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Le constructeur historique repart de l'avant, avec une nouvelle organisation des services. Les logiciels libres en forment la pierre angulaire. Un mélange unique d'expérience et de modernité.
Depuis les fenêtres du centre de recherche de Bull, à Echirolles, près de Grenoble, le panorama qu'offrent les montagnes environnantes se révèle superbe. C'est dans ce lieu même que 600 ingénieurs ont conçu il y a peu les éléments du
Tera 10, le nouveau cluster Linux du CEA (le plus puissant supercalculateur d'Europe, et l'un des cinq principaux dans le monde).Là se côtoient en toute décontraction des ingénieurs R&D, des experts du test de charge et de l'ingénierie produit, et des concepteurs d'applications. Emblématique, ce centre se situe au c?"ur de la réorganisation des services
du constructeur français, souhaitée par le PDG Didier Lamouche et planifiée par Jean-Pierre Barbéris, directeur des services depuis mai 2005. ' Quand je suis arrivé, décrit ce dernier, j'ai découvert un
large éventail de compétences et d'expertise souvent méconnues, en particulier autour des logiciels libres. '
Rapprocher R&D et prestations de services
En effet, le savoir-faire du constructeur s'exprime dans des domaines aussi divers que les systèmes à hautes performances fonctionnant sous Linux (comme le Tera 10), les applications métier ?" il détient un quasi-monopole dans
les Douanes européennes ?" ou les logiciels d'infrastructure Java. Bull apporte, par exemple, le principal contingent d'ingénieurs actifs du consortium Objectweb, créé en 2002 avec France Télécom R&D et l'Inria, dans l'intention de fédérer
les énergies sur les projets de middleware open source.Globalement, l'idée centrale de la réorganisation consiste à rapprocher les activités de recherche logicielle des offres de services, de façon à générer des synergies uniques. Bull a opté pour une structuration de son offre de
services Libre Energie selon un mode matriciel, en catégorisant les domaines traités (support avancé, migration vers le libre ?" bureautique incluse ?", développement et intégration) et les secteurs plus particulièrement visés (les
télécommunications, les administrations nationales et locales, ainsi que la santé). Pour ' passer à l'industrialisation de l'offre open source ', comme le résume Jean-Pierre Barbéris, Bull a donc ouvert
vers la fin 2005 un centre de services professionnels, qui regroupe 130 personnes à Echirolles.Trois profils d'ingénieurs se trouvent ainsi réunis : les chercheurs ; les développeurs d'applications, en prise directe avec les clients ; et une cinquantaine de spécialistes de l'ingénierie produits.
' Un logiciel sortant de la R&D forme un composant brut, qui doit être testé, évalué sur ses performances et intégré à d'autres composants ', indique Xavier Couturier, directeur de projet.
Partageant les mêmes locaux, ingénieurs R&D, support et ingénierie ne sont souvent séparés que par un couloir. ' Quand nous sommes amenés à employer des composants que nous ne maîtrisons pas totalement, nous faisons appel
à eux. Tout se passe ici. 'Christophe Loridan, à la fois ingénieur R&D Bull et manager de projet au sein d'Objectweb, insiste : ' Nous cherchons à rester au plus près des demandes des clients. Nous avons noué des relations très
étroites avec les gens de Bull Services, qui s'avèrent en mesure de nous informer sur ces besoins. '
Un quatrième niveau de support
De leur côté, les ingénieurs support de Bull Services bénéficient de la présence immédiate de la R&D. Les activités de support des logiciels d'une société de services comportent en général trois niveaux. Ils s'étagent depuis les
problèmes bénins d'installation ou de configuration jusqu'à l'exigence d'une modification ou d'une correction importante du produit. Chez Bull, sur l'offre open source, il en existe quatre. Car, souvent, les ingénieurs de Bull R&D sont aussi
contributeurs sur les projets Objectweb. Et peuvent réinjecter les modifications dans le code du projet, pour le plus grand bien de tous. ' C'est un nouveau modèle, assez particulier, décrit Christophe Loridan. En général, les
unités de R&D sont très monolithiques, très cloisonnées. Mais ici, on demande aux développeurs non seulement d'être capables de bien coder, mais aussi de rester ouverts à la collaboration. Et ce, tant sur les projets européens, par exemple, que
sur ceux des clients. ' La proximité apporte d'autres avantages en matière d'équilibrage de la charge de travail et d'optimisation des compétences. ' Il arrive que nous subissions des trous de charge
ou, à l'inverse, que la R&D se retrouve confrontée à des pics, comme lors de la certification de Jonas, explique Xavier Couturier. Dans ces cas, des échanges demeurent possibles, et chaque département y trouve son
intérêt. 'Pour faciliter les interactions et le partage, les quatorze centres de production, de services et de recherche (Grenoble, Paris, Nice, Phoenix, Nantes, Lyon, Trélazé, Bordeaux, Varsovie, Pékin et Sao Paulo) sont fédérés par le portail
Novaforge, adapté de l'organisation des grands portails open source tels que Sourceforge, et accessible aux clients et partenaires. ' Durant la mise en place du portail, se souvient Jean-Pierre Barbéris,
il est ainsi apparu que nous comptions des experts sur Open Office à Bordeaux. '
Une organisation fondée sur le pragmatisme
Une bonne partie du succès de cette stratégie repose sur la récente réorganisation pragmatique du consortium Objectweb. L'instauration de différents niveaux de participation en fonction de l'investissement et la collaboration
d'éditeurs mondialement reconnus, tels Iona, Novell ou Red Hat, portent en graine une internationalisation croissante du consortium. La participation d'organismes asiatiques, en particulier chinois, y contribue également.
' Nous souhaitons susciter des vocations au niveau mondial, en Asie, en Amérique du Sud et en Europe de l'Est ', avance Jean-Pierre Barbéris. L'équilibre entre, d'une part, la collaboration et, de
l'autre, la nécessaire différenciation sur le plan commercial doit être conservé et affiché sans équivoque.Pour Miguel Valdès Faura, membre du collège d'architectes d'Objectweb et responsable du projet de workflow Bonita, la situation est claire, gérée au cas par cas. ' Par exemple, Bull propose une offre commerciale
basée sur Bonita. Si la demande de modification concerne le moteur de workflow, elle est traitée par Objectweb et prise en compte dans le projet. Si elle porte sur la valeur ajoutée Bull, elle est traitée par Bull. ' Mais
dans le cas du serveur d'applications Jonas, qui ne fait pas l'objet d'une offre commerciale, toutes les modifications sont injectées dans le projet. ' Nous possédons une liste de diffusion Objectweb, et une autre en parallèle
avec la communauté, qui a trait aux demandes de Bull Services ', précise Christophe Loridan. L'orientation vers le libre se révèle porteuse d'espoir. En témoigne, entre autres, la réussite du partenariat avec Capgemini et
Linagora au Minefi. Aussi, pour renforcer encore cet ancrage open source et bâtir des partenariats, Bull Services vient de rejoindre en tant que partenaire associé l'ASS2L. Cette association fédère quelques-unes des principales sociétés de services
en logiciels libres en France.p.davy@01informatique.presse.fr
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