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Turnover effréné, inflation salariale galopante, système éducatif débordé… l'emploi est bel et bien le talon d'Achille des technologies de l'information (IT) indiennes. Ereintées par cette guerre des talents, les SSII cherchent des parades à tout prix.
L'industrie IT indienne a créé 240 000 emplois l'année dernière, portant les effectifs de la profession à plus de deux millions et demi de personnes. Et pour 2011, les prévisionnels de recrutement sont tout aussi… gigantesques. Compte tenu de la rotation accélérée des équipes, les besoins sont encore plus grands. Selon une étude de BNP Paribas, les trois premières SSII indiennes devraient employer chacune, à modèle économique inchangé, près d'un million de salariés dans dix ans pour respecter leurs objectifs de croissance.Face à la demande, les filières de formation ont du mal à suivre. Si l'Inde a de très bonnes écoles d'ingénieurs, les Indian Institutes of Technology (IIT) et, un rang en dessous, les National Institutes of Technology (NIT) et les Birla Institutes, forment un nombre restreint de diplômés. Pour le prestige, cette élite rejoint en priorité les multinationales américaines, les IBM, Microsoft et Accenture, connues de toute la population, quand elle ne quitte pas carrément le pays.A l'extrême, une myriade d'écoles privées a essaimé, par opportunisme, sur le marché. “ Le niveau général moyen des compétences baisse drastiquement en Inde, estime Stéphane Roche, consultant en stratégie et management. A cela s'ajoute un manque de professeurs. Ce qui accentue le phénomène d'étranglement. ”“ On trouve sur le marché des diplômés étiquetés ingénieurs dont le niveau serait à peine acceptable en classe de 3e en France ”, déplore, depuis Pondichéry, Frédéric Donnette, consultant pour l'agence web Hangar 17. Le système éducatif qui repose sur le par cœur, avec des examens d'entrée à base de QCM, fait aussi des ravages. “ On le voit en entretien. A la question “ Qu'est-ce que XML ? ”, le candidat débite son texte ; mais dès qu'on le met en situation, il est perdu dans 90 % des cas. ”
Offshore à l'envers ? Des Français recrutés en Inde
Les SSII le savent : elles doivent mettre la barre très haut. Souvent décidées tous les six mois, les augmentations frisent aisément les 10 à 15 % par an, sachant que l'inflation, elle, dépasse 8 %. “ Sur des profils rares, comme spécialiste PHP dans l'e-commerce, le salaire peut démarrer à 6 000 euros par an pour atteindre 30 000 euros ”, observe Frédéric Donnette. Dans ces conditions, les SSII se disent prêtes à engager davantage de talents étrangers. A commencer par Infosys, qui laisse entendre que son prochain PDG sera un Américain. L'obtention des “ visas employment ” a d'ailleurs été facilitée dans ce sens. Et Hangar 17 a récemment recruté un Français, “ en huit jours, c'était réglé ”.Après avoir recruté ces talents, il faut les garder alors que le turnover grimpe à 20 % et plus. Un chiffre auquel il faut ajouter le turnover interne. “ A la différence de la France, c'est le management qui est valorisé en Inde, pas l'expertise, explique Stéphane Roche. Quand vous avez un bon team leader, vous ne le gardez pas. Soit vous lui proposez un poste de manager ? et vous perdez un expert ? soit il part. ” Au-delà du statut social, un jeune Indien peut aussi doubler sa paie. “ Un ingénieur de base démarre à 200 ou 300 euros la première année, à 500 ou 600 euros la deuxième, etc., pour culminer à 1 200 euros. En passant manager, il atteint un nouveau palier de 1 500 euros ou plus. ”
Une hausse de 5 % des tarifs pour compenser
Selon The Economic Times, cette surchauffe du marché du travail conduirait TCS, Infosys, Wipro et HCL à relever le tarif de leurs prestations de 5 %. Pour réduire ces taux d'attritions, les SSII ont aussi amélioré l'ordinaire et des conditions de travail parfois harassantes. Cuisines du monde, salle de fitness, piscine… les campus de Bangalore n'ont rien à envier à ceux de Californie. Plus novateur, Vineet Nayar, patron de HCL Technologies, a lancé le concept “ Employees first, customers second ”. Comme son nom l'indique, il s'agit de replacer l'employé au centre des préoccupations en le déchargeant de tous les problèmes d'intendance ou en tenant compte de ses aspirations. En cinq ans, HCL aurait ainsi ramené son turnover de 20 à 13 %.
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