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La Gendarmerie nationale abandonne Windows et migre ses 85 000 ordinateurs vers Linux, réalisant une économie record sur les licences. Un exemple à suivre ? Les entreprises ne sont pas forcément d'accord.
Plus de 2 millions d'euros par an. Telle est l'économie que la Gendarmerie nationale devrait réaliser en migrant, d'ici à 2015, ses 85 000 postes de travail vers Linux. Très courant dans le monde des serveurs, ce système gratuit peut aussi servir à remplacer le Windows classique des PC bureautiques. En version Ubuntu ? la déclinaison de Linux adoptée par la Gendarmerie nationale ?, le système comprend un environnement graphique peu ou prou similaire à celui du Mac et le kit de logiciels nécessaires à la bureautique : du navigateur Firefox, déjà connu sous Windows avec plus de 30 % de part de marché, à la suite OpenOffice, qui reprend l'interface qu'avait Microsoft Office jusqu'en 2003. Selon le commandant Jean-Pascal Château, qui chapeaute le projet, l'abandon de Windows ne devrait pas poser de problème de productivité. “ Au contraire, un des principaux avantages d'Ubuntu est sa facilité d'utilisation. Les agents peuvent d'ailleurs personnaliser eux-mêmes leur bureau pour qu'il réponde exactement à leurs besoins ”, relate-t-il dans le communiqué officiel relayé par Canonical, l'éditeur de Linux Ubuntu. Il ajoute que la personnalisation du poste de travail agirait même comme un élément de motivation pour ses utilisateurs.
Changer l'outil de travail des utilisateurs : un possible frein
Parmi les autres atouts de Linux, Jean-Pascal Château évoque la maintenance centralisée. En l'occurrence, la Gendarmerie nationale configure et met à jour un environnement type en ligne, lequel se duplique automatiquement sur chacun des postes. Le commandant en profite pour se débarrasser des coûteux 4 500 serveurs Microsoft qui servaient auparavant à administrer les PC, mais caserne par caserne, “ avec un risque d'incohérences entre elles ”, précise-t-il.Reste à savoir si la formidable économie réalisée par la Gendarmerie nationale incitera d'autres sociétés à passer leurs postes de travail sous Linux. Pour Michel Loiseleur, directeur de Linagora, la réponse est oui : “ Cette institution a prouvé qu'elle pouvait faciliter le quotidien de ses utilisateurs et maintenir des informations critiques sans qu'aucun éditeur ne puisse faire pression sur elle. ” Bertrand Sabat, DSI d'Ikea France, n'est pas de cet avis. “ Au-delà du coût des licences, il faut prendre en compte le changement de l'outil de travail des utilisateurs. Pour les grands groupes, c'est un frein majeur ”, estime-t-il. Or la Gendarmerie nationale prétend ne pas avoir rencontré de problème en la matière. “ Mais son statut militaire biaise forcément la réussite de sa méthode d'accompagnement au changement ”, rétorque Bertrand Sabat.Même son de cloche du côté des PME, où Bertrand Bouniol, DSI de Cesar Group, s'inquiète du silence de la Gendarmerie nationale sur le coût de déploiement de son projet. “ Nous n'envisagerons le bureau Linux que lorsque nous saurons qu'une PME de notre taille peut financer la formation des techniciens et le support des utilisateurs qu'un tel chantier suppose en amont ”, lance-t-il. Pascal Ognibène, directeur technique du cabinet de conseil Valtech, exprime aussi des réserves : “ A cause de l'accompagnement au changement, le retour sur investissement ne sera effectif qu'au bout de trois ans. Or c'est la durée type de l'amortissement du matériel informatique et des licences Microsoft. ” En clair, on ne gagnerait rien sur le premier cycle de migration.Si le passage d'un environnement de travail à l'autre peut effrayer, il existe néanmoins un moyen de le rendre moins brutal : commencer par déployer les applications à la fois disponibles pour Linux et Microsoft sur le parc existant de postes Windows. C'est d'ailleurs ce qu'avait fait la Gendarmerie nationale dès 2005, en installant OpenOffice, Firefox et la messagerie Thunderbird, équivalent open source d'Outlook, sur ses PC. Marc Hill, DSI de L&L Product, a suivi cet exemple. “ C'est un compromis intéressant, car il permet d'obtenir l'adhésion des utilisateurs petit à petit. Une fois l'appropriation des logiciels libres effectuée, le passage vers un poste entièrement Linux sera bien plus naturel ”, se plaît-il à dire, sans toutefois donner de date. Et en précisant même que cette migration future reste juste une éventualité.
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