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La possibilité de téléphoner au bout du monde gratuitement séduit de plus en plus de petites entreprises. Tandis que les grands comptes jouent la prudence.
Skype entre en force dans les PME
C'est un vrai raz-de-marée ! Après moins de deux ans d'existence, le logiciel de téléphonie sur Internet Skype est utilisé par plus de 75 millions de personnes dans le monde. En France, les
" skipers " sont déjà 3,2 millions, et leur nombre augmente de 200 000 chaque mois.D'après
Jérôme Archambeaud, directeur général de Skype en France, 30 % des utilisateurs emploient Skype dans un contexte professionnel. " Les plus gros
consommateurs de Skype sont des PME travaillant à l'international ", assure-t-il. Les raisons d'un tel succès sont faciles à répertorier : Skype se télécharge gratuitement en quelques minutes, fonctionne
quasiment sur n'importe quel PC connecté à Internet et équipé d'un casque micro, et surtout, permet à toute personne installée devant son poste de travail équipé de Skype de téléphoner gratuitement dans le monde (seulement 10 %
des utilisateurs ont recours à des fonctions payantes
comme SkypeIn ou SkypeOut).Reste que l'ampleur du phénomène inquiète nombre d'experts qui considèrent que le modèle peer to peer de Skype et son fonctionnement opaque (cryptage propriétaire de la communication de bout en bout)
présentent des dangers potentiels en matière de confidentialité des échanges et de sécurité. " Dans le monde professionnel, une véritable fracture se crée autour de Skype. Il y a, d'un côté, des PME et les TPE qui
l'adoptent massivement, et de l'autre, des grandes entreprises ou des grandes structures dont les responsables informatiques considèrent qu'il présente plus de risques potentiels que de
bénéfices ", affirme Bruno Teyton, analyste spécialisé dans les télécoms à l'Idate.
L'utilisation : réduire ses coûts de communication
Dans les entreprises qui ont adopté Skype, l'enthousiasme est généralement de rigueur. La principale motivation porte évidemment sur la réduction des coûts téléphoniques, principalement à l'international.
" À côté de l'e-mail et du fax, l'appel téléphonique reste important car il permet un contact direct et immédiat. Mais son coût reste conséquent ", explique Alain Bailly, gérant de la
société Comptoirs Océaniques, un importateur de poissons basé à Rungis (17 personnes)." Avec Skype, nous rentabilisons notre connexion Internet haut débit Wanadoo Pro et nous réduisons notre facture téléphonique. Le gain est double ", ajoute-t-il. Cette recherche
d'économies est aussi une préoccupation de ModAppart, une PME lyonnaise spécialisée dans le textile. " Nous concevons ici, mais nous faisons fabriquer en Turquie, en Roumanie et au Maghreb ",
indique Robe Perret, son PDG. " Nous avons besoin d'être en contact permanent avec les unités de production, ce qui représente un budget communications très important. Un budget que nous avons réduit de plus de
60 % avec Skype. "Le logiciel de ToIP plaît également car il constitue une nouvelle façon de communiquer simple et efficace. " En deux ans d'utilisation, j'ai plus d'une centaine de contacts professionnels
Skype dans mon carnet d'adresses. Skype est plus qu'un simple substitut au téléphone, c'est un nouvel outil de convivialité ", défend Frank Fiszel, gérant de Coach Europ, un bureau de consultants
spécialisé dans l'accompagnement des PME à l'export.Les fonctions de signalisation de Skype (affichage en temps réel de la liste de ses interlocuteurs Skype habituels) constituent l'un des atouts de cet outil de communication. " Essayer de joindre au
téléphone quelqu'un qui est absent ou occupé fait perdre à chaque fois un peu de temps. À la fin de la journée, pour l'ensemble de l'entreprise, ces appels infructueux représentent un grand nombre d'heures
improductives ", analyse Frédéric Montin, gérant de l'agence parisienne de relation de presse Yucatan (10 personnes). " Avec Skype, nous savons, d'un coup d'?il, si nos
interlocuteurs sont présents et disponibles ", rajoute-t-il.Au-delà du service de base gratuit, les offres payantes (principalement SkypeIn pour être contacté depuis un téléphone standard et SkypeOut pour appeler un téléphone fixe à partir de Skype) sont appréciées pour leur simplicité.
" En matière de télécoms, nous avons tout essayé, que ce soit les abonnements, les solutions des FAI, les boîtiers spécialisés. Ces offres sont complexes, difficiles à évaluer précisément et elles vous engagent dans la
durée ", reprend le gérant de Yutacan, dont près de 20 % des appels passent désormais par Skype. " Le tarif est clair, unique quels que soient l'heure et le jour, et sans engagement. Au
pire, je risque un crédit de 10 ? ".Robert Perret de ModAppart fait la même analyse. " Je n'attends désormais qu'une seule chose, bénéficier des mêmes conditions sur mon téléphone mobile ", ajoute-t-il.
La mise en ?uvre : une installation en quelques clics
Si Skype se répand aussi rapidement dans le grand public et les entreprises, c'est qu'il est très simple à installer et à utiliser. Nul besoin d'étude préalable approfondie, d'intervention de consultants ou
d'appel à un intégrateur. Il suffit de télécharger le logiciel sur Internet, de lancer l'installation, et le service est immédiatement opérationnel." Un contact en Asie m'a parlé du logiciel, se souvient Alain Bailly. Je l'ai téléchargé et installé en quelques clics. Skype a été une réponse rapide et efficace à un besoin quotidien. Je
l'ai testé sur mon poste pendant quelque temps. Quand j'ai été certain que le logiciel rendait les services attendus, je l'ai installé sur la dizaine de PC de l'entreprise ", ajoute le dirigeant de
Comptoirs Océaniques. Aucun paramétrage du PC ou du réseau n'est nécessaire. " Nos interlocuteurs nous parlaient de Skype. Nous l'avons alors téléchargé et installé. Ça a marché tout de suite, sans rien faire
d'autre que de brancher le casque et le micro. Si tout pouvait être aussi simple en informatique ! ", s'exclame Robert Perret.L'interface épurée du logiciel et le nombre limité de fonctions aide également les utilisateurs à se l'approprier rapidement. " Une fois que l'on a intégré qu'il fallait utiliser le
format international de numérotation, l'usage est immédiat. Nous avons également installé un plug-in qui permet d'appeler d'un clic un contact référencé sous Outlook, chose qu'on ne peut pas faire avec nos téléphones
filaires ", indique Frédéric Montin.Bien sûr, il est recommandé d'utiliser un ordinateur plutôt récent car le logiciel requiert au minimum Windows 2000. Mais, en termes de réseau et de connexion à Internet, une ligne à 128 kbit/s permet de recevoir sans
problème jusqu'à deux conversations simultanées, sans perte de qualité notable, tout en permettant la réception de mails. " Nous n'avons constaté aucun impact négatif sur l'utilisation du réseau ou des
machines ", confirme Alain Bailly, qui ajoute n'avoir modifié ni son abonnement Internet ni ses méthodes de travail.
Les gains : un nouvel outil de communication
Avec Skype, les entreprises veulent faire des économies, et elles en font ! " Pourvu que j'ai une connexion Internet, je suis joignable n'importe où et n'importe quand. Mais ce sont
surtout les économies, de l'ordre de 350 ? par mois pour l'ensemble de l'entreprise qui sont appréciables ", précise Alain Bailly. " J'estime les économies
réalisées à plusieurs milliers d'euros par an ", indique Frank Fiszel, de Coach Europ. " Mais ce calcul est un peu virtuel, car si je devais reprendre un téléphone classique, mes conversations
seraient bien plus courtes ", assure t-il.Par effet indirect, Skype améliore en effet la qualité des échanges. " Pouvoir passer plus de temps parce qu'on n'est pas pressé par le compteur qui tourne est important. Dans certains pays ou avec
certaines personnes, il est important de prendre le temps de parler d'autre chose que des affaires avant d'entrer dans le c?ur du sujet ", souligne Robert Perret.Pierre Fauquenot partage ce point de vue. Ce DSI est membre d'Amadeus-Dirigeants, une association regroupant cinquante cadres de haut niveau spécialisés dans le management de transition. Entre deux missions dans des grands
comptes, cet expert informatique a installé Skype dans l'association il y a près d'un an. " La qualité des échanges avec Skype est supérieure à celle du téléphone fixe. Cette particularité a grandement amélioré
la communication entre les membres de l'association ", affirme t-il.
Les écueils : une porte ouverte sur l'extérieur
Malgré son succès indéniable, Skype n'est pas encore un standard, loin s'en faut. Autrement dit, il est impossible de jeter sa téléphonie classique au profit unique de Skype. " Il reste un outil
complémentaire du téléphone car son usage dépend directement de la stabilité d'Internet. Et nous n'avons aucune garantie sur ce sujet. Il n'est pas question aujourd'hui de résilier nos abonnements
classiques ", indique Alain Bailly, de Comptoirs Océaniques.Autre limite de Skype : un utilisateur doit être devant son PC pour être joint, du moins avec le service de base gratuit. " Quand nos interlocuteurs sont en zone de production, sans connexion, ils pourraient
théoriquement activer un renvoi d'appels sur un poste classique. Encore faut-il que leur PABX le permette. Dans le cas contraire, nous devons alors passer par le service payant SkypeOut pour les joindre sur un poste
classique ", indique Robert Perret.Si l'offre Skype s'enrichit rapidement de nouvelles API, elle est loin d'offrir toutefois toutes les fonctions évoluées d'un PABX moderne (double appel, transfert d'appels, etc.). Patrick Blum, DSI de
l'Essec, voit un autre désavantage à Skype : l'impossibilité de filtrer les appels. " Une fois connecté à Skype, vous êtes à la vue de tout le monde. Même un inconnu peut vous déranger pour une raison futile
alors que vous êtes dans un contexte professionnel. Cela peut être une grande source d'inconfort ", détaille-t-il.Mais le grand frein à l'adoption de Skype dans l'entreprise, c'est bien sûr le problème de la sécurité. Skype est effectivement l'un des rares produits de VoIP ne reposant pas sur le protocole standard SIP,
ce qui inquiète nombre de responsables informatiques. Si aucune faille ou piratage ne peut lui être imputable, à ce jour, le débat reste ouvert.Pour Pierre Fauquenot, d'Amadeus-Dirigeants, " il y a en effet des inconnues au niveau de la sécurité. Mais, pour une PME ayant une infrastructure informatique réduite, les risques semblent limités. Pour
les grands comptes, la question est davantage d'actualité, même si les craintes autour de Skype sont exagérées et sûrement liées à sa nouveauté ", conclut-il.
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