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Censée simplifier la convergence voix-données, la téléphonie sur IP a complexifié la tâche des administrateurs. L'arrivée de nouvelles applications de communication sur les postes de travail étend les champs d'action des
opérationnels et complique leur gestion.
Les professionnels des réseaux et télécoms ont fort à faire pour s'adapter aux évolutions d'un environnement en pleine ébullition. A l'origine de ces bouleversements : l'arrivée de la voix sur le réseau informatique des
entreprises. De l'avis des intégrateurs, la première mutation majeure liée à l'adoption de la téléphonie sur IP (ToIP) s'achève, au moins dans les grandes entreprises. Elle concerne la convergence des métiers de la téléphonie classique (TDM),
traditionnellement rattachés aux services généraux, et de ceux des réseaux.Le plus souvent, les personnels ont fusionné, formation à l'appui, au sein de la DSI. Parfois, les téléphonistes ont été évincés au profit d'une équipe réseaux spécifique. Dans tous les cas, c'est une révolution technique, mais
aussi culturelle. Même pour les profils issus du monde TCP-IP qui avaient l'habitude des applications de données supportant la variation de débit, mais qui restaient néanmoins très éloignés des utilisateurs. ' En véhiculant
des flux temps réel tels la voix ou la vidéo, le réseau devient de plus en plus critique, avec une exigence accrue en matière de qualité de service et une modification des règles d'exploitation ', résume Pierre Ardichvili,
responsable chargé du développement du business des communications unifiées chez Cisco France.
Apparition de nouvelles applications
Du coup, les compétences réseaux ne cessent de s'élargir. D'autant que la convergence des infrastructures de communication autour d'IP, essentiellement motivée au départ par des réductions de coûts, ouvre la voie à de nouvelles
applications à valeur ajoutée pour les utilisateurs travaillant en mode collaboratif et en environnement mouvant : gestion de présence, outils de téléconférence, partage de documents, messagerie unifiée...
' Depuis
six mois, le mouvement s'accélère et nous passons des projets pilotes au déploiement ', observe François Messager, responsable des solutions de mobilité et de travail collaboratif chez l'intégrateur NextiraOne.D'où la nécessité, pour les responsables réseaux et télécoms, de prendre de la hauteur. ' La convergence pousse à mettre l'accent sur la connaissance des architectures IP, sur celles de l'entreprise
middleware, applicatifs métier, processus d'entreprise et sur la sécurité ', indique-t-on au Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises). Sont également indispensables des compétences en pilotage interne
(suivi d'indicateurs, gestion de la qualité de service), mais aussi en sourcing et pilotage externe (relations avec les fournisseurs).Cette nouvelle mutation se répercute également sur les missions, tant celles des opérationnels (administration et exploitation) que sur le support aux utilisateurs. Pour Pierre Ardichvili, ' les équipes
réseaux doivent commencer à s'intéresser au poste de travail '. Un avis que partage Xavier Jacopy, président de l'organisme de formation Learneo. Il constate que ' l'on ne peut plus, aujourd'hui,
dissocier le réseau de cette partie applicative. Cela fait partie du " package " du poste de travail de l'utilisateur, où la messagerie électronique est devenue aussi importante que le
téléphone. '
Un support en bureautique communicante exigé
De fait, ' les administrateurs réseaux, chez les intégrateurs comme chez les clients, doivent travailler avec les équipes qui gèrent les applications au niveau du poste de travail et avec les
administrateurs système pour tout ce qui concerne la gestion des annuaires et la messagerie ', précise François Messager. Pour lui, l'arrivée de Microsoft sur le créneau des communications unifiées est symptomatique de cette
unification des environnements. ' On casse les silos réseaux/télécoms et applicatifs, résume-t-il. Ce qui étend le champ d'action et complexifie d'autant la tâche des
opérationnels. 'Mais la question du service de proximité à délivrer aux utilisateurs est encore loin d'être réglée, estime Eric Nizard, directeur de la société de conseil en systèmes de communication L'Informatique communicante (LIC).
' Aujourd'hui, les DSI doivent aujourd'hui s'organiser pour constituer des équipes de support spécialisées en bureautique communicante, soit tout ce qui concerne les matériels, les logiciels et les connexions de téléphonie et
de bureautique ', soutient-il. C'est également l'opinion de Bruno Antoine, directeur national des services de l'intégrateur Telindus. ' Dans le cadre de la téléphonie classique, le support aux
utilisateurs était assez léger. Avec les nouvelles fonctions de la ToIP, il est nécessaire d'étendre la fonction support bureautique ou de créer une structure spécifique, comme l'ont fait certains de nos clients. '
Des pannes difficiles à résoudre
Devant ces évolutions, les organismes de formation ont du pain sur la planche. La plupart d'entre eux sont aujourd'hui entrés dans le vif du sujet, en élaborant des cursus très techniques pour accompagner les projets de
déploiement de ToIP et maintenir les compétences en place. Dans l'ensemble, et même si la transition a pu être (et est encore) douloureuse pour les gens de culture téléphonique traditionnelle, ' comprendre les technologies ne
pose pas trop de problèmes ', avance Eric Horlait, directeur technique de l'opérateur télécoms Afone et formateur chez Orsys. ' La mise en pratique est beaucoup plus difficile. L'intégration des trafics
dans le réseau est un point délicat. Les applications sont très différentes d'une entreprise à l'autre. Ce qui nécessite beaucoup de savoir-faire ', prévient-il.Une récente étude(*) de Network Instruments a mis en lumière les difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les administrateurs réseaux. La résolution des problèmes applicatifs serait l'activité la
plus gourmande en temps pour les professionnels de réseau. Selon ce fournisseur de solutions d'analyse de trafic, plus de 70 % des professionnels consacrent vingt-cinq jours par an à tenter d'isoler la source des problèmes de performances entre
le réseau et les applications !C'est aussi, du reste, la principale pré-occupation des stagiaires (opérateurs et entreprises clientes) de Learneo, qui propose des cours sur le sujet en recréant l'environnement client. ' Avec ce socle de
convergence, il est difficile de déterminer aujourd'hui ce qui ne fonctionne pas, explique Xavier Jacopy. Nous provoquons des incidents et donnons aux intéressés la méthodologie pour dépanner ou décider qui sera à même de
résoudre le problème. '(*) Etude State of the Network, réalisée en janvier et février 2008 auprès de 600 DSI, ingénieurs réseaux et responsables informatiques dans le monde.