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Le Content Delivery Network revient au premier plan, avec l'explosion des trafics sur les réseaux. De nouvelles technologies d'optimisation apparaissent. Les opérateurs télécoms se mêlent au jeu.
“ Si tu ne peux aller jusqu'à l'information, c'est l'information qui viendra à toi ” : tel est le principe du Content Delivery Network (CDN). Celui-ci consiste à stocker des contenus (fichiers, vidéos, sites web…) au plus près des utilisateurs, dans des serveurs dits serveurs caches, qui agissent un peu comme des relais. Les bénéfices sont multiples : les temps de réponse sont réduits du fait de la proximité, la disponibilité meilleure grâce à la redondance. Au final, selon l'application, l'utilisateur ne se plaint pas et le client visiteur n'est pas enclin à aller voir ailleurs parce que le site ne répond pas.
De nouveaux moteurs : la vidéo et le commerce en ligne
En pratique, le contenu à rapprocher de son consommateur est dupliqué sur plusieurs machines stratégiquement réparties : un serveur par continent, voire par pays. Mais seuls les contenus statiques (photos, catalogues, documents de référence, modes opératoires, etc.) sont généralement mis en cache. Les requêtes nécessitant des traitements (calcul de prix, de remise) sont, elles, dirigées vers les serveurs centraux. A ce niveau, l'écrémage est important : ne parviennent au site central qu'un faible pourcentage des demandes initiales, celles qui sont le plus susceptibles de générer une vente ou une mise en relation. L'idée n'est pas nouvelle. “ Le CDN a eu son heure de gloire il y a quelques années, avec l'arrivée du multimédia ”, rappelle Étienne Didelot, consultant chez Telindus. De son côté, Jean-Christophe Dessange, expert CDN chez Cisco, se souvient : “ A la fin des années 90, avec l'essor d'internet et des sites web, le CDN était en vogue. Cable & Wireless s'était lancé dans l'aventure. Mais après l'explosion de la bulle internet, le marché s'est consolidé et seuls quelques acteurs ont survécu. ” Depuis deux ans, cette technique refait parler d'elle. En cause, le boom du commerce en ligne et l'explosion de la vidéo. “ On estime qu'entre 2009 et 2014 le trafic quadruplera et sera constitué, à 90 %, de flux vidéo ”, poursuit Jean-Christophe Dessange. Des grands acteurs ont déjà pris les devants. C'est le cas de Google qui possède son propre réseau CDN, notamment pour diffuser les vidéos de Youtube.
Un constituant logique du cloud computing
Un autre phénomène, encore plus récent, renforce le retour du CDN. Comme le prévoit Dominique Delisle, directeur réseaux et services de distribution de contenus chez Orange, “ l'interaction du CDN avec le cloud devrait se développer ”. L'opérateur, comme ses concurrents Colt, SFR et Verizon, peaufine ses offres dans le domaine. Les entreprises ont également recours au CDN pour le transfert de gros fichiers. Sans oublier des usages plus anecdotiques, tels que la diffusion de la vidéo des vœux du président à l'ensemble des employés. Plus courant, le téléenseignement prend de l'importance et se trouve en mesure de tirer profit des possibilités d'un CDN, par exemple, lorsque plusieurs apprenants téléchargent simultanément le contenu de leur formation.Comme bien d'autres domaines, le CDN bénéficie des progrès techniques actuels. D'une part, dans la puissance et la capacité des serveurs de dernière génération, particulièrement avec l'arrivée des serveurs lames. Et d'autre part, dans le domaine du routage et dans celui de l'accélération de sites web. “ Il ne s'agit plus d'un routage classique, uniquement à base d'adresses IP, mais de routage de contenus en fonction, notamment, de demandes prévisibles, déclare Jean-Christophe Dessange. En quelque sorte, le “ caching ” est désormais piloté par la demande. ” Dans les premiers temps du CDN, le caching était automatique. Désormais, avec les énormes volumes de données traités, cette méthode ne fonctionne plus. Plusieurs processus d'optimisation sont donc envisagés. L'un d'eux consiste à précharger des contenus dont la demande a été suscitée (campagnes de pub, annonces, etc.).Un autre moyen est de ne pas diriger systématiquement les requêtes vers le serveur le plus proche de l'utilisateur, mais vers celui qui abrite déjà le contenu demandé : c'est le procédé dit de supraroutage. Évidemment, cette astuce n'est pertinente que si le second serveur n'est pas trop éloigné du premier, sous peine de perdre tout l'intérêt de la proximité. Lorsque le caching est piloté par la demande, il est également possible ne pas mettre en cache le contenu dès la première demande, mais d'attendre qu'il y en ait plusieurs, prouvant ainsi que ces informations sont recherchées. Bien sûr, il n'existe pas, dans ce domaine, de règle absolue et de nouveaux algorithmes sont testés en permanence.Au-delà du stockage proprement dit se sont développés des services : par exemple, le service DNS (les serveurs de noms de domaine du web) qui permet de résoudre localement l'adressage des requêtes des internautes, sans avoir à remonter, dans la plupart des cas, jusqu'à un serveur central. L'accélération SSL (protocole de sécurité), qui réduit les temps de transfert vers l'internaute et se révèle utile dans les applications de commerce électronique, entre aussi dans cette catégorie. Enfin, de nouvelles formes de téléchargement apparaissent, comme le “ progressive download ”, qui consiste à découper en blocs des gros fichiers et à ne charger que la partie utile demandée par l'internaute. Ce dernier n'a alors pas à attendre le téléchargement total de l'ensemble du fichier : dans une vidéo, il avance directement grâce au curseur présent sur la barre de temps. Idem dans une machine virtuelle ou dans un fichier de données : seule la partie demandée est chargée.Le CDN a tellement le vent en poupe qu'à côté des acteurs traditionnels comme Akamai, l'ancêtre, Cotendo, le nouveau venu, Level3 ou encore le Français CDN Technologies, arrivent des poids lourds : les opérateurs. Ceux-ci se positionnent sur un maillon différent de la chaîne, entre le serveur et l'utilisateur. Ils maîtrisent la boucle locale allant du cœur de réseau jusqu'à l'utilisateur final, alors que les acteurs traditionnels s'arrêtent à la périphérie du réseau de l'opérateur. “ Les opérateurs viennent au CDN pour leurs propres besoins et pour faire face à la croissance des flux, notamment vidéo, observe Dominique Delisle. Il est encore trop tôt pour placer les serveurs directement dans les DSLAM (les multiplexeurs d'accès DSL), en bordure de la boucle locale. Pour l'instant, chez France Télécom, ils sont placés dans certains POP (les points de présence, c'est-à-dire les points d'accès à internet) ”. SFR vient aussi au CDN. “ L'arrivée massive de la vidéo, tant sur les réseaux fixes que sur les mobiles, fait exploser la demande de bande passante ”, remarque Jérémie Manigne, directeur général de l'innovation chez SFR. “ Pour les vidéos, par exemple, il serait possible d'adapter l'encodage selon que le terminal est un PC ou un smartphone au sein du réseau ”, explique Guillaume De Lavalle, expert CDN chez SFR.
Une offre amenée à évoluer rapidement
Le CDN aidera d'abord les opérateurs à diffuser leurs propres services, depuis leurs portails. Dans une seconde phase, ils pourraient les revendre à des tiers. Aujourd'hui, les acteurs traditionnels couvrent le tronçon allant du serveur source au réseau des opérateurs, alors que ces derniers interviennent de leur cœur de réseau jusqu'à l'utilisateur final. Cette complémentarité se mue peu à peu en coopération. Ainsi, l'opérateur AT&T met en œuvre son CDN sur son propre réseau et fait appel à Cotendo à l'extérieur. On peut aussi imaginer un accord entre opérateurs qui partageraient une plate-forme commune. Avec l'émergence de leurs stratégies de cloud computing, les contours de l'offre vont évoluer rapidement.
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