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Naguère farouche défenseur d'une indépendance adossée au tandem Sparc/Solaris, Sun multiplie les accords avec des concurrents qu'il décriait hier. Il va fournir Windows sur ses serveurs x86, alors qu'IBM vendra Solaris sur les siens.
Sun a beaucoup changé. Pour qui se souvient des flamboyantes déclarations de Scott McNealy, le tonitruant PDG de l'entreprise durant 22 ans, à l'encontre de ses concurrents (Intel, Microsoft, IBM en tête), certaines annonces ont de
quoi surprendre. Deux exemples : une entreprise désirant acheter un serveur Solaris va prochainement pouvoir le faire chez IBM ?" le spécialiste des systèmes ' Frankenstein ' selon McNealy,
et grand concurrent de Sun dans quasiment tous les domaines (serveurs, stockage, logiciels). De même, ceux qui sont intéressés par une machine Windows, un système de la ' bête de Redmond ' comparé il y
a quelques années à une drogue car ' seul le premier shoot est gratuit ', pourra la trouver... chez Sun.En fait ces deux annonces, celle qui permet à Sun de préinstaller Windows, et celle qui autorise IBM à préinstaller Solaris, correspondent à des pans complémentaires de la stratégie de Sun. L'entreprise veut, d'une part, se faire une
place dans le monde des serveurs x86 sur lequel elle est entrée tardivement, et, d'autre part, s'imposer comme vendeur de systèmes d'exploitation, en adoptant un modèle comparable à celui de Red Hat. Plus généralement, si on y ajoute la soudaine
lune de miel entamée en début d'année avec Intel, il s'est produit une sorte de révolution culturelle chez Sun, avec la montée en puissance, puis la prise de contrôle en 2006 de Jonathan Schwartz, successeur de McNealy : le passage d'une
culture du conflit et de l'hyper-indépendance à une forme de coopétition beaucoup plus dans l'air du temps.
Un accord stratégique devancé par la réalité du terrain
Rappelons que Sun et Microsoft avaient déjà signé, en 2004, un accord de collaboration. Celui-ci concernait principalement l'interopérabilité des logiciels de connectivité (middleware) ainsi que Java et.Net. Sun souhaite maintenant
devenir un grand fournisseur de serveurs x86 couvrant Linux et Windows, les deux systèmes phares du moment, mais aussi Solaris, l'Unix maison. ' A l'époque, nous nous sommes contentés d'un processus de certification et de
validation de nos machines sous Windows. Mais nos clients devaient installer eux-mêmes leur système d'exploitation sur les serveurs qu'ils nous achetaient ', rappelle Jean-Yves Pronier, directeur marketing de Sun France. Une
situation qui devenait au fil du temps d'autant plus absurde que de nombreux serveurs x86 d'origine Sun, livrés avec Solaris, finissaient équipés de Windows. Le constructeur met donc son offre en accord avec la réalité. Son catalogue propos
désormais des machines Windows 2003 préconfigurées et certifiées, avec les contrats de service associés. Les clients disposent également de processeurs AMD ou Intel, à leur convenance, depuis que Sun s'est entendu avec Intel en janvier dernier. Des
mesures indispensables pour ravir la quatrième place mondiale du marché des serveurs x64, objectif avoué de Sun, qui occupe, selon lui, le cinquième rang mondial avec 4 % du marché en valeur. C'est pourquoi, il se doit de présenter une offre
aussi large que celles de ses concurrents.Mais cette mise à jour de l'accord de 2004 avec Microsoft va plus loin. Elle institue une coopération dans le domaine de la virtualisation. Elle vise le développement de capacités de virtualisation croisées entre les deux
environnements (exécution de Solaris dans une machine virtuelle gérée par un hyperviseur Windows, et vice-versa) et la fourniture du support technique correspondant. Un point clé de la stratégie de Sun, qui, même si son offre x86 se standardise,
n'entend pas être un constructeur comme les autres. Il affirme, notamment, ne pas être intéressé par le volume, ce qui explique son absence des serveurs x86 32 bits. Il insiste en revanche sur la virtualisation et la consolidation de serveurs,
nouveau gisement de croissance du secteur. Un discours pour le coup pas très original, tous les fournisseurs se positionnant aujourd'hui sur ce type de machines haut de gamme. Sun reste toutefois le seul à fournir un serveur comprenant huit
emplacements physiques, soit la capacité d'aligner 32 c?"urs avec les derniers Opteron quadric?"urs.
Contester les parts de marché de Linux
Le rapprochement avec IBM suit la même logique, mais concerne une autre activité critique pour Sun : la promotion de Solaris aux côtés de Linux et de Windows dans le monde x86. Là aussi, l'évolution part d'une situation ambiguë.
Les utilisateurs ne se privaient pas d'installer Solaris sur les plates-formes x86 d'IBM. L'accord permettrait donc d'éviter qu'en cas de problème IBM et Sun ne se renvoient la balle. A noter que Solaris est aussi largement déployé sur des serveurs
HP et Dell. L'accord avec IBM pourrait donc n'être que le premier d'une longue série. Objectif ? Aller contester des parts de marché à Linux, en particulier à Red Hat, le plus en vue des éditeurs de distributions :
' Oui, nous sommes en compétition avec Linux, car rien n'est plus proche de Linux que Solaris ', considère Jean-Yves Pronier. Une assertion qui prouve que les vieux démons de Sun ne demandent qu'à se
réveiller, puisque Scott McNealy a multiplié les revirements sur l'intérêt de Linux au fil des années.
Une stratégie à l'épreuve du temps
Sun semble dans une phase de métamorphose, qui ?" à en croire la courbe ascendante du chiffre d'affaires et des bénéfices, redevenus significatifs après plusieurs années de pertes ?" a commencé à porter ses fruits,. En
tant que constructeur, l'entreprise est rentrée dans le rang en commercialisant une série de serveurs x86 totalement développée en interne par le célèbre Andy Bechtolsheim. Néanmoins, sa double stratégie Sparc ?" accords avec Fujitsu pour le
haut de gamme et engagement sur des processeurs massivement multithreads maison ?" devra confirmer sa validité dans le temps. D'autant que le marché RISC/Unix tend à stagner. Quant aux ambitions logicielles de Sun, il serait temps qu'elles se
concrétisent, car c'est un domaine où l'entreprise a souvent affiché une stratégie au mieux confuse, au pire contradictoire. On rappellera le développement abandonné d'une distribution Linux ; celui d'un environnement pour poste de travail
(Java Desktop System) qui n'a jamais trouvé sa place sur le marché ; le manque de visibilité de l'outil de déploiement et d'administration N1 ; l'incapacité à s'imposer comme grand fournisseur de serveurs d'applications Java face à BEA et
IBM ; ou encore l'étrange destin qui a vu Eclipse devenir une référence du développement Java contre les outils de Sun, pourtant inventeur du langage. Sur le plan du logiciel, les nouveaux amis de Sun, et les contrats signés ces derniers temps,
pourraient donc agir comme des garde-fous, et exercer une action apaisante. L'époque McNealy, l'époque de l'indépendance farouche est, en tout cas, bel et bien révolue.redaction@01informatique.presse.fr
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