Responsabilité de l'employeur et respect de la vie privée
L'employeur peut voir sa responsabilité engagée pour une utilisation illicite d'internet par un salarié au travail. Mais si celui-ci agit hors cadre professionnel, l'employeur peut être libéré de sa responsabilité.
L'affaire
Un internaute mécontent du prix des péages des sociétés d'autoroute avait créé, depuis son travail (les locaux de Lucent Technologies), un site critiquant la politique pratiquée par la filiale de la Société des autoroutes du sud de la France (Société Escota). Outre l'utilisation de l'expression ' escroca ' pour désigner ses pages personnelles, le site procédait à des détournements de marque et exposait des messages diffamatoires. La société d'autoroute a saisi la justice contre son auteur, et contre la société l'employant, considérant qu'elle avait fourni les moyens de réaliser l'infraction. Le TGI de Marseille(1) ayant retenu la responsabilité de l'employeur sur la base de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil(2), a fait appel. La cour d'appel a confirmé la condamnation de l'employeur(3).La responsabilité civile de l'employeur
Pour retenir la responsabilité de l'employeur, les magistrats ont pris en compte le fait que le salarié ' a agi avec l'autorisation de son employeur, qui avait d'ailleurs permis à son personnel, selon une note de service du 13 juillet 1999, d'utiliser les équipements informatiques mis à leur disposition pour consulter d'autres sites que ceux présentant un intérêt en relation directe avec leur activité '. Cette note a été interprétée tant par le tribunal que par la cour d'appel comme autorisant la libre consultation des sites, mais aussi comme n'imposant aucune interdiction spécifique. La cour d'appel en déduit que la faute du salarié a été commise dans le cadre de ses fonctions. Notant que ce dernier ' n'a pas agi à des fins étrangères à ses attributions, puisque selon le règlement précité, il était même autorisé à disposer d'un accès à internet, y compris hors de ses heures de travail '.Dans ces conditions, la cour d'appel a confirmé la condamnation de l'employeur sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil. L'employeur n'est condamné, en pratique, qu'à prendre en charge la moitié des frais de procédure (5 000 euros, article 700 du NCPC) et des frais de publication de l'arrêt (limités à 5 000 euros par insertion). Toutefois, cet arrêt vient faire peser un risque juridique supplémentaire sur les employeurs.(1) TGI Marseille, 11 juin 2003, 1ère ch. civ.(2) Les employeurs sont responsables du dommage causé par leurs salariés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
(3) CA Aix-en-Provence, 2e ch., 13 mars 2006.