Programmeur, administrateur de base de données, architecte, chef de projet, directeur informatique... En un quart de siècle, René Baranès a connu toutes les facettes du métier. Tous les univers, aussi, entre SSII, cabinet de
conseil ou direction informatique. Voici quatre ans, il rompt les amarres et gagne son indépendance. Consultant senior, il intervient aujourd'hui en tant que DSI par intérim et directeur de projet
' pompier ' sur les projets plantés. Un poste d'observation privilégié pour analyser les cafouillages de la profession.Son constat paraît sévère. Premiers sur sa liste noire, ' les décideurs qui ne décident pas '. Pour ce diplômé en sciences politiques, certains directeurs généraux ne se montrent pas à la
hauteur de leur fonction. ' Ils passent plus de temps à protéger leur poste qu'à défendre les intérêts de l'entreprise. Préférant vivre avec les problèmes plutôt que de les résoudre. Quitte à " tuer "
professionnellement celui qui les remonte et à favoriser l'autocensure. ' Pour faire passer une idée dans la structure, ils usent des consultants comme de messagers. ' Le manager dicte les conclusions
qu'il entend voir apparaître. Le rapport se termine avant même d'avoir été lancé. La moitié des missions de conseil sont politiques. '
Le chef de projet, dernier gardien du temple
La base de la pyramide ne semble pas mieux lotie. ' Les nouvelles technologies ont accouché d'une génération spontanée de développeurs Gameboy. Des électrons libres, ingérables et mercenaires. Ils font deux
fautes d'orthographe par ligne, ne savent pas s'exprimer. Je crains le pire. Nous sommes assis sur une informatique écrite n'importe comment, non documentée, et donc non maintenable. ' Et cela ne s'arrange pas avec l'open
source. ' Dans l'Administration, quelques Géo Trouvetout ont monté leurs petits labos. Ils bidouillent dans leur coin, sans objectif ni sanction. 'René Baranès fustige aussi les grandes SSII cotées. ' Le doigt sur la couture devant leurs actionnaires, elles tournent le dos à leurs salariés et à leurs clients. Leurs dirigeants auraient aussi bien pu vendre
des voitures. ' A la recherche de gages de pérennité, les grands donneurs d'ordres préfèrent s'adresser à elles. Quitte à devoir s'en mordre les doigts : ' La BNF, la SNCF, Accord2... La liste
des projets pharaoniques plantés s'avère longue. 'Entre ces intervenants, seul le chef de projet, ' véritable cheville ouvrière de l'informatique ', trouve grâce à ses yeux. ' C'est un métier ingrat, qui relève du
sacerdoce. ' Encore faut-il en avoir la fibre. ' Manager un projet, c'est inné. On peut apprendre les techniques, les Pert et autres Gantt, mais pas à devenir chef. Il faut savoir freiner les ardeurs
des utilisateurs tout en soutenant la cadence dans la soute. ' Aigri, René Baranès ? Non, à 57 ans, il éprouve toujours du plaisir à évoluer dans linformatique. Hors routine et hors normes.
Votre opinion