Retargeting : Comment fonctionnent les publicités en ligne qui vous poursuivent ?

Le retargeting, ou reciblage publicitaire, consiste à afficher des publicités aux internautes en fonction des sites web qu'ils ont visité précédemment. L'acteur phare du secteur se nomme Criteo.
Les publicités se font de plus en plus personnalisées. Elles suivent nos envies du moment et nous rappelle aux bons souvenirs des sites web que nous venons de visiter. Les internautes qui ont des velléités d’achats se font ainsi poursuivre par des bannières de produits ou d’enseignes qu’ils ont visités récemment. Si vous allez sur le site de La Redoute pour rechercher un canapé rouge, vous risquez fort d’être hanté par des publicités La Redoute lors de vos futures navigations sur internet. C’est ce que l’on appelle le retargeting, ou reciblage publicitaire en français. Objectif principal : amener les internautes à concrétiser leurs achats.
Des algorithmes de recommandation
« Quand vous allez sur un site comme La Redoute, le prestataire de remarketing pose un cookie sur votre ordinateur avec les produits vus (ex : un canapé rouge). Quand vous allez sur un site web appartenant au même réseau publicitaire (celui de Google ou de Criteo, par exemple), le serveur lit le cookie, se rend compte que vous êtes passé sur laredoute.fr et affiche une publicité sur un canapé rouge » résume Sébastien Broussois, directeur associé chez Resoneo, cabinet de conseil en stratégie et en marketing. Pour faire un test grandeur nature, le français Criteo propose une page de test sur son site web (voir capture d’écran ci-dessous). Attention, le système ne fonctionne que si vous n'avez pas de plugin pour bloquer les publicités et les cookies. Les publicités vous proposent des produits auxquels vous vous êtes intéressés récemment et des produits que d’autres internautes ont appréciés alors qu’ils s’intéressaient aux mêmes produits que vous. Autrement dit, des algorithmes de recommandation sont utilisés, un peu comme ceux d’Amazon.

Les principaux acteurs du reciblage personnalisé sont Criteo, Next Performance, My Things voire Google avec ses outils de remarketing. Leur métier consiste à construire des bannières dynamiques pour les afficher sur des sites web selon l’historique de navigation et le profil de l’utilisateur. Criteo propose ainsi aux annonceurs de créer des bannières publicitaires personnalisées en fonction des préférences de l’internaute en termes de couleurs ou de forme. « Nous avons une base de données de templates (modèles) avec un moteur qui sélectionne la forme, l'image de fond et « le call to action » en fonction de chaque individu et du site sur lequel il surfe » explique Gregory Gazagne, DG Europe de Criteo. Le spécialiste français du retargeting conçoit en une heure plus de mille bannières différentes en faisant varier leur taille et leur couleur, et en diffuse 25 000 par seconde.
Le modèle économique des spécialistes du retargeting
Pour diffuser ces bannières, Criteo doit trouver des emplacements publicitaires sur des sites visités par les internautes qui l’intéressent. Et le spécialiste du retargeting a décidé de multiplier les sources pour maximiser ses chances de trouver un internaute intéressant. Il achète ainsi des espaces de quatre manières différentes : directement auprès des sites web pour les plus importants du TOP 50 Comscore (cas « cookie targeting »), via le réseau de sites web Criteo pour les plus petits (cas PuMP), via des Ad Exchange (voir l’article sur le RTB (Real Time Biding) pour plus d’information), ou via du RTA (Real Time Audience) une technologie développée par Criteo. (Pour plus de détails voir l'encadré en fin d'article).
L’un des critères importants du retargeting, c’est la fraicheur. Mieux vaut diffuser le maximum de bannières dans les trois jours suivants la visite de l’internaute sur un site, ensuite la pression doit être moins intense. Au bout d’une semaine, soit l’internaute a potentiellement finalisé son achat, soit il risque d’être énervé de subir 55 fois la même bannière. « Plus nous atteignons tôt l’utilisateur dans sa navigation, plus les taux de clic et de conversion sont bons » ajoute Gregory Gazagne. La société doit donc détecter et réussir à acheter des bannières publicitaires le plus tôt possible après la visite d’un internaute sur un site web d’un de ses clients. « Ce que l’on cherche c’est un droit de regard sur les impressions, le first look » explique Gregory Gazagne, quitte à acheter les publicités plus chères.
« Le modèle économique des prestataires de retargeting joue beaucoup sur le type de stratégie qu’ils déploient pour leurs clients » poursuit Sébastien Broussois. Certains vendent à l’affichage. Ce n’est pas l’agence, c’est l’annonceur qui prend un risque, mais il sait combien de publicités ont été achetées et combien il a payé son prestataire.
D’autres prestataires sont payés au clic quand un utilisateur interagit avec une publicité, voire à la vente en fonction du chiffre d’affaires généré. S’ils achètent 300 bannières sur un Ad Exchange (voir définition en encadré) et qu’aucune action en découle, ils ont payé pour rien des espaces publicitaires. Pour maximiser leur chance de gagner de l’argent, ils calculent la valeur de chaque utilisateur selon sa probabilité de clic ou d’achat. S’il s’est arrêté à la page d’accueil de La Redoute, son potentiel d’achat est plus faible que s’il a méthodiquement étudié les fiches produit des canapés. Dans ce cas, « ce sont les prestataires qui prennent le risque de l’achat des bannières et il est difficile de leur demander d’être transparents sur leur marge. C’est un système opaque » explique Sébastien Broussois. Opaque aussi car les annonceurs ne savent pas sur quels sites leurs publicités ont été diffusées.
Le retargeting rapporte quoi exactement ?
Déterminer quel est l’apport réel du reciblage publicitaire n’est pas forcément évident. « Si sur 100 ventes générées, la moitié des acheteurs auraient de toutes manières concrétisés leurs achats même sans remarketing, le cout d’acquisition réel est le double de celui mesuré. Dans ce cas l’annonceur aurait tout intérêt à acheter de nouveaux visiteurs plutôt qu’à viser ceux qui sont déjà intéressés. Pour le savoir, il faudrait faire des tests a/b, afin de mesurer les ventes additionnelles liées au remarketing, mais aucun retargeteur ne le propose spontanément » regrette Sébastien Broussois. Ce qui ne les empêche pas d’utiliser l’a/b testing en interne. Criteo optimise ainsi le taux de clic sur les publicités en fonction de leur couleur et de leur forme. « Nous sommes des fous de l’a/b testing » s’amuse Gregory Gazagne.
Les tests a/b aident à faire des comparaisons entre différentes versions d’un même site web. Ils permettraient d’exposer seulement certains internautes à des publicités pour vérifier leur impact, et déterminer quel levier marketing a permis la vente. Est-ce l’achat de mots clef sur Google ? Les bannières diffusées sur des sites web ? Le retargeting ? Ou, plus certainement, un mélange de l’ensemble ?
« Traditionnellement sur le web, on considère que le levier marketing qui fait la vente, c’est le dernier levier avant la vente » rappelle Sébastien Broussois. Or Criteo apparaît souvent en dernier. Pour éviter de donner une importance trop grande au dernier acteur de la chaîne, des modèles d’attribution sont utilisés pour affecter des poids aux différents contributeurs. « Si vous n’utilisez pas de modèle d’attribution, vous finissez par ne faire plus que du retargeting, alors que l’achat de mot clef et le Display restent des leviers très importants en début de chaîne » met en garde Sébastien Broussois.
D’autres formats que les bannières publicitaires
Le reciblage publicitaire existe aussi en version email. Lorsqu’un internaute va sur le site de La Redoute pour chercher un canapé rouge, les prestataires de retargeting recherchent son email, pour pouvoir le relancer un peu plus tard. C’est notamment le cas de Tedemis, racheté par Criteo début 2014. Le retargeting email pèse pour le moment moins lourd que celui le retargeting bannière, mais il va croitre de plus en plus.