Rapport Lemoine : 180 propositions pour « numériser » notre économie

Philippe Lemoine et ses 500 experts dressent la liste des mesures à prendre pour accélérer la transformation numérique des entreprises et des services publics. Un rapport qui fera date !
C’est une somme ! Sur 328 pages, le rapport sur la transformation numérique de l’économie française de Philippe Lemoine dresse une liste de 180 propositions pour accélérer la digitalisation de l’industrie, l’automobile, le commerce, la santé ou l’environnement. Un travail titanesque, fruit de 9 mois de travaux, au cours desquels plus de 500 experts ont collaboré. Et qui pourra être enrichi. Avec l’outil collaboratif Stample, il est possible non seulement de consulter le document mais aussi de donner son opinion en ligne.
En remettant son rapport ce vendredi 7 novembre à Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, et Axelle Lemaire, secrétaire d'État au numérique, Philippe Lemoine l’a présenté comme « la nouvelle grammaire du succès ». Pour le rapporteur, par ailleurs président de la Fondation internet nouvelle génération (Fing), il faut, en effet, sortir de l’ancienne grammaire prévalant encore dans l’économie dite traditionnelle, qui « se retranche derrière ses positions acquises et les règlementations ». Les GAFA et autres entrants du web s’attaquant à leurs rentes de situation.
Sur les cent premières entreprises américaines, 63 n’existaient pas il y a 30 ans, a-t-il rappelé. En France, il n’y a qu’une seule nouvelle : Free. Si Philippe Lemoine salue les efforts faits par de grandes entreprises comme Axa, Accor ou Schneider Electric, et par l’Administration sous l’impulsion de la Disic et du concept d’ « Etat plateforme », il faut que ces éléments moteurs entrainent l’ensemble de l’économie.
Sur le même ton, Axelle Lemaire appelle au réveil et à la contre-offensive. « Pendant 15 ans, nous avons été coupables. Les gouvernements européens ont laissé jouer la libre-concurrence. Aujourd’hui, les géants d’internet sont ultradominants. Leur modèle reposant la donnée, il est infini. » Pour la secrétaire d’Etat, l’Europe doit montrer une voie alternative, entre l’ultralibéralisme et la tentation d’une reprise en main autoritaire. Tout en accompagnant les entreprises dans leur mutation. « Des secteurs d’activité entiers dits "traditionnels" se confrontent à un nouveau monde sans avoir les clés. »
Du « wallet français » au Bison futé numérique

Le rapport donne justement ces clés en proposant 53 mesures transverses. Il s’agit notamment de capitaliser sur notre culture de la confidentialité des données personnelles (la loi informatique & libertés remonte à 1978) pour promouvoir le concept de cloud personnel ou de diffuser les usages du numérique à l’école.
Les dirigeants, les administrateurs d’entreprises mais aussi les responsables syndicaux doivent être aussi sensibilisés aux enjeux du numérique. Pour éviter que nos startups s’expatrient ou se fassent rachetées par des étrangers, des incitations réglementaires et fiscales favoriseraient la consolidation entre jeunes pousses ou la prise de participation à leur capital par de grands groupes.
Le rapport préconise aussi le développement de services publics qui soient 100 % numériques « et qui ne s’opposent pas à l’humain » et d’utiliser, dans le domaine de l’emploi, le big data pour « passer à une gestion prédictive des compétences par secteur et par région ». En ce qui concerne la tête de l’Etat, le document conseille d’installer auprès du Premier ministre, un pilote de la transformation numérique et d’organiser un sommet annuel interministériel sur le sujet.
Dans la seconde partie, Philippe Lemoine et ses équipes dressent un agenda triennal assorti d’une nouvelle liste de 118 mesures, classées par secteur d’activité. Ils proposent de développer de nouveaux modes d'identification et de paiement par exemple par empreinte digitale ou vocale, de mettre en place un porte-monnaie national (un « Wallet français ») en fédérant les acteurs du GIE Carte Bancaire, d’aller vers une assurance des usages et non de produits (pay as you live), de créer un « Bison futé » numérique en connectant tous les moyens de transport sur un territoire donné, de rembourser ou subventionner les objets connectés et les applis mobiles de suivi des malades ou de prévention des risques sanitaires, etc.
Et pour donner corps à toutes ces bonnes idées, le rapport met en scène 9 projets emblématiques, déjà démarrés ou en passe de l’être. Comme ce pass mobilité universel qui permettrait d’emprunter le mode de transport de son choix d’un point A à un point B. Le projet « Emploi Store » doit, lui, inviter des développeurs à créer des applications d’aide au retour à l’emploi à partir des données mises à disposition par Pôle emploi.
Retrouver Philippe Lemoine en vidéo dans le Grand Journal de BFM Business du 7 novembre :
« Il est urgent que la France se fixe un cap numérique »
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