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Pour augmenter la disponibilité de ses produits tout en réduisant ses stocks, le distributeur déploie une solution de prévision et d'approvisionnement dans ses 150 points de vente.
C'est le premier déploiement d'une solution de gestion d'approvisionnements orientée points de vente réalisé en France à une telle échelle. Initié par le distributeur Schiever, ce projet s'inspire du flowcasting, une méthode qui consiste à remplacer les prévisions (forecasting) de ventes, généralement établies en sortie d'entrepôt ou en amont, par un pilotage des flux (flows) calculés au niveau des magasins. Inventeur du concept, le Québécois André Martin laisse espérer des taux de rupture en magasin de 1 à 2 %, ainsi que des réductions de stocks en amont de 50 %. A titre de comparaison, ce taux de rupture stagne depuis dix ans au-dessus des 8 %. Inutile de préciser à quel point le projet sera suivi de près par l'ensemble du secteur…Pour le groupe Schiever, l'objectif n'est évidemment pas d'attirer l'attention, mais d'améliorer la gestion des stocks et des approvisionnements de ses nombreux points de vente. Méconnue du grand public, cette entreprise familiale bourguignonne est à la tête d'un immense réseau de distribution, dont 94 hypermarchés et supermarchés exploitant les enseignes Auchan et Atac, ou encore 37 supérettes arborant sa propre enseigne, Maximarché. En tout, 7 enseignes et 150 magasins, succursales ou franchisés, se répartissant entre la France et la Pologne ainsi qu'une informatique et une logistique (six entrepôts, une centaine de semi-remorques…) en propre que le groupe modernise depuis 2004 à l'aide de solutions du marché.
Une prévision à deux niveaux
Dans un premier temps, le progiciel de gestion d'entrepôt Logidrive, de l'éditeur franco-allemand Acteos, est mis en place, suivi, en 2007, de la solution d'approvisionnement central des entrepôts Add*One. Avec une réduction des stocks centraux de l'ordre de 25 à 30 %, les résultats obtenus créent un climat de confiance. Le distributeur donne alors son feu vert pour lancer Astère, la seconde phase du projet d'approvisionnement global. S'emparant du concept de flowcasting, Schiever et Acteos s'entendent pour développer Logipro, un module constitué de logiciels de calcul prévisionnel et d'optimisation des approvisionnements à deux niveaux (magasins et entrepôts).Après une étude de faisabilité, la partie décisionnelle de Logipro est réalisée en collaboration avec l'Ecole polytechnique de Lausanne et l'Ensait (Ecole nationale supérieure des arts et industries textiles) de Roubaix, dans le cadre de l'initiative européenne Eurêka, parrainée par le fonds de soutien à l'innovation Oséo. Pour l'interface utilisateur, l'éditeur travaille avec les équipes terrain de Schiever, tandis que sa R&D se charge du framework applicatif. Fin 2009, une première version finalisée de Logipro est livrée. Baptisée Acteos PPS (Procurement for Point of Sales), elle dispose d'un moteur de prévision et d'analyse comportementale multi-niveau, ainsi que d'une base de connaissances métier.La solution est la première brique applicative de l'éditeur à bénéficier de l'architecture Acteos Generation, qui permet une intégration rapide, et en temps réel, de la chaîne et des échanges de données vers les autres systèmes. Un point d'autant plus important que le moteur réalise son analyse et ses prévisions à partir des sorties de chaque niveau (point de vente, entrepôt et centrale, usine…) et l'améliore en tenant compte des informations contextuelles et locales issues des niveaux inférieurs. “ La prévision se propage et s'optimise depuis le point de vente. Ce n'est pas une somme des prévisions locales, ni une localisation des prévisions centrales, mais une chaîne intégrée de moteurs qui intervient sur l'ensemble des applications de la chaîne logistique (WMS, TMS, APS…) ”, explique Christian Zelle, directeur R&D d'Acteos.Début 2010, un projet pilote est lancé sur deux sites, au moment où Gilles Roux prend ses fonctions de directeur du système d'information et de l'organisation (DSIO) chez Schiever : “ Nous avions confiance dans la pertinence du concept pour aller au-delà des gains d'une solution centrale classique. ” Le déploiement est réalisé dans les points de vente à partir de mai 2010. Six mois plus tard, une centaine de magasins de distribution alimentaire sont installés et opérationnels.Dès le pilote, la solution est paramétrée pour laisser aux utilisateurs la possibilité d'accepter ou non les propositions de commande. Malgré cela, la perception négative de la solution sur le terrain nécessite un accompagnement du changement important.“ En magasin, certains considéraient que la prise de commande faisait partie de leur métier, se souvient Gilles Roux. Ils ont dû apprendre à faire confiance au produit afin qu'on évite les effets de contournement, comme l'augmentation artificielle du facing pour que l'application commande davantage et constitue un stock commercial qui ne devrait pas exister. D'autant qu'Acteos PPS calcule quotidiennement un stock de sécurité de manière dynamique. ” En cours de déploiement, les ventes s'avèrent plus sporadiques qu'imaginé et l'algorithme de prévision est adapté en conséquence. Finalement, le contrôle par filtrage se montre efficace.De l'audit réalisé sur la mise en œuvre de la solution, il ressort que les bonnes pratiques mettent du temps à se diffuser, notamment auprès des directeurs de magasins issus d'autres enseignes, où l'on pratiquait l'approche du point de commande (déclenchement par seuil). “ Cette façon de faire a la vie dure, même si ce n'est pas une franche réussite ”, regrette Gilles Roux.
Des stocks réduits de 20 %
Toutefois, les premiers résultats du projet sont très encourageants, bien qu'ils ne soient pas uniquement attribuables à la mise en place de l'outil. Ainsi, Schiever estime que le taux de rupture est, dans le meilleur des cas, divisé par trois ou quatre. “ Cela évite de rater des ventes, voire de perdre des clients ”, souligne Gilles Roux. Quant au niveau de stocks, il baisse de 20 % dans les bons magasins, même si ce n'est pas seulement dû au réapprovisionnement automatique. Surtout, la solution réduit le risque d'erreur et d'oubli, et libére du temps pour les collaborateurs sur les points de vente. A condition de ne pas éplucher les commandes ligne par ligne, ils sont davantage disponibles pour d'autres activités à valeur ajoutée, comme le contact client. Car désormais, 80 % des commandes sont passées en réapprovisionnement automatique. Quoi qu'il en soit, Schiever juge le déploiement suffisamment convaincant pour le poursuivre en 2011 dans les franchises qui adhèrent au projet ainsi que dans les enseignes de bricolage, après un aménagement de l'outil.A l'échelle du groupe, Gilles Roux attend aussi quelques nouveaux développements : “ Nous voudrions développer plus d'alertes pour pouvoir travailler davantage par exception et nous avons besoin de modéliser le coût logistique des commandes. Car, selon le prix des produits, il peut parfois être intéressant de surstocker. ” Par ailleurs, le DSIO envisage de passer du mode boîte noire à celui exploitant mieux la connaissance de certains responsables terrain, grâce à l'activation de variables explicatives et au partage de connaissances avec le reste du réseau d'approvisionnement. Chez Acteos, on espère que Schiever sera bientôt prêt à utiliser les prévisions des magasins pour prévoir les charges de travail en entrepôt et en transport, afin d'intégrer encore mieux sa chaîne logistique.
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