Avec l'avènement annoncé de la TV sur mobile, des choix de stratégies industrielles et de politiques publiques en matière de spectre radio sont à nouveau à l'ordre du jour. Avec leurs difficultés intrinsèques : quelles technologies, dans quelles bandes de fréquences ? Mais, de plus, ils doivent intervenir alors qu'un consensus tarde à émerger en Europe sur les modalités futures d'une politique d'usage du spectre radio cohérente, tant entre les régimes de gestion des différentes bandes de fréquence que dans les pays membres de l'Union. En effet, l'utilisation optimale du spectre et les conditions de l'innovation dans les technologies mobiles et radio sont globalement soumises à un ensemble de considérations techniques et économiques, et à diverses propositions d'évolution.
Quel sera l'impact des futures technologies ?
Pour prendre l'exemple des services commerciaux mobiles et nomades, les premières questions soulevées concernent l'après-3G, et la façon dont les systèmes retenus vont utiliser le spectre. Multiplicité des accès radio et des fréquences utilisées, variété des types d'acquisition de droits sur ces fréquences, sophistication croissante des émetteurs et des récepteurs, qui leur confère une polyvalence toujours plus grande : l'impact de ces futures technologies et des modalités de leur mise en ?"uvre est potentiellement grand, mais il est loin d'être pleinement exploré. Pour ces raisons, l'ampleur effective de la future demande de fréquences pour les applications post-3G est sans doute très importante, mais elle reste mal évaluée. Et il n'y aura pas de miracle tant le ' dividende numérique ' attendu après le passage total à la TNT est peut-être surestimé ?" sur le plan quantitatif, mais aussi qualitatif, parce que très dispersé dans la bande UHF.Le second groupe de questions porte sur l'évolution des modèles de gestion du spectre pour stimuler l'innovation et la compétitivité en Europe. L'approche privilégiée par la Commission européenne est de rendre plus intime l'intégration de la politique du spectre dans le cadre réglementaire des communications électroniques, orienté vers l'extension et le contrôle des mécanismes de marché dans le secteur en Europe. Cela présente l'avantage de fournir un outil de réglementation bien charpenté, et articulé avec le cadre général de la politique concurrentielle. Cette orientation se heurte pourtant à des obstacles. Par exemple, le régime particulier et très divers dans les pays européens des contenus audiovisuels, qui n'est pas toujours aisément dissociable de celui de leur diffusion. Beaucoup de gouvernements des pays membres se refusent ?" ou auraient beaucoup de mal à le faire ?" à modifier les équilibres fondamentaux délicats de la planète audiovisuelle, dont l'utilisation gratuite, ou presque, des fréquences fait partie. On pense en particulier à l'Allemagne avec le rôle des länder.Un modèle alliant flexibilité et standardisation
A travers ces tensions, et parallèlement à la convergence des technologies, on voit cependant s'opérer une prise de conscience : des bandes de fréquences utilisées de façon plus polyvalente, et une plus grande liberté dans le choix des technologies, voire des services. C'est l'émergence d'un nouveau paradigme dans lequel la flexibilité est la règle, et où l'harmonisation et la standardisation sont introduites au cas par cas, en considération concrète des techniques, des marchés, et des situations industrielles. Ce modèle de flexibilité accrue peut inclure un hybride de mécanismes de marché et de guidage institutionnel. L'environnement du spectre radio en Europe devrait changer, mais plus sous la forme d'une évolution que d'une révolution. Dans l'intérêt de l'industrie et des consommateurs européens, il serait bon que cette évolution s'effectue de façon coordonnée, et que la fragmentation du marché soit évitée.*Professeur déconomie GET/Télécom Paris. Il mène des recherches sur les politiques du spectre radio sur les plans européen et international. Il est conseiller scientifique du projet européen IST ' Spectrum Policies and Radio Technologies Viable in Emerging Wireless Societies '.