Six pistes qui expliquent le raté boursier de Facebook

Après trois journées de cotation, Facebook a, pour l'heure, raté son entrée en Bourse. Dépendance à la publicité, retard sur le marché mobile, atteintes à la vie privée? Quelques éléments d'explication.
Facebook n’est pas encore ami avec Wall Street. Pour sa troisième journée de cotation, son cours accusait un recul de 5 % après une heure d’échanges, alors qu'il avait déjà cédé plus de 11 % hier. La troisième entrée en Bourse de tous les temps aux Etats-Unis n’est pas le succès escompté. Il y a un an, Linkedin avait terminé sa première séance par un bond de plus de 100 % et, en novembre, Groupon avait grimpé de 31 %.
Un échec qu’il convient de relativiser. TechCrunch fait remarquer que les meilleurs placements se sont bâtis au fil des mois et des années. Amazon en 1998 et, plus récemment, Zynga, avaient vu, eux aussi, leur titre chahuter les premiers temps.
Mais les attentes placées sur le réseau aux 901 millions d’amis sont telles que rien ne lui sera pardonné. Et déjà de nombreuses voix se font entendre pour énumérer les erreurs et les faiblesses de la valeur Facebook, voire pour évoquer une bulle 2.0.
1. Trop d’actions et trop chères
Péché d’orgueil ? Facebook aurait mis en vente une part trop importante de son capital. En plaçant sur le marché 15 % de ses titres, le réseau n’a pas su créer l’effet de manque. Le prix d’introduction de 38 dollars est jugé aussi trop élevé. Ce prix valorise Facebook à 104,8 milliards de dollars. Soit plus de 100 fois ses bénéfices contre 19 fois pour Google. La fourchette initiale oscillait entre 28 et 35 dollars.
2. Une dépendance maladive à la pub
Au cours du premier trimestre 2012, Facebook a vu ses revenus liés à la publicité baisser de 7,5 %. Gênant, quand on sait que l’Américain en a tiré 85 % de son chiffre d’affaires en 2011. Pour diversifier ses revenus, Facebook a renforcé ses partenariats avec des éditeurs de jeux en ligne comme Zynga. Il a aussi créé sa monnaie virtuelle, les Facebook Credits, pour acheter ou vendre des biens virtuels.
Le réseau social teste aussi un service payant. Baptisé Highlight, cette fonctionnalité consiste à mettre en avant le statut, et donc la visibilité, auprès de ses contacts moyennant deux dollars. Si ce service est validé, il pourrait être appliqué aux marques. Ce serait un gisement de revenus supplémentaires.
En revanche, les débuts du f-commerce ou commerce électronique sur Facebook ont douché les pionniers. En France, La Redoute n’a pas été au-delà d’une expérience ponctuelle en février 2011 en se limitant à mettre en vitrine une cinquantaine de références.
3. Un retard préjudiciable dans le mobile
Mark Zuckerberg l’a admis lui-même au moment de l’introduction : Facebook n’offre pas assez de services à ces utilisateurs mobiles, alors qu’ils sont 500 millions dans le monde à se connecter sur la plate-forme via leur tablette ou leur smartphone (sur 900 millions de membres).
Pour s'adresser à cette audience mobile en forte croissance, Facebook a annoncé le 9 mai le lancement de son magasin d’applications en ligne multi-plates-formes (Android, iOS). App Center ne sera toutefois pas en concurrence frontale avec Google Play et App Store, puisqu’il ne fera que renvoyer vers les places de marché existantes. Avec une inconnue : quelle commission prélèvera le réseau social pour jouer les entremetteurs ?
Pour combler son retard, Facebook multiplie les emplettes dans le domaine de la mobilité. Après avoir racheté Instagram et Lightbox, de très populaires applications de partage de photos sur smartphone, puis Glancee, un service de géolocalisation, le réseau social a acquis en fin de semaine dernière Karma, une start up spécialisée dans l’envoi de cadeaux virtuels et de carte de vœux personnalisées. Facebook vient, enfin, de publier une nouvelle application pour iPhone. Facebook Pages Manager permet de gérer une page Facebook à partir de son smartphone. Beaucoup de rachats et de développements donc, mais peu de perspectives évidentes de revenus.
4. Une stratégie mal comprise par les marketeurs
Une récente étude de Greenlight relevait que 44 % des utilisateurs ne cliqueraient jamais sur les annonces ou les messages sponsorisés sur Facebook.
Pour Forrester, le jugement des annonceurs est sans appel. Facebook doit se concentrer sur les besoins des professionnels du marketing et non sur les seuls utilisateurs. « Au cours des cinq dernières années, Facebook a oscillé d’un modèle de publicité à l’autre », rappelle le cabinet d’études sur son blog.
On se souvient notamment du fiasco de Beacon, un programme traquant les habitudes des membres du réseau social à des fins de publicité ciblées. Facebook avait dû le retirer devant la levée de boucliers des internautes.
5. Facebook fait peu de cas de nos données
Réunis en class action, 21 internautes américains réclament jusqu'à 15 milliards de dollars au géant du web. Ils l’accusent d’avoir continué à collecter leurs données personnelles alors qu’ils avaient clos leur compte.
On se souvient aussi de ce jeune Autrichien, Max Schrems, qui a déposé une plainte contre Facebook. Après avoir réclamé l'intégralité de ses données privées glanées par Facebook, il a eu la surprise de recevoir un CD contenant plus de 1 200 pages d’informations dont, là encore, certaines avaient été effacées ou enregistrées à son insu (pokes, invitations refusées, chat effacés, etc.).
Enfin, Facebook est dans le collimateur de l'Europe. La Commission européenne planche sur une directive qui vise à interdire la publicité ciblée sans le consentement préalable des consommateurs.
6. La désinvolture de Mark Zuckerberg
Le multimilliardaire de 28 ans ne s’est pas départi de son fameux sweat shirt à capuche pour rencontrer les investisseurs. Un look de geek peut en odeur de sainteté dans le monde feutré de la finance. La date de son mariage, le lendemain de l’introduction, a aussi fait jaser. Cela a été vu comme un signe de détachement. Mais, là au moins, il avait enfilé un costume !
Enfin, la dépendance à un seul homme fait peur. Elle rappelle la difficile succession de Steve Jobs à la tête d’Apple. Au moins, Google peut-il s’appuyer sur un triumvirat : le tandem Larry Page et Sergey Brin, associé au gestionnaire Eric Schmidt.
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