestre (TNT) est spécifiquement adaptée aux téléphones mobiles. En Italie, depuis 2006, environ 500 000 clients de 3 Italia, de TIM ou de Vodafone, accèdent ainsi à des services de télévision mobile
personnelle (TMP). Mais, en France, où en est-on ?
(2) Trois expérimentations DVB-H regroupant respectivement : TPS, Orange, Bouygues Télécom et Sagem ; Canal+, SFR, Towercast et Nokia ; TDF, l'ensemble des grands groupes audiovisuels et les trois opérateurs mobiles ainsi qu'une expérimentation en T-DMB impliquant VDL, TF1 et Bouygues Télécom, sur des terminaux Samsung et LG.* Executive Partner, Media & Entertainment, chez Accenture. Il suit les expérimentations en DVB-H menées aux Etats-Unis auprès dutilisateurs finals.
Économiquement indécis
En 2005 et 2006, le CSA a autorisé dans notre pays quatre expérimentations associant des groupes audiovisuels, des opérateurs de télécommunications et des équipementiers(2). Les résultats d'un de ces projets pilotes font apparaître une durée de consultation de vingt minutes par jour en moyenne, 73 % des utilisateurs se déclarant ' satisfaits '. Le CSA a depuis ouvert un processus d'attribution de fréquences DVB-H. D'ici à la fin d'année, plusieurs questions devront être tranchées. Quelles chaînes pour ce nouveau bouquet TMP ? Quel modèle économique et quelle répartition entre chaînes gratuites et payantes ? Au plan technique, les télédiffuseurs devront s'entendre sur l'opérateur de multiplex chargé de la plate-forme de télédiffusion et sélectionner, ville par ville, les opérateurs de diffusion qui relayeront les programmes vers les mobiles DVB-H. Mais la question centrale est bien celle de l'accès aux clients. Dès que l'on touche aux utilisateurs de mobiles, les ' telcos ' sortent les griffes, estimant que ces futurs ' mobi-spectateurs ' font partie de leur chasse gardée. Or, techniquement, rien n'empêche les groupes audiovisuels de contourner les Orange, SFR et autres Bouygues Télécom : possédant le contenu, ils pourraient tout à fait proposer une alternative aux opérateurs de télécommunications, en unissant, par exemple, leurs forces au sein d'un groupement d'intérêt économique. En Allemagne comme en Italie, les opérateurs ont pris les devants, en finançant les réseaux (par le biais d'un GIE outre-Rhin et de façon individuelle chez nos voisins transalpins). La France pourrait envisager une approche à la fois mixte, en mêlant les groupes audiovisuels et les opérateurs, et progressive, en desservant d'abord les grandes métropoles afin d'atteindre l'équilibre financier.Cohabitation forcée avec les opérateurs
Les groupes audiovisuels et les opérateurs télécoms seront donc forcément amenés à collaborer. Au regard des investissements colossaux consentis par les opérateurs mobiles pour le déploiement de la 3G, ceux-ci rechigneront à financer majoritairement les réseaux DVB-H. D'autant qu'en France, le CSA promeut une couverture ' indoor ' (à l'intérieur des murs) des programmes télévisuels, ce qui implique de mailler finement les zones couvertes. Recevoir la TMP signifie aussi faire évoluer le parc des terminaux et suppose un passage par la case ' subvention du mobile '. Si l'on reprend l'exemple italien, un téléphone DVB-H est proposé en prix public à 500 euros en moyenne. 3 Italia diminue bien le prix d'achat à 50 euros, mais en contrepartie d'un engagement de vingt-quatre mois. Enfin, le DVB-H n'assure que la retransmission en direct des programmes, et ne permet pas d'accéder à de la vidéo à la demande.Autant de freins qui font que sans une coopération de l'ensemble des acteurs économiques concernés, les Français devront patienter encore quelques années pour regarder leur émission de télévision favorite sur leur mobile. A moins qu'ils n'aient pris l'habitude, d'ici là, de télécharger des programmes audiovisuels ' podcastés ' sur leur baladeur numérique...Vos idées : carteblanche@01informatique.presse.fr(1) Technologie promue en Europe et normalisée par l'ETSI en 2004 pour la télévision mobile personnelle.(2) Trois expérimentations DVB-H regroupant respectivement : TPS, Orange, Bouygues Télécom et Sagem ; Canal+, SFR, Towercast et Nokia ; TDF, l'ensemble des grands groupes audiovisuels et les trois opérateurs mobiles ainsi qu'une expérimentation en T-DMB impliquant VDL, TF1 et Bouygues Télécom, sur des terminaux Samsung et LG.* Executive Partner, Media & Entertainment, chez Accenture. Il suit les expérimentations en DVB-H menées aux Etats-Unis auprès dutilisateurs finals.
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