Sur l'intranet, la révolution a besoin des dirigeants

Où en est-on du Digital Workplace, cet espace unique où le salarié trouve une kyrielle de services ?
Depuis le temps qu’on parle de la mutation profonde, inéluctable et d’ailleurs en cours de l’intranet, il est temps de se livrer à un rapide état des lieux, surtout si l’on met en perspective l’ambition affichée et ce qui reste le quotidien du plus grand nombre de salariés.
Le digital workplace tarde à s'installer
La promesse, quelle est-elle ? Un intranet qui ne soit plus seulement un espace de communication descendante comme il fut à son origine mais un espace d’échange, de travail, d’information et de service. Un espace multidirectionnel (de l’entreprise au collaborateur, du collaborateur à l’entreprise, du collaborateur au collaborateur), unique (tout le monde sur une seule et même plateforme et non plus une myriade d'intranets) et enrichi avec des applications. Un espace de travail et de vie. Aujourd’hui cette vision a un nom : la digital workplace. Et elle ne semble pas se mettre en place aussi vite qu’on l’aurait voulu ou qu’on aurait pu s’y attendre.
A l’origine de l’idée on trouve, dans l’ordre, la « webisation » et la « consumérisation » de l’outil de travail. La webisation a permis de remplacer des applications fonctionnant sur le poste de travail par des services hébergés sur des serveurs et accessibles depuis un navigateur. La consumérisation, quant à elle, est la tendance qu’ont les collaborateurs à importer dans l’entreprise les outils qu’ils utilisent à titre personnel, souvent plus fonctionnels, souples, collaboratifs et ergonomiques que ceux mis à disposition par l’entreprise.
Difficile de passer de l’intention à l’action
La vision d’un espace unique fait de services interconnectés est donc devenue possible avec la kyrielle d’avantage qu’elle amène. Une information moins dispersée, des outils plus facilement accessibles, utilisables voire, dans le meilleur des cas, intéropérables et des coûts in fine inférieurs dus à la mutualisation de services souvent redondants (certaines entreprises ont compté et comptent encore des centaines d’intranets pour ne pas dire plus, part division, métier, pays, fonction, informatifs ou applicatifs).
Si l’on se fie au rapport faisant autorité en la matière, le Digital Workplace Trends de Jane McConnell, la digital worplace est passée du stade de concept à celui de réalité. Mais derrière un certain nombre d’entreprises spécialement mûres et avancées, le niveau de maturité reste très disparate et beaucoup n’en sont encore qu’au stade de l’intention ou de la compréhension. Et l’expérience montre que le passage de l’intention à l’action est relativement compliqué.
Et s’imaginer que le problème est l’ampleur du chantier technologique serait une erreur de jugement.
Les collaborateurs en première ligne?
Car la consumérisation des outils a fait des ravages pendant que l’entreprise se demandait de quoi on parlait, comment y aller, voire se disait que, comme d’habitude, les collaborateurs pouvaient attendre 5 ans et qu’en attendant ils feraient avec ce qu’on leur donnerait.
Ce sont d’abord les collaborateurs eux-mêmes qui ont introduit leurs propres outils. Certains restent encore largement répandus avec tout ce que cela implique en termes de sécurité. Utiliser sa messagerie instantanée ou son espace de stockage de documents privé pour des documents d’entreprise n’est pas toujours la plus brillante des idées mais faute d’outillage interne les collaborateurs font avec ce qu’ils peuvent.
…puis les managers…
Ensuite on est remonté au cran supérieur. Le manager pour ses équipes, la business unit, le département… ont tous lancé leurs initiatives pour pallier à l’inertie centrale. Et souvent avec un certain succès pour le plus grand bonheur de tous. Ou presque.
Si localement on y trouve souvent son compte on recrée encore plus de silos. Tous nécessairement collaboratifs et « sociaux ». Résultat : il n’y a pas un seul endroit pour trouver « tout le monde », enjeu clé des questions de transversalité. Les outils concurrent se multiplient et restent peu ou pas intéropérables entre eux faute de plan directeur global.
On en arrive au grand paradoxe de la digital workplace. Ses briques prises une à une peuvent bénéficier d’une adoption rapide puisque « tirée » par les utilisateurs même en l’absence de programme d’entreprise construit. Rapide mais facteur d’un morcellement mortel de l’intranet. Quant au programme d’entreprise, plus il tarde, plus il se heurtera à une armée d’initiatives locales bien implantées et qu’il sera plus difficile à déloger que les anciens intranets locaux poussiéreux. Sans compter la dimension politique qu’on ne peut occulter lorsqu’il s’agit de demander à un responsable de mettre un terme à une initiative qu’il a pourtant mené à bien en l’absence de leadership au sommet.
Mettre en plage une gouvernance forte
Dès lors deux situations sont envisageables :
- sonner le glas de la digital workplace en acceptant un morcellement croissant de l’environnement de travail et en faisant le deuil de la transversalité.
- ne plus attendre et mettre en place une gouvernance forte qui empêchera le morcellement des initiatives d’autant plus facilement qu’elle sera mise en œuvre tôt. Même s’il est souvent déjà tard, chaque mois perdu accroitra la difficulté de déployer un jour un projet global.
Le paradoxe de la révolution de l’intranet est que si l’innovation viendra toujours du bas, la révolution demandera un investissement, un sponsorship voir un courage conséquent de la part de ses dirigeants sans lesquels rien ne se passera ou pas sans la cohérence nécessaire à la réussite d’un projet d’entreprise.
La dg c’est vous